mardi 3 décembre 2019

De la neige... et des oiseaux





Nous voilà encore rendus à la saison de l’année où notre activité ornithologique risque d’être minimale. Cependant, malgré le froid, la neige et les routes glacées, il y a de belles sorties à faire. Jetons un œil sur l’année dernière. Oui, on s'en rappellera de l'hiver 2018-2019. Dame Nature nous a saupoudré de neige sur une base quasi quotidienne. Le soleil s'est rarement montré la binette, ce qui n'est vraiment pas bon pour la pression artérielle de quiconque. Et, comme si ce n'était pas assez, la météo s'est mise à jouer au yo-yo avec des températures oscillant entre -20°C et + 6°C sur de courtes périodes. Vraiment rien pour faciliter notre vie et surtout celle de nos amis emplumés qui vivent continuellement à l'extérieur.

Les périodes de verglas peuvent s'avérer très néfastes pour les animaux. Pensons à la Gélinotte huppée qui peut passer jusqu'à 16 heures sur 24 sous la neige pour se tenir à l'abri des intempéries et des prédateurs. Sa façon de s’enfouir dans la neige a été documentée. En vol ou du haut d’un perchoir, elle plonge dans la neige folle où elle construit sa bulle de vie, un microcosme idéal pour combattre le froid. Lorsqu'une couche de verglas atteignant plusieurs millimètres vient recouvrir la surface neigeuse, le gallinacé peut éprouver une grande difficulté à percer cette enveloppe glacée. L'hiver ne cause aucun problème du côté nourriture pour notre perdrix. Tôt le matin, elle se nourrit de bourgeons et, en seulement une quinzaine de minutes, elle remplit son jabot et elle s'assure ainsi de son apport alimentaire pour la journée. Elle peut ensuite retourner à l'abri des regards. En fin de journée, elle répète le stratagème et elle passe ensuite la nuit sans problème. Ce comportement de la gélinotte en hiver peut expliquer que nous l’observions si peu.


Gélinotte huppée / Bonasa umbellus togata / Ruffed Grouse

   
La famille des fringillidés englobe plusieurs espèces dont la présence est associée, du moins dans la région de Québec, à la saison froide : Tarin des pins, Sizerin flammé, Roselin pourpré, Bec-croisé bifascié, Bec-croisé des sapins, Durbec des sapins et Gros-bec errant. Ces passereaux se nourrissent principalement de graines, de fruits ou d’autres matières végétales. Ils sont fortement nomades, n’hésitant pas à voyager sur de longues distances et en groupes plus ou moins importants afin de trouver des bons lieux de nourrissage. Ces déplacements sont difficiles à prédire d’une année à l’autre. Il n’est donc pas surprenant de connaître des hivers plutôt moches où les fringillidés sont tout simplement absents.

Le dernier hiver a été propice à la présence du Gros-bec errant un peu partout aux endroits visités. Originaire de l'Ouest, il est observé pour la première fois dans le sud du Québec à la fin du 19ième siècle. Aujourd'hui, on le retrouve un peu partout au Québec où il peut nicher lorsqu'il trouve l'habitat propice et la source de nourriture disponible. Sur son territoire de reproduction, il est peu loquace donc plus discret. C'est bien autre chose lorsque, le reste de l'année, il se tient en groupes très bruyants qui sont fréquemment observés aux postes d'alimentation. C'est ainsi que la plupart des ornithologues Québécois le connaissent. Près de Québec, il est observé avec une grande régularité au Cap Tourmente et dans la région de Stoneham-et-Tewkesbury.


Même si le Gros-bec errant est considéré comme un oiseau chanteur, il ne semble pas utiliser de sons complexes pour attirer un partenaire. Il possède un petit répertoire d'appels simples, comprenant des notes perçantes et des pépiements enthousiastes.
Le nom anglais vient de la fausse croyance voulant que cette espèce vocalisait principalement en soirée. Ce gros passereau ajoute une touche colorée lors des mois mornes d'hiver et sa visite à nos mangeoires est toujours souhaitée et souhaitable.


Gros-bec errant / Coccothraustes vespertinus vespertinus / Evening Grosbeak


Aussi énergique que ses notes de contact en vol le suggèrent de prime abord, le Sizerin flammé / Acanthis flammea flammea / Common Redpoll est très dynamique alors qu'il est constamment à la recherche de nourriture. Il se déplace très souvent en groupes, ce qui aide grandement à détecter sa présence. En hiver, il faut le chercher assez haut dans les arbres alors qu'il grappille les graines contenues dans les cônes des conifères ou lorsqu'ils mâchouillent les bourgeons des arbres ou, plus à notre niveau, lorsqu'ils se gavent aux mangeoires.

Ces petits passereaux de la toundra arctique et de la forêt boréale migrent de manière irrégulière et ils se retrouvent parfois en grand nombre jusqu'à l'extrême sud du centre des États-Unis. Au cours de ces années d'irruption, les sizerins se rassemblent souvent autour des silos de chardon présents aux postes d'alimentation. L'hiver 2018-2019 s'est avéré bon pour observer et photographier ces oiseaux.


Cette espèce est le côté "givré" du Sizerin flammé. Il s'agit du  Sizerin blanchâtre / Acanthis hornemanni hornemanni / Hoary Redpoll. Il se reproduit dans la forêt de bouleaux de la toundra. Beaucoup d'individus résident toute l'année dans l'extrême nord; certains oiseaux migrent sur de courtes distances au sud en hiver, voyageant parfois avec des Sizerins flammés.


Durant la saison hivernale, la rencontre avec des rapaces n'est pas très habituelle. Les oiseaux migrateurs partis, peu de prédateurs restent sous nos cieux. Les proies sont plus rares et les conditions climatiques sont rigoureuses. Deux espèces plus nordiques font leur apparition en saison froide: le Harfang des neiges et la Pie-grièche grise. Les deux espèces apparaissent à la fin de l'automne et nous quittent au début du printemps. Alors que la présence du harfang est moins prévisible, car il connaît des fluctuations cycliques de population, celle de la pie-grièche est beaucoup plus assurée.

Les Harfangs des neiges se reproduisent dans l'Arctique, mais ils se déplacent vers le sud de manière irrégulière pour chasser en hiver, émerveillant tous les passionnés qui ont la chance de rencontrer ces fantômes des neiges aux yeux jaunes.

Ils passent l'été loin au nord du Québec à chasser les lemmings, les lagopèdes et d'autres proies à la lumière d'un soleil qui brille 24 heures par jour durant la saison estivale. Les années où le cheptel de lemmings est à son plus haut niveau, les femelles peuvent doubler ou même tripler le nombre habituel de jeunes au nid.


Harfang des neiges (immature) / Bubo scandiacus / Snowy Owl. Le fantôme des neiges dans son habitat de prédilection. Saint-Édouard-de-Lotbinière, le 16 décembre 2018.


Au Québec, nous avons deux espèces de pie-grièche: la Pie-grièche migratrice et la Pie-grièche boréale. Si la boréale vient nous visiter de façon régulière entre les mois de novembre et de mars, la migratrice est devenue extrêmement rare. Même si la pie-grièche se nourrit de petits rongeurs, de gros insectes ou d'autres petits oiseaux, elle n'est pas un rapace, mais bien un passereau. Ses pattes étant trop faibles pour tuer un animal, elle peut compter sur un bec muni d'un crochet puissant qui lui permet de déchirer les chairs de ses victimes. Elle se sert des épines naturelles des aubépines et des fils barbelés pour empaler ses victimes. Elle peut ainsi se constituer un garde-manger. Même si elle n'est pas commune en hiver, elle est plutôt facile à repérer à cause de son habitude à se percher ostensiblement tout au bout des branches les plus hautes d'un arbre ou d'un arbuste. Sa silhouette bedonnante et sa longue queue sont des critères caractéristiques aidant à l'identification de cette espèce.


Pie-grièche boréale / Lanius excubitor borealis / Northern Shrike


Les dernières décennies ont vu l’ajout d’espèces autrefois plus rarement observées ou tout simplement absentes sur le territoire du COQ. Aux Roselin familier, Cardinal rouge, Mésange bicolore, Troglodyte de Caroline, Pic à ventre roux et Perdrix grise s’ajoute aujourd’hui le Dindon sauvage. On a longtemps cru que nos hivers neigeux ne permettraient pas la survie de ce gros phasianidé qu’est le dindon. Et pourtant, il nous a prouvé le contraire. Aujourd’hui, son nom apparait régulièrement sur la liste des oiseaux observés presque à chaque sortie dans les territoires agricoles de Chaudière-Appalaches. Ils se tiennent en bandes dans les champs balayés par les vents et où la couche neigeuse est plus mince. Ils se nourrissent en grattant le sol pour déloger tout ce qui pourrait leur apporter l'énergie nécessaire à leur survie. Leur recherche de nourriture les mène même jusque sous nos postes d'alimentation, tout près de nos demeures.

@ bientôt.



4 commentaires:

Jean-Pierre Proulx a dit…

Des informations des plus intéressants et instructifs sur ces oiseaux nordiques .Merci Laval pour le partage.

Robert Allie a dit…

Fort pertinent, merci!

lejardindelucie a dit…

Pour nous aussi le nourrissage a commencé. C'est l'occasion de voir certains oiseaux qui vivent cachés le reste de l'année comme les Verdiers et certaines Mésanges. Nous avons aussi un Grosbec "casse noyaux" qui sort des zones forestières pour profiter des graines aux mangeoires. Et quand il fait plus froid dans le Nord de l'Europe certains viennent nous rendre visite: les Tarins des Aulnes en grands groupes et exceptionnellement les Pinsons du Nord qui sont magnifiques .
Très intéressante la description du mode de vie de la Gélinotte. Merci pour ce billet très intéressant!

Diane Clermont a dit…

Très beau récit et merveilleuses photos !!
Ta gélinotte huppée est superbe et tes gros-becs errant, que j'ai hâte de les revoir moi aussi ! Bravo Laval !