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jeudi 16 juillet 2015

Ces habitués des conditions extrêmes.



La semaine dernière, une courte escapade de quatre jours en Gaspésie nous a encore fait réaliser combien certaines espèces d'oiseaux sont vouées à des vies où les conditions météorologiques adverses sont monnaie courante. J'ai toujours été fasciné par ces animaux qui doivent survivre dans des conditions où nous, pauvres humains laissés à nous mêmes, ne tiendrons pas très longtemps. Le fait qu'ils soient encore là dénote nécessairement qu'ils ont su s'acclimater à ces conditions sinon ils n'existeraient plus.

Dans mon échelle d'évaluation de la tolérance aux intempéries, les oiseaux marins occupent le sommet. Comment des êtres comptant sur de simples plumes comme moyen de protection peuvent-ils survivre à des écarts de température intenses, aux eaux froides, à des vents violents et à des mers déchaînées qui prévalent dans l'immensité des océans ???  Et que dire de leurs conditions de nidification alors qu'ils doivent accrocher leurs nids littéralement à des murs rocheux vertigineux. Chaque cavité ou chaque saillie du rocher offrant un espace assez grand est occupé par un couple nicheur. Et voici un exemple probant où le parent qui couve n'a d'autre vision que le mur grimpant à 90° tout au bout de son bec.



Passeriez-vous de 23 à 32 jours (le temps normal de la couvaison) à regarder un mur rocheux vertical, sous la pluie, sous un soleil ardent ou aux prises à des vents violents ? Et bien c'est pourtant le karma de cet adulte de Mouette tridactyle. Photo prise à l'Île Bonaventure le 5 juillet 2015.

Et comme si ce n'était pas assez, chaque site de nidification doit être chèrement défendu puisque ces espèces nichent habituellement en colonies très denses. Chaque centimètre de terrain est important et les parents veillent méticuleusement à ce que les limites territoriales soient respectées par les voisins. Comment chaque individu fait-il pour s'y retrouver dans tout ce brouhaha demeure un mystère, pour moi du moins.



Un Fou de Bassan atterrit à l'emplacement que le couple a choisi. Choisi est peut-être un bien grand mot vu la grosseur de la colonie. Les matériaux utilisés pour la confection du nid sont des algues, de l'herbe ou toute matière végétale disponible près du site. 




Alors que la photo du haut montre un fou apportant des algues, celui-ci arrache de l'herbe qui pousse en périphérie de l'emplacement de la colonie. Il ne fera que quelques pas pour la laisser choir au sol. Et voilà que la confection du nid est entreprise.



Cet oisillon n'a que quelques heures de vie. On peut voir la "dent" claire au bout du bec qui lui permet de briser la coquille de l'oeuf. L'adulte le garde au chaud entre la paillasse et les plumes de son ventre.


 
Environ une semaine plus tard, son corps a quintuplé et il est couvert d'un duvet blanc.


Et s'il ne manque pas de nourriture, s'il évite les prédateurs et s'il survit aux embûches qui l'attendent lors de ses premiers vols, il pourra aspirer à devenir l'un des oiseaux de mer les plus élégants qui soit.






Car des embûches, il y en a plus d'un à éviter sur l'Île Bonaventure. Selon les dires de la guide biologiste en service, le prédateur terrestre le plus efficace est le Renard roux. Il est friand des oeufs et il ne dédaigne pas s'occuper des jeunes oiseaux mal en point. Anne et moi n'en avons pas vu lors de notre visite de quelques heures, mais il est bien présent sur l'île. Par contre, un Faucon pèlerin est venu se percher sur un grand poteau avec dans ses serres un oisillon d'un laridé (goéland ou mouette) qu'il a déplumé allégrement devant nos yeux. Ça se passait dans le village de Percé, mais ceci aurait tout aussi bien pu se produire sur l'île même. Par contre, deux gros prédateurs ont été aperçus à partir du bateau lorsque nous avons fait le tour de l'île. Deux beaux Pygargues à tête blanche.

 

Un pygargue, un immature d'environ quatre ans, regarde passer un fou le long de la falaise du côté nord de l'île. S'il ne s'attaque pas à un adulte en pleine forme, le prédateur pourrait très bien s'occuper d'un jeune laissé sans surveillance. Pas très loin de là, un autre pygargue d'environ trois ans fait le guet.



Parmi les autres prédateurs, il ne faut pas oublier le Grand Corbeau et le Goéland marin, deux espèces qui nichent à proximité des colonies et qui ne dédaignent pas non plus les oeufs et les jeunes oisillons.



Nous avons dénombré quatre Grands Corbeaux lors de notre visite, répartis autour de l'île.

 
Le Goéland marin est le plus gros des laridés présents au Québec et il est un prédateur omniprésent dans les colonies d'oiseaux marins sur la côte où il se nourrit d'oeufs et d'oisillons.


En contre-bas, une dizaine de Phoques gris se reposent sur les rochers. Ils se nourrissent des mêmes poissons dont le fou raffole et ils sont des compétiteurs directs.Plusieurs personnes croient qu'ils sont la cause de la diminution drastique des maquereaux dans le secteur, mais ceci reste à prouver. Chose certaine, les Fous de Bassan doivent maintenant parcourir de grandes distances afin de se sustenter eux-mêmes et de ramener de la nourriture aux rejetons. 

 

Le mâle du Phoque gris est gris foncé, presque noir, et la femelle est plus ou moins gris pâle.


Dernièrement, via le forum Ornitho-Québec, l'ami Raymond Belhumeur a attiré notre attention sur un article du journal Le Devoir relatant la baisse impressionnante des effectifs des Fous de Bassan et d'autres populations d'oiseaux de mer. Il s'agit du nombre astronomique de 69.7% depuis 60 ans, soit la période s'étalant de 1950 à 2010. Possiblement en raison du réchauffement des eaux du golfe du Saint-Laurent, leur proie favorite, le maquereau, se serait déplacée davantage au nord. Or, les plus grands trajets désormais nécessaires pour retrouver des maquereaux sont épuisants pour les oiseaux, qui doivent nourrir leur progéniture. En plus d’affecter les adultes, le phénomène nuit aux poussins, laissés souvent trop longtemps seuls dans le nid. La naturaliste du parc de l'Île Bonaventure nous a dit qu'ils estimaient actuellement la population de l'île à 51 000 couples nicheurs. Ceci constitue la plus grande colonie en terre d'Amérique.


 Je ne voudrais pas terminer ce billet sans vous présenter d'autres espèces facilement observables près de Percé et de l'Île Bonaventure.



Le petit Guillemot à miroir s'observe en bonne quantité dans la région. Il niche dans les cavités rocheuses qui les protègent des prédateurs. J'ai photographié cet individu en bordure de la 138, près de Gros Morne. Il est facilement observable à Percé même, à partir du quai et tout autour de l'Île Bonaventure.




Le Petit Pingouin est abondant à Percé où il niche également dans les cavités rocheuses.



Le Guillemot marmette est un autre alcidé très abondant à Percé. En vol et à distance, nous pouvons le confondre avec le Petit Pingouin, mais son bec effilé et sa couleur brunâtre permettent de le différencier assez facilement. Il niche en compagnie des pingouins dans les nombreuses cavités.



L'Arlequin plongeur est l'espèce d'anatidé que nous voulons toujours avoir la chance d'observer lors d'une tournée de la Gaspésie. Ces deux individus immatures ont été captés tout près du quai de Percé. Nous avons été très chanceux de les trouver puisqu'ils n'avaient pas été rapportés depuis quelques jours.


 
S'il n'est pas nécessaire de se rendre en Gaspésie pour être en présence d'une crèche d'Eiders à duvet, avouez que le spectacle vaut le coup d'oeil. Image captée près de l'Île plate où le Grand Cormoran niche également. Ce dernier niche aussi en bon nombre sur le fameux Rocher percé.


 Et pour finir, une photo de la très élégante et acrobatique Mouette tridactyle.







Un tour de la Gaspésie est un incontournable au Québec pour un passionné de nature et de photographie. Il y a tant à voir et à apprécier. Allez-y et vous m'en reparlerez.


@ bientôt.



vendredi 29 avril 2011

Ces oiseaux des rapides

Heureusement que je ne suis pas un canard de mer, car je serais très malheureux. L'eau tumultueuse et moi, ça fait deux. Aussi, lorsque j'observe des oiseaux de mer qui se font brasser de tout bord tout côté par une houle déchaînée, je me demande comment ils peuvent faire pour ne pas vomir leurs tripes. Mais je me console en pensant qu'ils doivent sûrement connaître des journées plus reposantes. Non, je ne trouve pas les canards plongeurs particulièrement chanceux. Je ne me vois pas luttant, jour après jour, contre les vagues, les courants de surface ou de fond et les vents violents. C'est certain que si vous me dîtes qu'ils sont génétiquement pourvus de toutes les adaptations physiques et physiologiques pour se sentir à l'aise dans de telles conditions, j'acquiesce tout de go avec un "je sais", mais il reste que j'éprouve une grande admiration à leur endroit. Disons, qu'il y en a qui ont une vie plus facile que d'autres.


Sans doute l'un des plus beaux canards de mer au Québec, l'Eider à tête grise ne s'observe qu'à partir du Bas St-Laurent vers l'est. Photo prise à Pointe-au-Père, Québec, le 24 avril 2011.


Mais il n'y a pas que les canards qui sont capables de telles prouesses et même que certaines espèces en redemandent. Non seulement se sentent-ils bien dans l'eau, mais en plus, ils recherchent les rivières au fort débit et bien empierrées. L'oiseau le plus spectaculaire que j'ai eu la chance d'observer est le Cincle d'Amérique / Cinclus mexicanus / American Dipper. En Amérique du Nord, il se retrouve dans les montagnes de l'ouest du continent (entre 300 et 3,000 mètres d'altitude). En Amérique centrale, on peut l'observer jusqu'au Panama. En Amérique du Sud, il est remplacé par le Cincle à tête blanche / Cinclus leucocephalus / White-capped Dipper et le très localisé Cincle à gorge rousse / Cinclus schulzi / Rufous-throated Dipper. En fait, j'ai eu la chance d'observer ces trois espèces dans leurs milieux naturels et elles ont exactement le même comportement. La première fois où j'observe le Cincle d'Amérique, c'est le 2 mars 1989 dans le Parc National Tapanti au Costa Rica. Au premier coup d'oeil, je crois avoir devant moi un espèce de merle bedonnant, tout gris et avec une queue très courte. Il se tient sur un gros rocher et il plie constamment les genoux nerveusement, ce qui donne à l'oiseau des mouvements secs de haut en bas et de bas en haut. Un peu comme le font occasionnellement le Troglodyte mignon et le Troglodyte des rochers. Et, non sans surprise, ma deuxième impression est celle d'un troglodyte sur les stéroïdes. Donc, j'ai devant moi un bien curieux oiseau. Mais lorsque je le vois s'approcher de l'eau tourbillonnante en marchant sur les rochers humides et glissants comme si de rien n'était, pour le voir disparaître sous l'eau et réapparaître quelques secondes plus tard de l'autre côté des rapides, là je suis estomaqué.


Le Cincle d'Amérique n'effectue pas de migration vers le sud en hiver, mais plutôt des migrations altitudinales. Photo prise sur internet.

Alors que, habituellement, il s'immerge complètement sous l'eau à la recherche de sa nourriture, il lui arrive souvent de plonger seulement sa tête pour inspecter les lieux et la présence d'une éventuelle proie. Photo prise sur internet.

C'est toujours très impressionnant de voir avec quelle facilité le cincle s'agrippe sur les rochers les plus glissants et en plein courant.  Photo prise sur internet.



Si vous désirez voir le cincle en pleine action, cliquez sur le lien suivant


Une décennie plus tard, le 14 août 2000, je découvre une autre espèce impressionnante. Nous sommes à Mindo, en Équateur. Alors que nous traversons un pont surplombant une rivière très agitée, notre guide arrête le véhicule et nous jetons un oeil sur les rives et les rochers. Après avoir trouvé un Cincle à tête blanche très actif dans les rapides, mon attention se porte sur une masse pâle immobilisée sur un gros rocher. La lunette d'approche me permet de confirmer un mâle Merganette des torrents / Merganetta armata / Torrent Duck. Je suis très excité, car ça fait longtemps que je la cherche. Pour espérer la trouver, il faut scruter les rivières des Andes, à partir du sud du Lac Maracaibo, au Venezuela, jusqu'à la Terre de Feu en Argentine. Pour ma part, j'ai eu la chance de l'observer en Équateur, au Pérou et en Argentine. Le fait de l'avoir rencontrée dans ces différents pays est intéressant puisque cela m'a permis de noter les différences de coloration affectant le mâle des différentes sous-espèces. La race colombiana est la plus pâle des six sous-espèces alors que turneri est la plus foncée. 
   




Illustrations de quatre des six sous-espèces de la Merganette des torrents. La colorée femelle arbore le même plumage quelque soit la sous-espèce. Source: volume I de la série Handbook of the birds of the World.







Ces anatidés plongeurs sont très farouches et nous devons très souvent nous contenter d'une observation à longue distance. Aussi est-il conseillé de scruter attentivement les rivières tumultueuses en contrebas de différents postes d'observation disséminés naturellement sur le bord des routes qui s'accrochent aux flancs des Andes. Une image qui me restera gravée à jamais est celle d'un mâle et une femelle qui se laissent porter, tels des bouchons de liège, à la surface d'une rivière absolument déchaînée en saison des pluies sur le versant est des Andes, dans la région de San Isidro en Équateur. Même s'ils sont presque côte à côte, les deux jouent au yoyo alors que seulement l'un des deux est visible en même temps dans la jumelle. C'était à donner le mal de mer.

Pour ramener le tout au Québec, nous avons quelques anatidés qui aiment l'eau agitée. Je pense d'abord au Grand HarleMergus merganser / Common Merganser que j'ai observé quelquefois remontant lentement une rivière sur l'eau et à contre courant, sans doute pour profiter de ce que l'eau en mouvement transporte comme nutriments et proies éventuelles. Lorsque l'oiseau atteignait une partie tranquille de la rivière, il retournait en vol au début de la partie agitée et il remontait à nouveau les rapides.




Une autre espèce de canard partage cet engouement pour les eaux agitées, le Arlequin plongeur / Histrionicus histrionicus / Harlequin Duck. Sa distribution mondiale se situe à partir du Lac Baikal en Sibérie vers l'est aux Îles Aléoutiennes et l'Alaska, vers le sud jusqu'au Colorado, É.U.; l'est du Canada, le Groënland et l'Arctique. Au Québec, je l'ai d'abord observé au réservoir Beaudet à Victoriaville. Un mâle s'était égaré là, le 17 avril 1989. Un peu surprenant de le rencontrer dans un lieu aussi calme, mais il faut dire qu'il n'était réellement pas dans son habitat régulier. En 1996, il avait été rapporté à Saint-Jean-sur-le-Richelieu et, comme je travaillais là-bas, j'ai pu profiter d'une occasion pour essayer de le repérer. J'ai vu passer en vol un petit canard très foncé et il s'est dirigé tête première dans la partie la plus agitée de la rivière. Je savais que j'avais affaire à lui. Ma dernière rencontre, et la plus belle, se passe le 24 avril 2011 alors que je suis au mont Albert avec Anne. Nous recevons des indications selon lesquelles il y aurait de très bonne chance d'observer ce très beau canard en nous rendant sur un site en particulier. Nous suivons à la lettre les directives et nous nous retrouvons bientôt en face de trois arlequins, deux mâles et une femelle. Voici quelques photos que j'ai pu réaliser:


Le Arlequin plongeur aime les eaux agitées où il peut trouver une profusion de proies drainées par le courant. Photo Laval Roy, le 24 avril 2011 au Gîte du Mont Albert.

Le Arlequin plongeur est sans contredit l'un de nos plus beaux canards. Alors que le mâle arbore des dessins et des couleurs intéressantes, la femelle est plus terne, allant même jusqu'à ressembler à une roche lorsqu'elle ne bouge pas et qu'elle nous cache les tâches pâles sur sa tête. Photo Laval Roy, le 24 avril 2011, au Gîte du Mont Albert, Gaspésie.


Un couple de Arlequins plongeurs sur les rives de la rivière où ils nicheront sûrement en 2011. Photo Laval Roy, le 24 avril 2011 près du Gîte du Mont Albert, Gaspésie.




Oui, j'admire ces oiseaux qui se rient des eaux tumultueuses et qui en tirent même le meilleur parti pour assurer leur survie et celle de leur progéniture. Pour Anne et moi, l'observation des Arlequins plongeurs dans leur aire de nidification a été une belle surprise et un beau cadeau de cette belle nature.