mercredi 6 janvier 2021

Des oiseaux en pandémie (août 2020).

 

 

Je considère le mois d'août un peu comme un mois pivot dans notre année d'observation des oiseaux. Le calme est revenu en forêt alors que les concerts matinaux se sont tus. Seuls les pépiements des jeunes encore dépendants de leurs parents pour être nourris se font entendre ici et là. La majorité des passereaux ont mené à terme leur nichée et certains ont même entrepris leur déplacement vers le sud. Quelques espèces, comme les hirondelles, ne font plus partie de nos observations quotidiennes près de nos maisons. Elles se rassemblent dans les lieux humides où les insectes volants sont légions. De même pour les oiseaux noirs comme les carouges ou les quiscales. Fini le temps où un carouge était aperçu perché à intervalle régulier le long des milieux propices à la nidification. Quelques passereaux migrateurs nichant plus au nord commencent à être observés en petits nombres. Dans la deuxième moitié du mois, certains limicoles viennent envahir les zones intertidales, les vasières et les terrains humides. Leur retour est précurseur de la fin de l'été.   

 

 

Le Pygargue à tête blanche / Haliaeetus leucocephalus washingtoniensis / Bald Eagle doit attendre cinq années avant d'obtenir son plumage d'adulte. Sur cette photo prise dans le comté de Portneuf, cet individu s'avère être un subadulte de quatrième année. L'inégalité des plumes de vol indique que l'oiseau est en mue. Des plaques grises sont visibles sur le plumage noir et, autres indices, la tête et la queue ne sont pas d'un blanc pur. Capté le 14 août 2020.

 

 

Lorsque les passereaux et les limicoles sont en migration, ils sont souvent accompagnés par un faucon qui ne dédaigne pas ouvrir la porte du frigidaire quand une petite fringale apparait. Pas étonnant donc d'observer ce Faucon émerillon / Falco columbarius columbarius / Merlin bien assis sur sa branche à surveiller les allées et venues d'un petit groupe de limicoles.

 

 

À partir de la mi-août, des gros rassemblements de goélands sont monnaie courante tout le long du fleuve Saint-Laurent. À marée haute, les pointes de gravier qui s'avancent dans le fleuve forment des lieux de convergence pour les oiseaux qui s'y reposent le temps d'une marée. L'espèce de loin la plus nombreuse est le Goéland à bec cerclé / Larus delawarensis /  Ring-billed Gull et s'y retrouvent des individus de différents plumages. C'est la période de l'année où l'on peut voir ces bandes s'empiffrer à même les colonies de fourmis volantes.

 

 

Le Chardonneret jaune / Carduelis tristis tristis / American Goldfinch niche très tard comparé à bien d'autres espèces de passereaux. Il faut en chercher la cause du côté de son alimentation. Lorsque les immatures quittent le nid et qu'ils nécessitent encore la présence des parents, les graines des plantes sont juste à point et elles sont accessibles en abondance. Cet immature illustre très bien le comportement typique lors du nourrissage. Le jeune oiseau fait vibrer énergiquement ses ailes et laisse échapper des cris aigus qui signalent à l'adulte l'urgence de la situation. Observé le 22 août 2020 à la Base de Plein Air de Sainte-Foy, ville de Québec.

 

 

Et voici le parent mâle occupé à cueillir des graines de Centaurée noire / Centaurea nigra / common knapweed. Il est tout près du jeune oiseau et les graines contenues dans son bec vont bientôt être transférées dans la gorge toute grande ouverte du quémandeur.  

 

 

Dans notre cours de Sillery, on ne voit pas habituellement le Quiscale bronzé / Quiscalus quiscula versicolor / Common Grackle. Mais en août, alors que des groupes ont déjà commencé les mouvements migratoires, la cour arrière est envahie pendant un court laps de temps par plusieurs dizaines d'individus qui se jettent sur nos mangeoires et qui se baignent frénétiquement dans notre bain d'oiseaux. Ceci arrive environ deux fois par année et toujours à la même période.


 

Dans ces groupes de quiscales, les individus se présentent sous différents plumages selon leur âge respectif. Les immatures de l'été sont bruns et l'iris est foncé. Les adultes, mâles et femelles, ont l'iris jaune et le chatoiement du plumage est plus prononcé chez le mâle. Ses dimensions, ses couleurs, son expression faciale et son iris pâle donnent au Quiscale bronzé l'allure d'un < mauvais garçon >. Dans mon arrière-cour le 23 août 2020.

 

 

La dernière semaine du mois d'août correspond à la présence de plus en plus abondante de limicoles. Nos trois points chauds sont Montmagny, Saint-Denis-de-la-Bouteillerie et Kamouraska. Chaque migration automnale apporte son lot d'espèces singulières. Montmagny demeure l'endroit le plus sûr pour trouver un Bécasseau à échasses / Calidris himantopus / Stilt Sandpiper parmi les nombreux Petits Chevaliers qui envahissent la zone intertidale à l'embouchure de la rivière à Lacaille. L'immature photographié ici le 26 août se différencie d'un Petit Chevalier par sa plus faible taille, la couleur de ses pattes, son dos écaillé, le bec courbé vers le bas et son gros sourcil pâle.

 

 

À mesure que la marée montante submerge les vasières du bassin en bas des chutes, les Petits Chevaliers / Tringa flavipes / Lesser Yellowlegs viennent se poser par petits groupes sur les rocs en bordure du rivage ou au pourtour du quai Boulanger. C'est l'occasion de les observer de près. Remarquez les pattes jaune vif et la multitude de points blancs dans le dos.

 

 

C'est habituellement à partir de la mi-août que nous pouvons rencontrer une Grande Aigrette / Ardea alba egretta / American Great Egret dans la région de Chaudière-Appalaches. La présence de ces individus résulte de la dispersion postnuptiale de l'espèce. Difficile de déterminer la provenance exacte. Au Québec, l'espèce est  nicheuse presque uniquement dans les Basses-terre du Saint-Laurent. En 2016, la colonie de l'île aux Hérons, dans les rapides de Lachine, a atteint une centaine de nids (Bannon et al, 2017a). Photographiée à Montmagny, en compagnie d'un Grand Héron, le 26 août 2020.

 

 

Dans le billet précédent, je vous avais présenté un Bécassin roux / Limnodromus griseus griseus / Short-billed Dowitcher dans un plumage très en mue. Voici maintenant un individu juvénile avec un plumage plus < de saison >. Observé annuellement à Montmagny à cette période de l'année, souvent en plus d'un exemplaire.

 

 

Le 27 août, une petite virée dans la région du Bas-Saint-Laurent nous amène à Kamouraska où, bon an mal an, une brochette intéressante de limicoles nous attend. Ce limicole noir et blanc semble jouer continuellement avec les vagues qui viennent lécher le rivage. Quand il ne le fait pas, il fouille minutieusement dans la bande de varech laissée par le retrait des marées. Occupé à cette besogne, il fait peu de cas de nous. Le Bécasseau sanderling / Calidris alba / Sanderling est le plus blanc de nos bécasseaux de taille moyenne. Dans ce plumage bicolore d'immature, il est facilement reconnaissable par la blancheur immaculée de ses dessous, la plaque noire à l'épaule et le noir de son bec et de ses pattes.

 

 

Et voici un autre limicole très abondant, un genre de <mini-moi > de son plus grand cousin le Pluvier Kildir, le Pluvier semipalmé / Charadrius semipalmatus / Semipalmated Plover. On le rencontre principalement le long des côtes où il forme des petits groupes compacts. Il se mêle volontiers aux autres espèces de limicoles, mais il est assez agressif. Ne rentre pas qui veut dans sa bulle. Il illustre bien le comportement de recherche de nourriture des espèces du genre Charadrius. Après un déplacement rapide sur ses courtes pattes, il s'arrête brusquement et plonge son bec dans le sol ou la végétation. Il répète incessamment ce rituel et il n'est pas rare de le voir sortir de terre un vers qu'il étire jusqu'à l'extirper du sol.

 

 

De retour à Montmagny le 31 août 2020 pour tenter de repérer un Bécassin à long bec / Limnodromus scolopaceus / Long-billed Dowitcher trouvé et identifié ultérieurement par Daniel Jauvin. Il s'agit d'un mâle en mue dont il manque plusieurs plumes primaires (voir photo suivante). Cette espèce est sans contredit l'une des vedettes les plus prisées du site et son apparition est attendue avec impatience. Sa présence est habituellement de quelques jours seulement. Contre toute attente, cet individu restera sur le site plus d'un mois. Nous le reverrons dans le prochain billet.

 

 

Revoici notre Bécassin à long bec en vol, accompagné par sept Petits Chevaliers.En plus d'avoir la queue et le croupion plus rayés, nous remarquons la zone dorsale qui forme un triangle blanc entre les ailes étirées. Nous remarquons également l'absence des mêmes primaires sur chaque aile du bécassin, preuve qu'une mue des plumes de vol est en cours. La perte de plumes de vol usées qui seront remplacées par des nouvelles se fait toujours à part égale sur chaque aile afin de permettre à l'oiseau de continuer à voler durant la période de la mue. Bien différent des anatidés qui perdent toutes leurs plumes de vol en même temps et qui deviennent inaptes à s'envoler. Cette mue correspond d'ailleurs à la période de nidification où la femelle doit s'occuper à plein temps de sa nichée.

 

 

C'est en août que la Mouette de Bonaparte / Chroicocephalus philadelphia / Bonaparte's Gull quitte son territoire de nidification, situé aux abords des lacs en forêt boréale, pour atteindre nos latitudes en très petit nombre à la fois. Ce petit laridé a comme singularité de nicher dans un arbre résineux. Au Québec, elle le fait en majorité dans la région abitibienne et cette population va hiverner sur la côte atlantique jusqu'en Floride et dans les Antilles. Elle n'est donc que de passage et Montmagny s'avère encore un endroit privilégié pour la retrouver à chaque automne. Cet individu immature tente de faire sa place parmi une centaine de Goélands à bec cerclé et ça ne se fait pas toujours sans quelques frictions.

 

 

Et voilà que la Mouette de Bonaparte cherche noise à une autre petite mouette. Mais les motifs uniques de son plumage nous font réaliser qu'il s'agit d'une rare Mouette de Sabine / Xema sabini sabini / Sabine's Gull. Quelques autres mouettes possèdent des motifs sus-alaires qui évoquent la forme d'un < M >, mais la configuration de la Sabine est unique. À l'endos de chaque aile, un grand triangle blanc sépare au niveau du poignet le noir des primaires du brun des secondaires. L'autre endroit de prédilection pour obtenir de bonnes chances d'observer en automne cette mouette est lors d'une excursion pélagique à bord d'une embarcation au large de Tadoussac. C'est dire la chance de pouvoir l'observer ici, à faible distance et les deux pieds bien ancrés sur le quai Boulanger à Montmagny. Nous sommes le 31 août et je ne connais pas de meilleur façon de terminer le mois.

 

 @ bientôt pour la suite de l'année 2020.



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