mercredi 24 août 2022

En cette fin d'été 2022

 

Le mois d'août est souvent considéré comme un mois pivot dans une année d'observation des oiseaux. Le calme est revenu en forêt alors que les concerts matinaux se sont tus. Seuls les pépiements des jeunes encore dépendants de leurs parents pour être nourris se font entendre ici et là. La majorité des passereaux ont mené à terme leur nichée et certains ont même entrepris leur déplacement vers le sud. Quelques espèces, comme les hirondelles, ne font plus partie des observations quotidiennes près de nos maisons. Elles se rassemblent dans les lieux humides où les insectes volants sont légions. De même pour les oiseaux noirs comme les carouges ou les quiscales. Fini le temps où l’on pouvait observer un carouge perché à intervalle régulier le long des milieux propices à la nidification de l’espèce. Quelques passereaux migrateurs nichant plus au nord commencent à être observés en petits nombres. Dans la deuxième moitié du mois, les premières espèces de limicoles en migration vers leur quartier d’hiver viennent envahir les zones intertidales, les vasières et les terrains humides. Leur retour est précurseur de la fin de l'été.

C'est habituellement à partir de la mi-août que nous pouvons rencontrer une Grande Aigrette dans la région de Chaudière-Appalaches. La présence de ces individus résulte de la dispersion post-nuptiale de l'espèce. Difficile de déterminer la provenance exacte. Au Québec, l'espèce est  nicheuse presque uniquement dans les Basses-terre du Saint-Laurent. En 2016, la colonie de l'île aux Hérons, dans les rapides de Lachine, a atteint une centaine de nids (Bannon et al, 2017a). Photographiée à Montmagny, en compagnie d'un Grand Héron, le 26 août 2020.

Septembre et octobre voient passer des millions d’oiseaux en transit vers leurs zones d’hivernage. La migration automnale provoque une montée d’adrénaline dans le rang des observateurs de la nature. Comparés à ceux du printemps, les manteaux arborés par les oiseaux en période automnale sont souvent très déroutants pour les observateurs et pas seulement pour ceux qui débutent en ornithologie. Aux plumages sobres des femelles s’ajoutent ceux très semblables des jeunes de l’année. Et les immatures n’étant pas tous au même stade de développement, ceci ajoute au défi de l’identification. Certains individus retiennent une diversité de rayures qui  disparaissent à mesure que les jours passent. Il n'est pas toujours évident d'identifier avec certitude les grives à l'automne. Il y a tellement de différentes teintes de couleurs dans le plumage selon l'âge des individus rencontrés. L’incapacité à bien percevoir toutes les gammes de couleurs peut mener à des erreurs d’identification. Les parulines sont aussi et souvent à l’origine de bien des indécisions.

Nous sommes au Domaine de Maizerets, le 27 septembre 2020. Deux immatures de Bihoreau gris sont fidèles au poste près de la rivière qui sépare l'arboretum du site principal. Le 13 mai, j'avais photographié un adulte au même endroit. Difficile de confirmer si ces immatures font partie de la descendance de cet adulte. Ça me surprendrait énormément, car je ne vois pas où cette espèce pourrait nicher sur le site. Et de la façon que ça évolue, i.e. le trafic humain augmentant de façon exponentielle et le manque de respect pour demeurer dans les sentiers tracés, on risque de trouver de moins en moins d'activité animale variée au domaine dans un avenir malheureusement rapproché. 

Durant leur périple migratoire qui les mènera, du moins pour certaines d'entre elles, aussi loin qu'en Bolivie, les parulines doivent toucher terre pour se nourrir à des points stratégiques parsemés tout au long du parcours. Quand elles s’arrêtent, elles peuvent devenir hyper actives. Avec les feuilles encore présentes dans les arbres, il n'est pas facile d'observer les oiseaux à découvert et dans leur intégralité, mais à force de voir tantôt la tête, tantôt la partie supérieure, tantôt la partie inférieure et tantôt la queue, on finit par rassembler les morceaux du casse-tête et par se faire une idée.

 

La Paruline rayée niche dans le nord du Québec et va passer l'hiver en Amérique du Sud. Des études ont démontré que cette petite paruline peut voler sans arrêt entre les côtes de la Nouvelle-Angleterre jusqu'aux côtes du nord du Venezuela.

Novembre! Notre mois d'évasion, celui où nous nous arrangions normalement, i.e. avant la pandémie mondiale du COVID,  pour être à quelque part où le soleil luit, réchauffe et permet une nature encore active et diversifiée. Et ceci ne se passait naturellement pas au Québec où l'automne vient résolument d'entrouvrir la porte à l'hiver. La nature est clairement à l'aube d'un creux de vague où la variété fera défaut. Les gros passages migratoires sont passés, la trop grande majorité de < nos > oiseaux sont partis. Tout ça est bien normal, ça fait partie du cycle des saisons. Mais en ce temps de pandémie, nous ne pouvons pas nous échapper avec la même facilité. Autant en prendre pour notre rhume et essayer de tirer le meilleur parti de nos sorties. Nous découvrons quand même de beaux oiseaux avec les retardataires, les égarés et d'autres espèces qui envahissent nos régions en saison hivernale et qui vont la passer avec nous. Et pour ceux qui veulent garder un contact presque quotidien avec la nature, peu importe la température qu’il fait à l’extérieur, il y a l’Avicourse, un défi amical consistant à répertorier le plus d’espèces possibles dans les limites du territoire du COQ, entre le 1er décembre et le dernier jour de février.

 

L’apprentissage des sons émis par les oiseaux est primordial pour toute personne qui désire progresser dans l’identification des oiseaux. Les chants, les cris d’alarme, les cris de contact, les cris de vol, les cris d’interaction entre individus et même les cris des jeunes lorsqu’ils quémandent la nourriture. Tout comme l’identification visuelle, l’identification auditive n’est pas infaillible. Mais cette dernière permet à l’observateur d’avoir une très bonne idée des espèces en présence dans un lieu donné. Les mois plus tranquilles de l’automne et de l’hiver peuvent être investis dans l’étude des sons au moyen de cassettes, de CD ou d’applications peu dispendieuses disponibles sur internet.

 

 @ bientôt.

 

 

mardi 23 août 2022

Poil ou plume / Hair or feather / Pelo o pluma

 
Il existe six grands types de plumes : les plumes de contour ou à barbes (y compris les principales plumes de vol des ailes et de la queue), les plumes de duvet, les semi-plumes, les filoplumes, les plumes de poudre et les soies. Ensemble, ces plumes fournissent une gamme remarquablement large de services : isolation de la chaleur et du froid, protection de la peau contre les abrasions, protection des yeux, des oreilles et des narines, " moustaches " sensorielles pour évaluer la vitesse de vol, poudre fine pour toiletter les autres plumes, protection de la peau contre les rayons ultraviolets, imperméabilisation chez les espèces aquatiques, coloration protectrice ou plumage de parade, et contour lisse du corps pour le vol ou la nage sous l'eau. Et, bien sûr, les plumes constituent les surfaces aérodynamiques extrêmement flexibles nécessaires au vol des oiseaux (Simmons 1964 ; Lucas et Stettenheim 1972 ; Welty et Baptista 1988).
 
There are six major types of feathers: contour or vaned feathers (including the major flight feathers of the wing and tail), down feathers, semiplumes, filoplumes, powder feathers, and bristles. Together these feathers provide a remarkably wide range of services; furnishing insulation from heat and cold; protection from abrasions to the skin; protection for the eyes, ears and nostrils; sensory “whiskers” to judge flight speed; a fine powder to groom other feathers; screening for the skin from ultraviolet light; waterproofing in aquatic species; protective coloration or display plumages; and smooth body contouring for flight or swimming underwater. And, of course, feathers make up the extremely flexible aerodynamic lift and control surfaces necessary for avian flight (Simmons 1964; Lucas and Stettenheim 1972; Welty and Baptista 1988).
 
Existen seis tipos principales de plumas: plumas de contorno o barbadas (incluidas las principales plumas de vuelo de las alas y la cola), plumones, semiplumas, filoplumas, plumas de polvo y cerdas. En conjunto, estas plumas prestan una gama muy amplia de servicios: aislamiento del calor y el frío, protección de la piel contra las abrasiones, protección de los ojos, las orejas y las fosas nasales, "bigotes" sensoriales para evaluar la velocidad de vuelo, polvo fino para el acicalamiento de otras plumas, protección de la piel contra la radiación ultravioleta, impermeabilización en las especies acuáticas, coloración protectora o plumaje de cortejo, y contorno corporal suave para volar o nadar bajo el agua. Y, por supuesto, las plumas proporcionan las superficies aerodinámicas altamente flexibles necesarias para el vuelo en las aves (Simmons 1964; Lucas y Stettenheim 1972; Welty y Baptista 1988).
 
 
14 août 2022 à la Base de Plein Air de Sainte-Foy, ville de Québec, Québec.
 
Canard colvert (juvénile) / Anas platyrhynchos platyrhynchos / Mallard / Pato de Collar
 
 
 







@ bientôt.

samedi 25 juin 2022

Une autre façon de considérer la course à l’oiseau rare

 

Les oiseaux, comme bien d'autres êtres vivants, adoptent des niches écologiques bien spécifiques afin d'assurer la pérennité de leurs espèces respectives. Par exemple, je n'ai jamais observé en pleine forêt des espèces inféodées à des milieux ouverts telles la Sturnelle des prés, la Maubèche des champs ou le Goglu des prés. Ceci reste vrai pour l'inverse, soient une Grive des bois ou un Tangara écarlate nichant dans un arbre ou un arbuste en plein champs. Si c'est vrai pour les habitats, c'est également vrai pour les aires de distribution. La plupart des espèces ne dépassent pas certaines limites géographiques à cause des conditions climatiques, de la géomorphologie du terrain, des habitats non propices à leur survie ou de la compétition trop vive qu'elles subiraient dans d'autres secteurs.

Au niveau régional, des espèces bien présentes dans la partie la plus peuplée du Québec méridional voient leurs effectifs fondre à mesure que l'on se dirige vers le nord ou vers l'est de la province. Le Viréo mélodieux, à la robe plutôt sobre, possède un chant qu'il ne se gêne pas de répéter sans cesse, à la façon des autres membres de la famille. C'est une phrase mélodique, bégayée superbement, émise sur une tonalité qui peut faire penser à celle du doux gazouillis d’un roselin. Son chant anime et enjolive nos forêts québécoises, mais pas toutes. Cette espèce privilégie des régions où l'on trouve une mosaïque de forêts feuillues et mixtes, d’espaces ouverts près des plans d’eau, ce qui offrent de nombreux milieux propices à la nidification de l'espèce. Les travaux des deux Atlas des Oiseaux Nicheurs du Québec, effectués entre les années 1984-89 et 2010-14, ont permis de confirmer ces informations. Et ces faits ressortent encore à partir des données amassées durant les trois premières années du deuxième Atlas qui a débuté en 2010 et qui devrait se terminer en 2015. Notre vedette donne bien peu de représentations dans l'est du Québec, ne se présentant tout simplement pas sur la rive sud à partir de Sainte-Anne-des-Monts vers l'est, et sur la rive nord à partir de Charlevoix vers l'est. La région du Lac-Saint-Jean n'est pas sur le circuit non plus.


Mais ce viréo n'est pas le seul à jouer à la vedette. Une autre espèce abondante dans la région la plus peuplée du Québec méridional possède une aire de distribution similaire et même un peu plus restreinte que celle du viréo. Elle fréquente les forêts de feuillus de même que les boisés dans les parcs et elle est une assidue aux mangeoires des résidences que ce soit à la ville ou à la campagne. Sur le terrain, elle se reconnaît facilement aux notes monotones, répétitives et nasillardes qu'elle émet. Elle joue de souplesse acrobatique avec les mésanges et elle s'acoquine bien souvent avec elles en hiver. Et oui, vous l'avez reconnue, la Sittelle à poitrine blanche.


Voici donc une autre espèce qui anime nos forêts et elle le fait toute l'année. Malheureusement, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, entourée comme elle est de forêts de conifères à perte de vue, n'a pas la chance d'accueillir cette espèce. C'est sa cousine, la diminutive Sittelle à poitrine rousse qui prend la relève. Pour les ornithologues de cette région de pays, il s'agit d'une rareté digne de mention. Parlez-en à Claudette Cormier et à Germain Savard de Saint-Fulgence où la Sittelle à poitrine blanche est devenue le 2 mai 20?? la 224ième espèce observée par le couple à partir des limites de leur prolifique terrain. Ils occupent cette maison depuis le 3 août 2003 et, dès la première année, ils avaient contacté 178 espèces. Ce couple est très impliqué dans les inventaires aviaires dans leur région et ils sont bien placés pour apprécier toute la valeur de cette observation.

Au niveau provincial, la rareté peut provenir des quatre points cardinaux. Plus souvent qu’autrement, il s’agit d’espèces égarées originaires de l’est, de l’ouest ou du nord d’autres provinces canadiennes, ainsi que de l’est, de l’ouest ou du sud des États-Unis. Des découvertes comme celle-là font courir les ornithologues de toute provenance et je les comprends très bien. J'avoue même avoir été du nombre pendant plusieurs années. J'en ai fait des allers-retours nécessitant neuf heures de conduite automobile pour me rendre à destination et autant pour en revenir. Tout ceci pour passer environ une heure ou deux sur le site de l'observation.

La dernière espèce à m'avoir fait disjoncter est le Tyran gris / Gray Kingbird qui avait été découvert aux alentours du 6 novembre 2006. C'était une première pour le Québec. Il avait été repéré à L'Anse-à-Beaufils, petit village situé en Gaspésie et à seulement dix kilomètres à l'ouest de Percé. En fait, je m'y suis rendu onze jours plus tard, soit le 17 novembre 2006. À partir de la maison, Anne et moi avions 747 kilomètres à parcourir et le temps de conduite estimé était de 9 heures. Suivant la procédure coutumière lors d'un déplacement de cette importance, nous avons quitté Québec tôt dans la nuit pour arriver vers les 10h00-10h30. Ce que nous avons réalisé sans trop de problème. Heureusement pour nous, nous avons rencontré à destination Pierre Poulin, l'un des meilleurs observateurs de la Gaspésie. Il nous a été d’une grande aide pour trouver le tyran. Il était accompagné de Ginette Roy. 

 

 

Ce Tyran gris était une première pour le Québec. Prise le 17 novembre 2006 à l'Anse-à-Beaufils, Percé. Photo prise en digiscopie.



Nous étions ravis. Nous avons quitté L'Anse-à-Beaufils vers 12h00 pour le retour à la maison. Vers 21h00, nous étions assis dans le salon à Sillery. De retour au bureau le lundi matin suivant, mes collègues me demandent ce que j'ai fait en fin de semaine. Je leur raconte notre périple et l'un d'eux me demande le plus naturellement du monde ce que cet oiseau faisait là, à des milliers de kilomètres au nord de son aire de distribution normale.

Je lui explique alors que les migrations des oiseaux peuvent se faire sur de longue distance selon l'espèce et que des situations hors de leur contrôle peuvent alors survenir. Les oiseaux peuvent se faire déporter sur de longues distances par un ouragan et aboutir à des endroits très inattendus. Il peut arriver aussi qu'un oiseau soit désorienté pour une raison ou pour un autre et qu'il se dirige vers le nord alors qu'il devrait aller vers le sud. Et mon compagnon de travail de commenter le plus sérieusement du monde "Comme ça tu es en train de me dire que tu as parcouru un millage de fou pour aller observer le plus mal pris, le plus inadapté, en fin de compte, le Ti-coune des oiseaux de son espèce." Je l'ai ri pas à peu près. Ce que j'ai aimé de cette analyse vite faite, c'est que ça ne se voulait pas méprisant, c'était juste bien envoyé.

Il y a plusieurs façons de pratiquer l'ornithologie et je respecte toutes ces façons, en autant qu'elles ne me briment pas dans ma liberté de la pratiquer comme je désire le faire moi-même. De très bons observateurs vont mettre tous leurs efforts pour explorer et documenter l'environnement immédiat où ils vivent. D'autres vont se dédier à la quête du plus grand nombre d'espèces observées au Québec. Pour d'autres, le terrain de jeu sera le monde. Et pour certains, il n'existera jamais de liste. Quelle est la différence ? Dans mon esprit, il n'y en a pas. Le dénominateur commun est la passion qui anime tous ces gens. Je n'ai pas toujours pensé comme ça. J'ai connu une période un peu pédante où je croyais tout-savoir-et-tout-bien-faire, où la façon de pratiquer l'ornithologie des autres me semblait inappropriée. 

Et, un jour, un ami m'a parlé d'un certain Ti-coune... oui, je vous l'assure, je l'ai bien ri.