mercredi 28 décembre 2011

Un Urubu noir au Québec

Deux espèces d'urubus se rencontrent en Amérique du Nord: l'Urubu à tête rouge/ Turkey Vulture (Cathartes aura) et l'Urubu noir / Black Vulture (Coragyps atratus). Cependant, moins de cinquante mentions d'observation de l'Urubu noir ont été rapportées au Québec depuis la fin des années 1970.

Voici un tableau des observations cumulées par Daniel Lepage sur l'excellent site Avibase:


No

Localité

Dates

Référence
1.Beauport28/10/1897
Godfrey (1986)
2.Nicolet12/11/1931SPHNC 1938:159, spéc. Sherbrooke
3.Beauport20/03/1932
spéc. La Pocatière, Godfrey (1986)
4.Gaspé26/06/1978AB 32:1140-1141, BO 23:84
5.Cap Bon-Ami02/08/1984AB 43:69
6.Brossard13/05/1985
AB 39:274
7.Forillon20/05/1988Guillemot 8:58
8.Saint-Majorique (Gaspé)10-14/10/1988Guillemot 8(4):7; spéc. NMC
9.Senneville (Sainte-Anne-de-Bellevue)
11/09/1990
QO 2(4):28
10.Saint-Fabien-de-Rimouski
03/06/1991
QO 3(3):24
11.Sainte-Monique (lac Saint-J)17-18/12/1991QO 4(1):23 (ph.);Savard+Cormier 95
12.Percé02/08/1992Guillemot 13(1):17
13.Bromont20/09/1992QO 4(4):24; Newsl. 35(3):10
14.Rougemont26/09/1992Newsl. 35(3):10
15.Wemindji (baie James)20/08/1993QO 5(4):23
16.Trois-Pistoles30/08/1993QO 5(4):23
17.zec Bas-Saint-Laurent20/10/1994QO 6(4):24
18.Rivière-Malbaie29/07/1995QO 7(3):26
19.L’Anse-à-Beaufils18/06/1996QO 8(3):29
20.Rivière-Madeleine20/05/1997QO 9(2):30
21.Saint-André-de-Kamouraska23/07/1998QO 10(3):31
22.New Richmond09/1998-13/01/1999QO 10(4):29;QO 11(1):30
23.Saint-Fabien18/07/1999QO 11(3):37
24.Matapédia16-18/08/1999QO 11(4):36
24.Cabano20/07/1999QO 11(3):37
25.Grande-Rivière01/07/2000Ornitho-Qc
mention non-confirmée
26.Wakefield25/03/2001QO 13(2):44
27.Hunter's Point17/05/2001QO 13(2): 44
mention incertaine
28.Saint-Jérôme-de-Matane07/05/2002QO 14(2):43
29.Ville-Marie5-7/10/2002QO 14(4):45
30.Restigouche11/05/2003QO 15(2):37
30.Grande-Rivière24/06-3/07/2003ornitho-qc
2 ind.;
31.Gascons30/08/2003QO 15(4):45
32.Gaspé16/09-12/10/2003QO 15(4):45
33.Cap-d'Espoir16/09/2003QO 15(4):45
34.Grande-Rivière18/09/2003QO 15(4):45
35.Saint-Thècle06/07/2004QO 16(3):44
36.Saint-Bernard-de-Lacolle18/04/2005QO 17(2):44
37.La Pocatière30/04/2005QO 17(2):44
38.Cap-des-Rosiers26/09/2006QO 18(4):45
39.Gaspé26-27/11/2008QO 20(4):48
40.Rivière-au-Renard29/05-2/06/2009QO 21(2):49
41.Baie-Saint-Paul22/08/2009QO 21(4):48
42.Cap-Tourmente14/10/2009web
43.Sainte-Anne-de-Bellevue18/10/2009QO 21(4):48
44.Rivière au Renard + Gaspé02/12/2009QO 22(1):48
45.Bonaventure22/01/2010QO 22(1):48
photo publiée
46.LG4, Baie-James26/05-3/06/2010QO 22(2):47
photo publiée
46.Saint-Stanislas-de-Kostka20/03/2010QO 22(2):47
47.Saint-Raphaël de Bellechasse22/06/2010web
48.Saint-Godefroi5/09/2010QO 22(4):49
49.Saint-Louis-du-Ha! Ha!10-11/12/2011web

50.La Pocatière24/12/2011web

La situation est très différente du côté de l'Urubu à tête rouge dont la nidification a même été confirmée à différents endroits dans la province. L'Atlas des oiseaux nicheurs permet d'ailleurs d'obtenir une bonne image de l'aire de distribution de l'espèce à travers la province de Québec. L'observation de l'Urubu noir est toujours un évènement très couru par les ornithologues Québécois. Après l'expérience vécue avec l'Urubu à tête rouge, il est possible de songer que son cousin pourrait un jour venir envahir nos cieux de la même façon.


Un Urubu noir / Black Vulture sur une carcasse dans un champ à Lapocatière. 26 décembre 2011.


Les deux se nourrissent sur les carcasses d'animaux morts et même si ces dernières sont faisandées, nos volatiles ne peuvent résister à l'envie de les déguster. Ce n'est pas seulement une question de goût, ce serait plutôt que les tissus sont de plus en plus faciles à transpercer et à défaire à mesure que la putréfaction s'intensifie. Leur système immunitaire leur offre une grande résistance aux microbes et aux toxines présents dans la viande en putréfaction. Si les talons et les griffes de l'urubu n'ont rien à voir avec ceux des falconidés et des accipitridés, il est très bien équipé en bec. Il est long et fort, muni d'un crochet servant à déchirer les peaux épaisses et à tirer avec force pour obtenir une ouverture suffisamment grande dans la carcasse pour y introduire ultimement la tête. De là l'importance pour l'urubu d'être chauve i.e. d'être dépourvu de poils ou de plumes sur la tête et même sur le cou. Ces parties de son corps, une fois souillées, seraient très difficiles, voire impossibles à nettoyer adéquatement s'il fallait que des poils ou des plumes les recouvrent. De plus, la tête chauve pourrait être une adaptation aidant l'oiseau à réguler la température de son corps.

Même si les urubus du Nouveau Monde ressemblent aux vautours de l'Ancien Monde, des études ont démontré qu'ils s'apparentent plus aux cigognes et aux tantales. Nos deux urubus ont des longues pattes, des doigts adaptés à la marche et munis de griffes plutôt faibles. Les urubus ont même un vestige de palme entre les doigts. Les pattes et les pieds sont habituellement blanchâtres à cause des fientes que les urubus (comme les cigognes et les tantales) projettent volontairement sur cette partie de leur corps. Le liquide, en entrant en contact avec les pattes chaudes de l'oiseau, s'évapore et agit un peu comme la sueur le fait pour l'être humain. L'évaporation apporte une fraîcheur qui contribue à réguler la température du corps.

Les deux urubus nord-américains ont deux comportements différents lorsqu'ils sont à la recherche de nourriture. L'Urubu à tête rouge utilise grandement son odorat pour trouver la sienne. C'est pour cette raison qu'il vole plus bas que l'Urubu noir. Parfois juste au-dessus des arbres lorsqu'il maraude dans les grandes régions boisées. L'Urubu noir repère sa nourriture surtout par la vue et, pour cette raison, il tournoie beaucoup plus haut en altitude que l'Urubu à tête rouge. D'ailleurs, il est fréquent d'observer des Urubus noirs suivre les déplacements des Urubus à tête rouge afin de partager leurs trouvailles. Autour d'une carcasse, l'Urubu noir peut s'imposer sur l'Urubu à tête rouge.


Un beau cadeau de Noël


Nous sommes le 26 décembre 2011,  aux alentours de 08h30, lorsque Anne et moi arrivons dans le Rang 3 à La Pocatière. Un Urubu noir y est observé depuis une couple de jours. En fait, nous nous sommes présentés au même endroit la veille de Noël, mais la température était exécrable avec un vent fort et une neige faible, mais persistante. Nous avons quitté vers les 10h30 et l'oiseau ne s'est présenté finalement que vers les 14h00, en même temps qu'une amélioration de la température. Comme les prévisions météorologiques sont meilleures le 26, nous décidons de tenter à nouveau notre chance.

Yvon Hamel et Bernard Desmeules sont déjà sur le site, en train d'observer l'urubu occupé à se nourrir sur une carcasse dans le champs situé juste en face de la maison de Bernard. C'est d'ailleurs celui-ci qui a alerté la colonie ornithologique de la présence inusitée de l'urubu. Il aura permis à beaucoup d'ornithologues Québécois d'ajouter cette espèce sur leur liste provinciale.


Cette vue de l'oiseau nous permet d'observer son oeil gauche amoché. Difficile de dire s'il voit encore quelque chose de ce côté. 26 décembre 2011 à La Pocatière.



Il est facile de distinguer l'Urubu noir de l'Urubu à tête rouge lorsqu'en vol. Les rachis blanches des primaires de l'Urubu noir sont très visibles et, lorsqu'on observe le même oiseau par en dessous, c'est toute la région des primaires qui est pâle. La queue très courte de l'Urubu noir contraste également avec celle plus longue de l'Urubu à tête rouge. 26 décembre 2011 à La Pocatière.


L'Urubu noir près d'une carcasse. Il possède un bec fort muni d'un crochet à son extrémité. Outil idéal pour transpercer la peau coriace de certaines victimes. 26 décembre 2011 à Lapocatière.


Et oui, il n'y a pas meilleure façon pour un ornithologue de fêter Noël qu'en ajoutant une espèce sur sa liste provinciale. Ça fait longtemps que je désirais observer l'Urubu noir au Québec et lors des autres mentions de sa présence, je n'avais pas été en mesure de me déplacer pour tenter ma chance. En fait, c'était mon troisième essai pour cette espèce puisque je m'étais rendu, sans succès, à Saint-Louis-du-Ha!-Ha! la semaine précédente. Comme quoi, la ténacité finit toujours par payer.



Merci encore à Bernard Desmeules pour le partage et Joyeuses Fêtes à tous.



mercredi 14 décembre 2011

De ce côté ci de la Grande Barrière de Corail

En ce 21 octobre 2011, nous sommes à notre deuxième journée en sol australien, dans la belle ville de Cairns. Nous quittons notre hôtel, le Discovery Cairns, vers 07h30 pour nous diriger vers le quai. Nous embarquons sur le Sea Star I pour faire une sortie en mer à la Grande barrière de corail (Great barrier reef). Un autre vieux rêve va bientôt se réaliser.

Photo aérienne de la Grande barrière de corail. Photo
internet.
Cet endroit constitue le plus grand récif corallien du monde. Il est situé au large du Queensland. Il s'étend sur 2 600 kilomètres, de Bundaberg (au sud) à la pointe du Cap York (au nord). D'une superficie de 350 000 kilomètres carrés, il peut être vu de l'espace. À titre de comparaison, le Québec a une superficie de 1 667 441 kilomètres carrés. La superficie du récif équivaut donc à environ 21% de celle de la Belle Province. La Grande barrière de corail compte plus de 2 000 îles et près de 3 000 récifs de toutes sortes. On peut en apercevoir près des côtes, mais les plus spectaculaires se trouvent à quelque 50 kilomètres  du large. Elle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

C'est finalement autour de 08h30 que l'embarquement se fait sur le Sea Star I. Nous ne sommes pas les seuls sur ce bateau. La plupart des autres participants sont là pour faire de la plongée en apnée ou pour profiter de la sortie en mer.

Voici le Sea Star I. Nous nous installons au deuxième pour mieux scruter les environs.
Le ciel est très couvert ce matin, mais le vent est inexistant sur le quai. La météo locale prévoit des averses légères en début de journée avec un ciel qui se dégage en fin d'avant-midi. C'est ce que nous connaissons finalement. Même si la publicité mentionne qu'il est très rare que des participants à ce tour soit malade, je crains un peu la houle qui s'amplifie, le vent aidant, à mesure que nous nous éloignons de la rive. Vous connaissez maintenant mon affection pour les balades au large. Après un certain temps, je dois me résoudre à descendre au premier étage où ça tangue pas mal moins. Je rejoins à cet endroit quelques touristes asiatiques qui sont drôlement plus mal en point que moi. Finalement, mes malaises disparaissent et je peux même me permettre de remonter au niveau supérieur avant que nous atteignons notre premier arrêt soit Michaelmas Cay.



Michaelmas Cay est un îlot frangé d'une plage constituée de sable blanc très fin. Photo internet.

Le voyage à Michaelmas Cay prend environ une heure et demie et lorsque nous y arrivons, nous découvrons une petite île sablonneuse envahie par une horde d'oiseaux de mer. Ce site est un sanctuaire protégé pour les 20 000 oiseaux de mer migrateurs, et l'un des plus importants sites de nidification dans l'hémisphère Sud. L'extérieur du récif est entouré d'un jardin de vie marine exotique à couper le souffle, de magnifiques coraux et des palourdes géantes. Il existe plus de variétés de poissons là-bas que dans tout l'océan Atlantique. C'est également un endroit privilégié pour espérer rencontrer la Tortue verte / Green sea Turtle (Chelonia mydas). Les espèces nicheuses les plus abondantes sont les Sterne fuligineuse / Sooty Tern, Noddi brun / Brown Noddy et Fou brun / Brown Booby. Nous cherchons (et trouvons) alors à travers les milliers d'oiseaux des espèces intéressantes comme les Sterne voyageuse / Lesser Crested Tern, Sterne huppée / Great Crested Tern, Sterne bridée / Bridled Tern, Sterne diamant / Black-naped Tern, Sterne rosée / Dougall's Tern, Noddi noir / Black Noddy, Fou à pattes rouges / Red-footed Booby, Frégate du Pacifique / Great Frigatebird et Frégate ariel / Lesser Frigatebird.

Ce site offre des occasions uniques pour prendre des photos de très près d'espèces rencontrées habituellement en mer.
À la fin d'octobre, les espèces nicheuses sont à nourrir les jeunes et elles se préoccupent peu de notre présence.


Cette Sterne bridée / Bridled Tern est le seul individu de son espèce observé durant notre court séjour. 

La Sterne huppée / Great Crested Tern est commune à Michaelmas Cay.

La Sterne diamant / Black-naped Tern est une autre espèce très recherchée dans cette région.

La Sterne voyageuse / Lesser Crested Tern est moins commune que la Sterne huppée.

Les Noddi brun et Sterne fuligineuse sont les deux espèces formant la presque totalité des 20 000 individus qui viennent nicher sur Michaelmas Cay.
Le Noddi brun / Brown Noddy est le plus commun et le plus gros des deux espèces de noddi. Nous n'observons finalement qu'un seul Noddi noir / Black Noddy et je ne peux le photographier parce que perché trop loin sur une bouée. Il est alors accompagné de Noddis bruns, ce qui facilite la comparaison du plumage, du bec et de la grosseur. 

Fou brun / Brown Booby

Sterne fuligineuse / Sooty Tern

Frégate du Pacifique / Great Frigatebird
Nous passons quelques heures ici. Quelques personnes peuvent en profiter pour faire de l'apnée, mais l'ensemble de notre groupe de Québécois ne le fait pas, car nous avons une occasion de le faire un peu plus tard. En deux groupes différents, nous faisons plutôt le tour de l'île à tour de rôle. Ceci nous donne l'occasion d'observer une belle grosse Tortue verte qui vient nager près de l'embarcation. De l'autre côté de l'île, nous pouvons observer une Sterne pierregarin / Common Tern et une Sterne naine / Little Tern posées côte à côte.

C'est en zodiac que nous faisons le tour de l'île en 2 groupes différents.
Après la balade en zodiac, nous regagnons le Sea Star I pour le dîner à bord du bateau. Nous nous dirigeons ensuite vers un récif (le Hastings Reef) où la plongée en apnée et/ou un bateau avec un fond vitré nous permettent de découvrir toute une variété de poissons très colorés. Pour les personnes non intéressées à se livrer à ces activités aquatiques, il reste encore à tenter de voir le Fou masqué / Masked Booby qui survole souvent la région. Quelques participants font de l'apnée, d'autres embarquent sur le bateau avec un fond vitré et personne ne voit finalement le Fou masqué / Masked Booby .

Il est 15h00 lorsque le bateau entreprend le retour et il s'accoste au quai vers 17h00. Dès notre retour à Cairns, nous reprenons nos bagages laissés en consignation à l'hôtel Discovery Cairns et nous nous dirigeons vers Kuranda pour la nuit.

jeudi 8 décembre 2011

Aux antipodes et parmi les puffins.




Nous nous trouvons présentement à quelques milliers de kilomètres à l'est de la région la plus aux antipodes avec le Québec. Malgré ce qui nous a été raconté moultes fois depuis notre tendre enfance, non, ce n'est pas en Chine que nous aboutirions si nous creusions un trou en droite ligne, directement sous nos pieds, et qui traverserait le globe de part en part. Non, ce serait plutôt en Australie, plus précisément à l'extrémité ouest de cette immense île continent.








L'action se déroule en fait en Tasmanie, une île située à 300 kilomètres au large de Melbourne et qui appartient à l'Australie. L'État de Tasmanie comprend l'île de Tasmanie et mille autres petites îles. L'île s'étend sur 364 kilomètres du nord au sud et 306 kilomètres d'ouest en est. Plus du tiers du territoire de la Tasmanie est classé en réserves naturelles, parcs nationaux et sites du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Aujourd'hui, le 6 novembre 2011, nous nous trouvons près de Port Arthur, situé au sud est de l'île, à une heure trente de route de Hobart, pour une balade en mer. Nous sommes une dizaine de québécois bien motivés qui partons pour vivre une expérience unique, dans un endroit qui l'est tout autant. Cependant, cette sortie ne s'adresse pas seulement aux ornithologues et notre groupe constitue environ le tiers du nombre de passagers. L'activité proposée n'est pas très longue, environ trois heures, et il n'est pas prévu de nous rendre bien loin au large. Alors qu'habituellement nous devons nous éloigner d'une trentaine de kilomètres des côtes, ici, c'est différent puisque la limite du plateau continental se trouve à quelques kilomètres seulement de la rive. On sait que c'est à cet endroit que se concentre le plancton, donc les poissons qui s'en nourrissent et les oiseaux qui se nourrissent des deux. Le fait de partager le bateau avec des non ornithologues refroidit un peu nos espoirs de "courir" après les oiseaux, mais nous nous fions à nos guides, Sam et Susan,  qui nous disent que le capitaine s'organise habituellement pour approcher l'embarcation des oiseaux marins quand nous en apercevons.





Il est 13h00 et nous arrivons en avance à notre rendez-vous. Nous attrapons quelque chose à manger au petit restaurant dépanneur à côté, puis nous nous régalons tout en attendant que les participants à la sortie en mer précédente reviennent avant de commencer la nôtre. Avec quelques minutes de retard, un gros autobus arrive, les touristes en débarquent et nous prenons leur place. Une balade de cinq minutes nous amène au quai où nous embarquons tous. Le bateau est confortable, la vision est bonne peu importe où nous sommes assis et les paysages sont spectaculaires.




Nous commençons l'excursion en longeant les côtes. D'immenses falaises rocheuses nous dévoilent des formations géologiques uniques alors qu'elles sont constituées de strates superposées tantôt à l'horizontale et tantôt à la verticale. Il est facile d'imaginer la pression énorme qu'a dû subir la croûte terrestre pour en arriver à ce résultat. Les rochers ont des teintes beiges ocrées alors que l'eau est bleue turquoise foncée. Même un daltonien comme moi y trouve son compte.




Nous nous approchons ensuite de deux colonies d'otaries qui folâtrent sur les rochers:

l'Otarie à fourrure d'Afrique du sud (sous-espèce d'Australie) / Australian Fur Seal / Arctocephalus pusillus doriferus




l'Otarie à fourrure de Nouvelle-Zélande / New Zealand Fur Seal / Arctocephalus forsteri





Des Baleines à bosse / Humpback Whales / Megaptera novaeangliae, en provenance d'Afrique du Sud (selon le guide naturaliste du bateau), exécutent quelques pirouettes spectaculaires hors de l'eau. Au même moment, un premier Albatros à cape blanche / White-capped Albatross vient vers nous. Je suis le premier à le repérer et je me mets à crier pour que tous mes compagnons se préparent à l'observer. Il se dirige vers nous et il passe sur ma droite. Malgré le tangage du bateau, je réussis à en faire une photo





J'ai la chance de me reprendre avec deux autres albatros et on voit très bien les vagues d'environ un mètre qui compliquent énormément les prises de vue











Un très gros groupe de puffins est repéré au loin et nous nous en approchons. Ils sont là par milliers. Surtout des Puffins à bec grêle / Short-tailed Shearwaters /  Puffinus tenuirostris, mais nous pouvons également identifier quelques Puffins fuligineux / Sooty Shearwaters / Puffinus griseus. Les deux espèces se ressemblent énormément et, hormis la pâleur du dessous de l'aile du fuligineux, le critère d'identification se situe au niveau de la grosseur du bec. Pas évident avec ces grosses vagues et le tangage du bateau. Le capitaine du bateau manoeuvre tellement bien son embarcation que nous nous retrouvons bientôt littéralement parmi les puffins. C'est un moment impressionnant et inoubliable. Du jamais vécu encore par aucun des participants, incluant même notre guide de Tropical Birding,  Sam Woods.


Sous des mauvaises conditions de lumière, les puffins paraissent noirs alors qu'ils sont d'un brun doré lorsque les conditions de lumière sont idéales. Ceci dû à une qualité réfléchissante particulière au plumage de la plupart des procellariidés. Sur la photo qui suit, il est possible de reconnaître un Puffin fuligineux aux grandes plages blanches sous les ailes. Il s'agit d'un oiseau à gauche de l'image.





Grâce à des manoeuvres très habiles, le capitaine réussit à placer son bateau dans la ligne de vol des puffins. Nous sommes bientôt entourés de centaines d'oiseaux qui se posent sur l'eau, prennent quelques secondes de repos et ...





décollent en courant sur l'eau et en battant des ailes.





Sur cette dernière photo, nous pouvons voir un comportement des puffins que je ne connaissais pas. En plein milieu de l'image, nous voyons un oiseau qui semble tout simplement "trébucher" et tomber la tête première dans l'eau. En fait, c'est très volontaire et la plupart des oiseaux le faisait. Les oiseaux ne battent pour ainsi dire jamais des ailes, excepté lors du décollage, et ils volent regroupés souvent à quelques centimètres seulement au-dessus de l'eau. J'ai remarqué qu'ils se déplacent souvent perpendiculairement à la vague. Ils peuvent facilement attaquer cette vague en plongeant tête première et ils utilisent leurs ailes lorsque dans l'eau pour se propulser (à la manière des guillemots) afin d'attraper leurs proies. Après quelques secondes, ils se pointent hors de l'eau et ils reprennent leur course folle. Tout se fait si vite que c'en est presque étourdissant.





Cette photo démontre bien aussi les caractères distinctifs de ce puffin qui sont le bec court et mince (Puffin à bec grêle) et la queue tellement courte qu'elle permet un bon dépassement des pattes (Short-tailed Shearwater).


Cette sortie en mer constitue notre dernière excursion en Australie. Nous ne pouvions rêver mieux pour terminer sur une bonne note un si beau voyage.


@ bientôt,


 


mardi 6 décembre 2011

Les Belles de nuit australiennes.




L'Australie, pays des kangourous, des koalas, des échidnés, des émeus et des casoars à l'allure préhistorique, des psittacidés aux couleurs de l'arc-en-ciel, des ornithorhynques mi-canard mi-castor, des martins-chasseurs dont on entend le "ou,ou,ou,ou / â,â,â,â " aussi bien dans un parc urbain que dans la jungle.

Pays de la plus grande barrière de corail au monde abritant des poissons aussi variés en formes qu'ils le sont en couleurs, des plaine immenses où broutent chèvres, moutons, bovins, chameaux ou kangourous et où trouvent également leur pitance les immenses grues, les outardes et les alouettes.

Pays de montagnes quelquefois pointues, quelquefois rondes,quelquefois luxuriantes, quelquefois dénudées, mais toujours belles, toujours surprenantes de vie.

Pays de contrastes.

Pays d'eau avec ses rivières, grandes ou petites, avec ses lacs, ses marécages, ses champs inondés.

Pays de sécheresse avec ses immensités désertiques.

Pays des Belles de nuit au plumage cryptique le jour, aux yeux enjôleurs la nuit lorsque le faisceau de la lampe les surprend dans leur intimité. Mais ne les surprend pas qui veut. L'Australie c'est également le pays de la propriété privée. Très difficile de s'arrêter un peu partout et d'espérer observer où l'on veut. Il faut faire gaffe à l'endroit où nous posons nos pieds, à la direction vers laquelle nous pointons nos jumelles. Vous me direz que c'est un peu partout pareil et que c'est dans la normalité des choses. Je vous répondrai " Bien sûr ! ", mais les pancartes "Private property - No trespassing" sont omniprésentes ici. De sorte que ça prend des passe-droits pour espérer explorer l'arrière-pays (outback) plus en profondeur.

En cette soirée du 29 juillet 2011, nous sommes accompagnés par L'ORGANISATEUR EN CHEF de la tournée des Belles de nuit, Philip Maher.


Philip Maher en conversation avec notre guide Sam Woods
avant de débuter l'activité.






Nous nous trouvons dans la région de Hay, dans le outback à environ 600 kilomètres à l'ouest de Sidney. Philip naît à Deniliquin, au sud ouest de la province de New South Wales et à 125 kilomètres  de Hay. Son intérêt en histoire naturelle est encouragé par ses parents dès son jeune âge. Même s'il connaît bien les oiseaux australiens en général, sa renommée est plutôt associée au Pédionome errant (Plains-wanderer), une espèce habitant les plaines intérieures d'Australie. En 1980, Philip et la famille Nevinson découvre un pédionome alors qu'ils font l'inventaire des oiseaux présents dans cet habitat particulier. Ils se demandent alors comment il se fait que cette espèce est observée si peu souvent durant le jour. Aurait-elle des moeurs nocturnes ? Philip entreprend alors une étude exhaustive de cet oiseau et il bague environ 600 individus. Par la suite, quand le financement de ce projet de recherche est abandonné par le gouvernement, il décide d'en faire son gagne-pain en instaurant des tournées nocturnes afin de continuer à les étudier et à les faire connaître à ses compatriotes et aux ornithologues du monde entier. Le tout organisé en tout respect pour l'habitat et pour le bien-être des oiseaux concernés. Comme ça fait maintenant une trentaine d'années que Phil et son équipe mènent cette activité, ils connaissent le terrain à fond. Comme ils suivent quotidiennement les oiseaux, ils connaissent l'emplacement des nids et ils savent quand s'ajoute un nouvel oiseau au cheptel normal. Donc, ce qui semble aléatoire au néophyte est tout à fait calculé et prévisible pour ces experts.

Nous attendons la tombée de la nuit avant de nous engouffrer dans des véhicules 4X4. Nous sommes quatorze personnes à participer à cette sortie (dix de notre groupe et quatre d'un autre groupe). Nous sommes donc répartis dans cinq véhicules puisqu'il n'y a pas plus de trois personnes qui accompagnent le chauffeur. Ceci afin que chacun des participants ait un accès facile à une fenêtre et à une porte. Chaque chauffeur connaît les lieux comme le fond de sa poche et il conduit à très faible allure avec la fenêtre baissée et un puissant projecteur alimenté par un fil relié à l'allume-cigarette du véhicule. Chaque véhicule est équipé d'un radio émetteur permettant de faire connaître à tous les autres l'emplacement d'un oiseau. Dès que le cortège des véhicules se met en branle, nous assistons à un ballet incroyable, à une synchronisation parfaite des véhicules qui s'avancent sur une seule ligne. Les chauffeurs balaient sans cesse les environs de leurs faisceaux lumineux. Dès qu'un oiseau est trouvé, l'information est transmise par radio et tous les véhicules entourent l'oiseau. Ce dernier se retrouve alors au beau milieu de cinq faisceaux lumineux qui proviennent simultanément de cinq endroits différents. Le tout prend moins d'une minute.


Dès qu'un oiseau est localisé, les véhicules l'entourent et dirigent leurs faisceaux lumineux vers lui. Nous pouvons alors
quitter les véhicules, les observer et les photographier. Quand nous repartons, les oiseaux sont encore là.

Les champs où se concentrent nos investigations sont tout simplement immenses et très plats. Jamais nous ne sommes secoués en raison de la rencontre d'une dénivellation quelconque, butte ou creux. Alors que l'herbe dans les champs peut être à différentes hauteurs, les oiseaux semblent privilégier l'herbe moins haute pour se nourrir. Toujours est-il que c'est au travers de ces herbes que nous faisons le plus de découvertes. Je dois avouer que je suis surpris de la rapidité avec laquelle les espèces suivantes sont observées. Nous débutons à 20h00 et toutes les espèces cibles sont trouvées à 21h15. Voici donc ces Belles de nuit Australiennes.


Pédionome errant / Plains-wanderer / Pedionomus torquatus

Caille des chaumes / Stubble Quail / Coturnix pectoralis

Vanneau tricolore / Banded Lapwing / Vanellus tricolor

Pluvier australien / Inland Dotterel / Charadrius (Peltohyas) australis

Turnix à poitrine rousse / Red-chested Button-quail / Turnix pyrrhothorax

Alouette de Java / Australasian Bushlark / Mirafra javanica

Petit Turnix / Little Buttonquail / Turnix velox



Contrairement à ce qui pourrait paraître, aucune de ces espèces n'est exclusivement nocturne. Elles échappent souvent  à l'observation diurne à cause de leur comportement, de leur plumage cryptique et de l'habitat où ils vivent. Les cailles, turnix et pédionomes volent très peu, leurs faibles ailes ne supportent pas un battement trop prolongé. À l'instar de nos perdrix et gélinottes, ce n'est qu'en dernier recours qu'elles s'envolent dans un fracas d'ailes destiné à surprendre le prédateur. Elles se laissent ensuite porter sur l'air en tenant leurs ailes déployées au maximum horizontalement tel un planeur, avant de se laisser tomber dans la végétation.

Si vous vous rendez un jour dans cette région de l'Australie, ne manquez surtout pas ce rendez-vous avec les Belles de nuit Australiennes. Elles valent le déplacement.

@ bientôt.


jeudi 13 octobre 2011

L'Île aux Basques: une île magique dans le Saint-Laurent



Ornithologue amateur depuis 1963, j’ai parcouru plusieurs pays, sur divers continents, afin d’assouvir cette passion irrésistible qu’est la quête de l’espèce nouvelle. Des plaines basses et inondables du centre du Venezuela au col de Papallacta qui culmine à 4,400 mètres d’altitude en Équateur, des îles Galapagos à celles de Cuba ou de la Jamaïque, des forêts tropicales luxuriantes du Costa Rica aux plantations de chênes ou d’oliviers de l’Espagne, des rizières de la Thaïlande à la plaine aride du Serengeti en Tanzanie, je rapporte des souvenirs impérissables. Chaque endroit est unique et renferme des trésors inestimables, à  la portée de tout esprit le moindrement inquisiteur.

Le fait de visiter des pays lointains et de découvrir des habitats différents de ceux constituant notre environnement immédiat n’altère en rien la capacité d’apprécier les beautés naturelles environnantes. Le Québec regorge de lieux uniques et extraordinaires.

Si le Québec, grâce à ses habitats riches et variés, agit comme un refuge permanent, saisonnier ou fortuit selon le cas, que dire de l’attraction exercée par les îles du Saint-Laurent sur la faune en migration. Des Îles-de-la-Madeleine à l’Île-aux-Grues, on en trouve de toutes les tailles et chacune possède son cachet particulier. Pour en avoir visité plusieurs au fil des ans, mon coup de cœur va à un île que je qualifierais de petite pour la superficie, deux kilomètres de long et un demi kilomètre de large, mais de grande pour les richesses naturelles qu’elle contient : l’Île-aux-Basques.




Cette île flotte à environ cinq kilomètres au large du village de Trois-Pistoles qui est situé dans la communauté régionale Les Basques et dans la région administrative du Bas-Saint-Laurent. Elle est bien visible à partir de la route 132, dès que nous approchons de cette région rendue célèbre par les écrits de Victor-Lévy Beaulieu, en particulier dans le très populaire téléroman l’Héritage (1987-1990).


Elle appartient à la Société Provancher d’histoire naturelle du Canada et elle est ouverte au public selon un calendrier déterminé. Nous pouvons passer par leur site internet  http://www.provancher.qc.ca/ pour faire nos réservations. Il nous est arrivé, à Anne et à moi, d’aller passer quelques jours en juillet ou en août, mais c’est en compagnie des membres du Club des Ornithologues de Québec  http://www.coq.qc.ca/  que nous faisons religieusement deux arrêts par année. Depuis des décennies, le COQ permet à ses membres de profiter des fins de semaine de trois jours que sont les Fête des Patriotes (en mai) et Fête de l’Action de Grâces (en octobre).  Ces dates correspondent aux migrations printanière et automnale. Ce qui est fascinant avec cette île, c’est que nous ne savons jamais à quoi nous attendre vraiment. Elle est tributaire des vents, des marées et des mouvements migratoires des oiseaux. Cependant, une chose est certaine, elle nous réserve toujours des surprises incroyables. C’est fascinant et inspirant. 




Grand Chevalier à l'Anse-du-banc-de-sable, le 09 octobre 2011.

Laissez-moi vous raconter une journée typique. Le lever se fait très tôt, sans qu’il ne soit sollicité par quiconque. C’est comme si c’était dans la norme de vivre au rythme de la nature. On se couche tôt, on se lève tôt. Pas de télévision, pas de radio, pas de téléphone. Juste le son du vent qui s’insinue dans les branches, le clapotis de l’eau qui vient mourir tout doucement au fond de l’Anse-qui-pue. Les douces plaintes des mâles d’Eiders à duvet, continuellement ballottés au gré des vagues du large, se font berceuse la nuit et hymne à la vie le jour. Ça c’est mon Île-aux-Basques. C’est ce qu’il me tarde de retrouver, à chaque fois.

Le temps d’un bon déjeuner où les rires se mêlent volontiers aux sons familiers des oeufs qui cuisent dans le poêlon et de l’eau qui bout, et voilà que chacun entame sa journée en se dirigeant vers le coin d’île de son choix. Rien n’est jamais commandé, tout est régi par l’inspiration du moment. L’important, c’est de se retrouver dans un milieu inspirant, de s’en imprégner et d’observer la vie tout autour.

La partie de l’île qui supporte la forêt est traversée sur toute sa longueur par un sentier nommé la Route-des-Basques. À un moment donné, cette route longe un petit étang autour duquel les oiseaux s’activent habituellement. Il fait toujours bon s’y arrêter quelques minutes afin de prendre le pouls de l’île. Quand la migration printanière est bonne, c’est l’endroit idoine pour rencontrer un grand nombre de passereaux différents. Des colorées parulines aux bruants à la livrée plus terne, en passant par l’imposant Grand Héron qui survole souvent ce lieu en quittant ou en regagnant la héronnière toute proche. Ce plan d’eau est longé du côté sud par le sentier David-Alexis-Déry.



L'Étang change d'aspect selon la saison et les conditions climatiques, mais il reste un endroit paisible qui attire la faune. Photo Anne Déry  en octobre 2009.
 


Ce Quiscale rouilleux en plumage d'automne est une première observation pour moi à l'Étang.


En nous dirigeant vers l’est, nous croisons le Sentier-de-la-Traverse. Il conduit au camp Léon-Provancher du côté sud et à la Butte-à-l’indienne ainsi qu’à une falaise rocheuse du côté nord. En mai, le sentier rocailleux est bordé d’un épais tapis de mousses et de lichens qui ajoute une touche féerique à l’endroit. De retour sur la Route-des-Basques et en nous aventurant davantage vers l’est, nous finissons par déboucher sur l’Anse-d’en-bas où une baie magnifique nous accueille. Un autre lieu de belles observations et de contemplation, particulièrement dans la grande haie de rosiers sauvages qui sépare la forêt de conifère de la plage. Un peu plus loin, nous aboutissons près du quai de pierre et l’Anse-à-la-canistre. C’est le lieu privilégié pour l’observation des oiseaux de mer au large avec nos puissantes lunettes d’approche. Beaucoup d’espèces intéressantes et même rarement observées y ont été rapportées : Plongeon du Pacifique, Plongeon catmarin, Plongeon huard, Arlequin plongeur, Garrot d’Islande, Eider à tête grise, Grèbe esclavon, Fou de Bassan, Grand Cormoran, Faucon pèlerin, Bécasseau violet, Mouette pygmée, Mouette de Sabine, Labbe pomarin, Labbe parasite, Petit Pingouin, Macareux moine

Si nous revenons à l’ouest du petit étang, toujours en empruntant la Route-des-Basques, nous croisons un sentier en U, sur notre droite, qui va longer la falaise du côté nord de l’île. Ce sentier est judicieusement appelé le sentier de la falaise. Ce sentier nous fait grimper d’une quinzaine de mètres et nous fait traverser des habitats très intéressants dont la forêt-des-sorcières (nom non officialisé). Les arbres à cet endroit sont rabougris, pas très hauts et les troncs sont tordus de façon anormale. Nous croyons que ce sont les violents vents du nord est qui ont façonné la végétation de cette façon. Mais qui connaît vraiment le fin mot de l’histoire ? L’île a ses secrets et elle les garde. Quand nous sortons de ce sentier, nous aboutissons près d’un autre endroit privilégié pour trouver des belles espèces. Il s’agit d’un lieu appelé La-source. Nous y trouvons beaucoup d’arbres fruitiers naturels et des buissons propices à l’alimentation et à la nidification des passereaux. La localisation de ce site est idéale aussi puisqu’il est à l’abri des vents dominants et le soleil levant vient réchauffer ce lieu tôt en journée.

La Route-des-Basques nous conduit ensuite au Pré-de-la-vieille-maison. De la maison, aucune trace ne subsiste. Cependant, à partir du Belvédère-Jean-Rioux, nous avons une vue imprenable sur un pré extraordinairement fleuri en juillet et en août. On peut y cueillir des framboises, des fraises et des bleuets…tout en en laissant aux petits rongeurs, aux oiseaux et au renard qui hantent l’endroit. Ce sentier traverse le pré tout entier et se termine sur la plage de sable à l’extrémité ouest. De grands rochers plats accueillent des limicoles durant les trois saisons, dont le Bécasseau violet et le Chevalier grivelé. En contournant l’île vers le sud, nous aboutissons à une longue pointe de sable qui se découvre à marée basse, le Banc-de-l’Île-aux-Basques. C’est le lieu parfait pour y observer des laridés et des anatidés qui vont s’échouer volontairement sur cette plage accueillante pour un peu de repos. Le Harelde kakawi aime particulièrement adopter ce comportement.

Anne se dirige en solitaire vers la flèche de sable qui rapetisse à la faveur de la marée montante. Photo Laval Roy en octobre 2009.



Le Tournepierre à collier est une espèce observée à toutes les visites automnales à l'extrémité ouest de l'Île-aux-Basques.


Nous longeons ensuite l’Anse-du-Banc-de-sable et nous arrivons au Lac-salé. Ce lac, qui n’en est pas un en fait, se forme au gré des marées. Et c’est l’eau salée du fleuve qui vient le remplir à marée haute. De là, son attribut de salée. Et voilà que nous revenons à l’Anse-qui-pue, petite anse désignée ainsi en raison de la décomposition d’algues marines qui s’y déposent et d’une source sulfureuse au fond de l’anse (J.C.R.Rioux, 1997). Les deux autres chalets de l’île, le Rex-Mérédith et le Joseph-Matte, ont été érigés à cet endroit stratégique.

Je reviens tout juste d’un autre séjour avec Anne sur notre île magique. Anne en est peut-être rendue à plus de cinquante visites à cet endroit. Pour moi, ça doit être autour de la trentaine. Chose certaine, nous avons déjà hâte en mai prochain où nous y retournerons avec le COQ. Maintenant, nous pensons à une autre île, l’Australie. Nous partons dans quelques jours. Je vous en parlerai au retour. Je sais que j’avais dit la même chose pour le Brésil, mais le temps manque pour tout faire. So many things to do in so little time… ce sera toujours le drame de nos vies.