mardi 8 janvier 2013

Le Drongo malgache, véritable sentinelle de l'air

C'est un fait connu, les oiseaux nicheurs protègent un territoire défini contre l'intrusion de prédateurs potentiels. Ils ne sont aucunement tolérants envers tout ce qui peut représenter un danger pour leur propre survie et celle de leur progéniture. Cependant, tous ne démontrent pas la même intensité, la même combativité à éloigner la source de danger. Ne s'approche pas qui veut d'une nichée d'Autour des palombes / Accipiter gentilis atricapillus / Northern Goshawk ou de Grand-duc d'Amérique / Bubo v. virginianus / Great Horned Owl sans devoir affronter un parent hystérique qui n'hésite pas à vous foncer dessus bec et ongles sortis. J'ai déjà écrit un billet sur les oiseaux kamikazes qui illustre bien ce comportement. Mais je voudrais attirer votre attention aujourd'hui sur un autre aspect de la défense de territoire. J'ai remarqué en effet que, si la très grande majorité des oiseaux protègent un territoire "horizontal", des espèces particulières ajoutent également un territoire "vertical" à leur activité. On n'a qu'à penser au Carouge à épaulettes / Agelaius p. phoeniceus / Red-winged Blackbird, au Tyran tritri / Tyrannus tyrannus / Eastern Kingbird ou, tout simplement, à notre Corneille d'Amérique / Corvus b.brachyrhynchos / American Crow. Ces espèces se montrent extrêmement susceptibles envers les intrus de toutes dimensions qui pourraient emprunter leur corridor aérien, ne serait-ce que pour le traverser quelques secondes. Ces oiseaux sont impétueux et leur réaction est instantanée, quitte à corriger le tir une fois l'élan donné. Je souris toujours lorsque je repense à cette corneille qui s'est ravisée assez vite en constatant l'envergure du Pygargue à tête blanche / Haliaeetus leucocephalus washingtoniensis / Bald Eagle qui avait osé une glissade à l'intérieur du périmètre interdit. Elle a quitté son perchoir très vite à l'approche du pygargue, s'est dirigée vers lui et a exécuté un repli stratégique assez vite merci devant le géant qui ne semblait absolument pas impressionné par l'attaque du corvidé.

Mais, règle générale, la taille de l'importun n'a aucun effet dissuasif sur l'attaquant. Le Drongo malgache / Dicrurus f. forficatus / Crested Drongo est un oiseau extrêmement belliqueux et j'ai eu l'occasion de le réaliser à maintes reprises à Madagascar. Il s'attaque à toutes les espèces, peu importe leur grosseur. En voici d'ailleurs un (en fait le couple était actif dans la poursuite) que j'ai pu photographier alors qu'il tentait d'écarter un Milan à bec jaune / Milvus migrans parasitus / Black Kite de son territoire.

D'abord, c'est le milan qui apparaît dans le ciel

 
Et voilà qu'un bolide, arrivant de nulle part, s'installe dans l'angle mort visuel du rapace. Inconscient de l'attaque imminente, le rapace bat lentement des ailes, ce qui aide l'agresseur à s'approcher rapidement de l'intrus.


Dès qu'il aperçoit le drongo, le milan place ses ailes de façon à changer de trajectoire tout en prenant de la vitesse.


Mais il en faut davantage pour déjouer l'agile drongo qui ajuste sa course et s'approche davantage de l'oiseau qu'il veut chasser hors de son terrtoire.




Et c'est presque juché sur le dos du milan qu'il continue le harcèlement.


Le milan s'est assez éloigné maintenant pour échapper à la rage du drongo et ce dernier retourne à ses occupations normales.

  
Et maintenant, je vous présente un peu plus notre oiseau vedette du jour. L'espèce Dicrurus forficatus se divise en deux sous-espèces. La sous-espèce forficatus s'observe sur l'île de Madagascar, alors que la sous-espèce potior se retrouve dans les Comores. Ce sont les deux seuls endroits au monde où on peut observer le Drongo malgache.


Il est présent dans tous les endroits boisés, même ceux contenant très peu d'arbres, du niveau de la mer jusqu'à 1 875 mètres d'altitude à Madagascar. Dans les hautes terres, i.e. au-dessus de 1 000 mètres, il préfère de beaucoup les forêts primaires. Cependant, il se rencontre dans les forêts secondaires de différents types ( humide, riveraine, sèche ou épineuse), dans les milieux dégradés ou en régénérescence ainsi que les plantations (pin, eucalyptus, sisal, arbres fruitiers), les milieux agricoles et les parcs ou les jardins en milieu urbain. Il a une prédilection pour les habitats ouverts où il s'observe très facilement. Il se perche bien en vue sur les toits, les clôtures ou toute autre construction et ses envolées ne sont pas très longues. 

Bien installé au bout d'un perchoir, il s'envole, attrape un insecte en vol et il revient au même endroit. Il se nourrit également d'autres invertébrés, de petits vertébrés (lézards, geckos, caméléons) et de fruits. Il se joint souvent aux groupes mixtes d'oiseaux insectivores qui maraudent dans la forêt à la recherche de nourriture. Dans la partie sèche de l'île, se situant au sud ouest, il peut se retrouver parmi 16 autres espèces et il est celui qui montre le plus de divergence entre sa façon habituelle d'obtenir de la nourriture et celle qu'il adopte lorsqu'il est en groupe. Seul, il chasse les insectes à au moins cinq mètres du sol; en groupe, il inspecte le feuillage bas (à moins de cinq mètres du sol) ou le sol lui-même à la recherche de larves de lépidoptères, de coléoptères, d'orthoptères, d'arachnides ou de mille-pattes.

Il est monogame et il s'observe habituellement seul ou en couple. Territorialement agressif, il s'attaque aussi bien aux individus de son espèce qu'à toute autre espèce s'approchant trop près du nid. Il peut s'agir aussi bien d'oiseaux aussi gros que le Pygargue malgache / Haliaeetus vociferoides / Madagascar Fish-Eagle que des lémuriens, du bétail, des chiens et même des humains.

Des études moléculaires/génétiques démontrent que les crêtes ont peu de valeur phylogénétique. Elles peuvent facilement apparaître et disparaître dans les différentes lignées, autant dans les formes récentes que dans celles anciennes des groupes d'Afrique ou d'Asie. Le Drongo malgache possède une touffe frontale de plumes longues de 20 à 40 millimètres et qui ont tendance à s'arquer vers l'avant. Cette crête est la principale différence morphologique entre cette espèce et le Drongo brillant / Dicrurus adsimilis / Fork-tailed Drongo qui est largement distribué sur le continent africain. Photo prise le 18 octobre 2012 dans le PN de Masoala.


Et pour terminer, voici une autre victime de l'assaut du drongo. Alors qu'il est bien perché au bout d'une grosse branche, un Épervier de Frances / Accipiter f. francesii / Frances's Goshawk doit essuyer l'attaque répétée de notre vedette. J'essaie sans succès de croquer l'oiseau alors qu'il oblige le rapace à exécuter des acrobaties pour éviter le contact.



À bientôt.

Aucun commentaire: