samedi 22 mai 2021

Observer les oiseaux en été

 

 

En me remémorant les débuts de ma passion pour les oiseaux, je dois admettre que je cessais mes activités d'observation en forêt dès que les insectes piqueurs faisaient sensiblement leur apparition, soit vers le début de juin. À cette période, je calculais qu'observer un moucherolle, même sur son nid, ne valait pas toutes les piqûres que je devais endurer pour ce faire. Assez pathétique à bien y penser, car une toute nouvelle réalité se révèle à nos yeux en période de nidification. Avec l'expérience des années m'est venue cette constatation que les mois de juin et de juillet fourmillent d'occasions de découvrir d'autres aspects de la vie des oiseaux.

Le mois de mai est sans doute celui des douze qui procure le plus de montées d'adrénaline chez les ornithologues amateurs. En plus de saluer le retour des nicheurs locaux, ce qui constitue une fête en soi, la vague migratrice apporte son lot d'espèces qui ne sont que de passage, en route vers leurs territoires de nidification situés plus au Nord. Une centaine d'espèces différentes peuvent garnir, en une seule journée donnée, le carnet d'observation des ornithologues plus expérimentés. Ces moments sont tellement stimulants qu'il est courant de ressentir un genre de spleen lorsque la cohorte d'oiseaux de passage nous quitte pour continuer leur périple migratoire. Et leur départ coïncide avec le début de nidification de plusieurs de nos espèces nicheuses. Juin s'avère un mois plus calme où il faut travailler un peu pas mal plus fort pour repérer l'oiseau plus silencieux dans la végétation dense. Les oiseaux ne chantent plus autant, car les couples sont formés, les nids construits et les oeufs bien en sécurité sous le ventre du parent qui couve. Et ajoutons à cela la présence remarquable des fameux insectes piqueurs qui ne cessent d'user d'imagination pour trouver, sur notre peau, le seul petit endroit non protégé par l'insectifuge... qu'on croyait pourtant avoir appliqué avec grand soin.


Ce Moucherolle tchébec / Empidonax minimus / Least Flycatcher est bien installé sur ses oeufs en ce 28 juin 2012, quelque part en Abitibi.

Je tiens tout-de-suite à préciser que l'idée de ce billet n'est pas de vous inciter à trouver des nids par tous les moyens. J'en ai souvent trouvé des nids, mais c'était toujours par pur hasard. Lorsque je l'ai fait pour celui du Moucherolle tchébec, je me tenais sur le bord d'une route forestière en surplomb d'un petit ravin quand j'ai vu un petit oiseau arrivé en vol. En le cherchant à la jumelle, je l'ai trouvé assis sur un nid. J'étais à environ cinq mètres du nid et j'ai pris la photo sans m'en approcher davantage. Si ça vous arrive, souvenez-vous qu'il faut toujours respecter la bulle de l'oiseau, ne pas détruire la végétation pour avoir une meilleure vue sur le nid et ne pas manipuler les oeufs ou le nid lui-même si l'oiseau s'envole. Les prédateurs de nids que sont plusieurs mammifères forestiers (écureuils, ratons, mustélidés...) comptent beaucoup sur leur odorat pour trouver des sources de nourriture. Donc, si vous laissez une trace odorante en vous rendant vers un nid pourtant bien protégé par la végétation avant votre intervention, il y a de fortes chances qu'elle constituera une véritable autoroute pour un prédateur au nez fin. C'est un pensez-y bien.

Le mois de juillet voit éclore des millions d'oeufs partout au Québec. La forêt, plus silencieuse depuis quelques semaines, laisse entendre les piaillements émis par les oisillons quand les parents approchent du nid avec une becquée constituée de succulents insectes. Les parents eux-mêmes sont plus facilement repérables avec leurs déplacements incessants pour nourrir leur progéniture ultra-affamée. Il y a beaucoup à apprendre sur les comportements des oiseaux au cours de ce mois. Nous entendons des sons nouveaux, surtout de la part des jeunes oiseaux, mais aussi des adultes qui doivent garder un contact constant avec leurs jeunes. Et cette activité débordante se constate dans tous les habitats, pas seulement en forêt.

 

Hirondelle rustique / Hirundo rustica erythrogaster / Barn Swallow. Saint-Antoine-de-Tilly, 09 juillet 2020.

 

Le mois d'août me laisse un goût doux-amer dans la bouche. Après l'effervescence et la fébrilité des mois de nidification, voilà que plusieurs espèces commencent déjà à déserter leur territoire ou à former des bandes qui se déplacent constamment à la recherche de sites riches en nourriture. On n'a qu'à penser aux groupes d'hirondelles qui se regroupent autour des milieux humides comme les marécages. On n'en voit plus aux abords de nos habitations. De même pour les carouges qui délaissent les champs et disparaissent de nos listes quotidiennes d'observation. Quelques espèces s'évanouissent totalement du paysage, déjà en route vers leur quartier d'hivernage. Oui, il reste encore des oiseaux nicheurs. Le Chardonneret jaune est reconnu pour nicher tard. En fait, il synchronise le nourrissage des jeunes avec la maturation des graines de graminées et autres plantes sauvages. Il y a également ces espèces qui répètent les nichées tant que la température est clémente et la ressource nourricière disponible. Le Merle d'Amérique est l'une de ces espèces prolifiques. Avez-vous déjà remarqué que le merle connait un regain vocal au courant de l'été? Au printemps, il chante pour établir un territoire et trouver une compagne. On l'entend à toute heure du jour. Lorsque la femelle couve, il cesse presque totalement de chanter. Ensuite, il aide au nourrissage. Quand les immatures quittent, le couple peut s'activer à une nouvelle nichée. Le mâle reprend alors un concert matinal, non pas pour trouver une autre compagne ou pour réclamer un territoire. Mais ce chant servirait à renforcer le lien entre les deux adultes. S'ils nichent une troisième fois, le mâle répètera le même comportement. Donc, si vous entendez en plein été un mâle recommencer à chanter avec ferveur alors que vous ne l'aviez pas entendu depuis quelques temps, c'est qu'une nouvelle nichée s'en vient. Ceci peut s'appliquer également à d'autres espèces, comme le Bruant chanteur.

Heureusement, vers la mi-août, les limicoles réapparaissent en provenance de leur aire de reproduction et en direction de leur aire d'hivernage situé plus au sud, parfois même jusqu'en Patagonie. Ils s'arrêtent de quelques jours à quelques semaines pour refaire leurs forces pour la suite du grand périple automnale.

 Je vous souhaite un bel été rempli de belles découvertes tout en respectant scrupuleusement nos oiseaux!

 

@ bientôt. 


1 commentaire:

Stéphane a dit…

Encore une fois merci et bravo, excellent billet !