lundi 10 mars 2014

The Struggle for life



En mars 1973, j'en suis à ma deuxième année d'étude collégiale au CEGEP Notre-Dame-de-Foy à Cap-Rouge, situé à quelques kilomètres à l'ouest de la ville de Québec. Notre prof de philosophie nous donne comme travail de faire un résumé des différents courants de pensée concernant l'évolution des espèces à l'époque de Charles Darwin. C'est un sujet qui m'intéresse au plus point et j'y consacre toute la fin de semaine. Ce qui frappe le plus mon imaginaire c'est le livre de Charles Darwin, publié le 24 novembre 1859 et intitulé "The Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life", dans lequel il explique le mécanisme présidant, selon lui, à l'évolution graduelle des espèces vivantes dans la nature. J'aime beaucoup le terme "struggle for life", car il exprime bien ce qui se passe réellement dans la nature sauvage. Même si cela peut paraître très cruel aux coeurs sensibles, il n'y a pas d'autre moyen pour conserver une population en santé que de ne permettre qu'aux plus en forme de survivre et de se reproduire afin de perpétuer une race forte.

En ce beau 23 février 2014, Anne et moi observons les oiseaux en arpentant un terrain de golf situé à Huatulco, dans le sud-ouest du Mexique. Heureusement pour nous, il est fermé pour réparation depuis quelques mois et il ne doit ouvrir que dans quelques mois. Situé à seulement dix minutes de marche de notre hôtel, le Barcelo Premium de Huatulco, c'est un endroit où nous nous rendons régulièrement tôt le matin. Il est aux environs de 9h00 du matin lorsque Anne attire mon attention sur un oiseau posé au sol, en plein milieu d'une allée de golf. Je pointe les jumelles vers l'endroit et je suis tout surpris de découvrir un magnifique Faucon pèlerin / Falco peregrinus tundrius / Peregrin Falcon assis sur une proie qu'il vient d'attraper, une Foulque d'Amérique / Fulca americana americana / American Coot.




En tout bon oiseau de proie qu'il est, le faucon cache sa victime en étendant les ailes et les plumes de la queue. Il évite ainsi d'attirer l'attention d'un autre prédateur. La foulque n'est pas encore morte et elle essaie d'échapper aux serres du rapace. Mais la prise est ferme et la fuite impossible.



  
Le faucon s'attarde au cou du rallidé. Il y plonge le bec et il s'ingénie à couper les vertèbres grâce à la dent présente à sa mandibule supérieure. Au début, je ne vois pas où il veut en venir, mais la prochaine photo nous dévoile le dénouement.




D'un coup de tête, il fait voler celle de sa victime, rendant l'identification de cette dernière plutôt facile. Je n'ai jamais vu comment le faucon a fait pour capturer la foulque. Est-ce en vol, comme il le fait habituellement, ou a-t-il fondu sur une foulque qui s'était égarée un peu trop loin du point d'eau tout près ? Une bonne centaine de foulques se trouvent à proximité dans et autour de deux grands plans d'eau. Et nous avons l'occasion d'en observer certaines qui arpentent les surfaces gazonnées pour y trouver des graines ou des insectes. Nous ne saurons jamais comment le tout s'est produit.

Profitant du fait que le prédateur est occupé à continuer son repas, je m'avance super lentement et à pas de loup afin de ne pas l'effrayer.




La tête de la victime à moins d'un mètre en face de lui, le falconidé s'applique à déplumer ce qui reste de la foulque. Je suis tellement absorbé à prendre des photos que je ne remarque même pas l'oiseau qui arrive sur la droite.




Un Urubu à tête rouge / Cathartes aura aura / Turkey vulture vient se poser en trombe au sol en maintenant ses ailes grande ouvertes. Le faucon prend panique et soulève la foulque en faisant voler tout autour les plumes se trouvant au sol. Sans doute à cause de la pesanteur de sa proie, il ne se déplace que de quelques mètres.




L'urubu profite du déplacement du pèlerin et il s'empare aussitôt de la tête. "Bon", que je me dis,"c'est donc cela qu'il voulait". À voir l'allure courroucée du faucon, je suis certain que c'est seulement ce bout que l'urubu aura de la foulque. L'urubu se déplace lentement et il se tourne pour présenter son dos au faucon.




Les ailes bien déployées, le cathartidé protège, comme le faisait au début le faucon, sa proie de tout autre individu. Le pèlerin, quant à lui, semble plus préoccupé par la présence possible d'autres urubus. Les deux mangent leur partie respective du festin. Je ne m'attends certes pas à ce qui va suivre.




Utilisant sa propre version du célèbre "moon walk" de feu Michael Jackson, voilà que le gros urubu recule d'un trait et résolument vers le faucon. Cela se fait si vite que j'ai à peine le temps de peser sur le déclencheur de ma caméra. Le faucon est tellement subjugué par cette attaque surprise qu'il prend une fraction de seconde additionnelle avant de prendre la poudre d'escampette.




Mais cette fois-ci, le pèlerin ne tient sa proie qu'à l'aide d'une patte et la fuite effrénée lui fait perdre son précieux butin.





Et voilà notre pauvre foulque, ou du moins ce qu'il en reste, qui s'envole pour une dernière fois, les deux pattes en l'air, nous montrant ses longs doigts palmés. Contre toute attente, le pèlerin abdique et l'urubu sort grand gagnant de ce combat de courte durée, mais superbement bien planifié par le nécrophage.




Si je ne l'avais jamais vu, jamais je n'aurais cru qu'un oiseau à l'allure aussi féroce que le Faucon pèlerin pourrait céder sa proie à un seul Urubu à tête rouge. L'urubu n'inspire aucune férocité puisqu'on le considère plutôt comme un fossoyeur qui n'a jamais à se battre contre sa proie. Son vol est indolent et lent comparé au bolide ailé qu'est le pèlerin. 

Et que fait notre gros faucon une fois la confrontation terminée ?  Et bien, je vous le donne en mille, il vient se percher dans un gros arbre au-dessus de moi. 





Il ne cesse de se plaindre sur son sort en regardant en direction du vainqueur debout sur son ancienne proie. J'ai tout à coup envie de lui raconter l'histoire du petit oiseau tombé du nid et qui se plaignait de son sort... mais je sens qu'il ne comprendrait pas.


@ bientôt,




10 commentaires:

Jean-Sébastien a dit…

Très bon récit Laval! Ce serait bien que tu nous fasses un petit compte-rendu de ton séjour à Huatulco. C'est une destination qui m'intéresse beaucoup pour un futur voyage familial/ornithologique.

David M. Gascoigne, a dit…

This is truly a remarkable series of photographs and a superb narrative along with them. Thanks so much for a fine blog entry.

Unknown a dit…

Bravo ! Quelles belles prises et quelle histoire ! Surprenant, l'Urubu !

lejardindelucie a dit…

Une scène étonnante et un récit qui nous tient en haleine!
Le dernier vol du Foulque est réussi!
Merci de partager ces moments plein de suspense! Belle illustration de la lutte pour la vie.

JulesG a dit…

Quelle histoire... C'est ce qu'on appelle "Etre au bon endroit au bon moment". Bravo!

Unknown a dit…

Belles photos et le texte qui est un bijou

Unknown a dit…

Remarquable récit accompagné par de belles photos

Unknown a dit…

Super de lire tous tes textes Laval!

Dernièrement quelqu'un a parlé des excréments de l'Urubu qui sont extrêmement "puants".
En voyant la position de l'urubu, je me suis demandée s'il se serait servi de ce moyen pour éloigner le Faucon...

Laval Roy a dit…

Les espèces d'oiseaux possédant un odorat développé sont rares. L'urubu à tête rouge est l'exemple le plus connu, mais il y a également les oiseaux pélagiques qui peuvent "sentir" l'huile animale qui flotte sur l'eau à de grandes distances.

Ceci dit, selon moi, l'urubu s'est présenté de dos afin de protéger sa tête (ses yeux plus particulièrement) d'une possible contre-attaque du faucon. De plus, en étalant la queue et en déployant ses ailes, il constitue une plus grosse masse ce qui accroît le facteur de danger pour le pèlerin. Et la vitesse d'exécution du charognard a ajouté beaucoup à l'effet de surprise.

Merci de ta visite et de tes commentaires, Louise.

Au plaisir.

Luce Chamard a dit…

Quel récit! Merci!