lundi 10 décembre 2012

Madagascar: l'île frag'île (1)

Rien qu’à entendre ou à lire le nom de Madagascar et voilà que mon imagination s’emballe, mes neurones s’entrechoquent et ils font jaillir un feu d’artifice d’images dépeignant des formes de vie tout à fait uniques au monde : lémuriens de diverses dimensions, caméléons aux formes surprenantes et aux couleurs kaléidoscopiques, baobabs ventrus et immenses poussant dans un habitat tellement aride qu’on ne s’attendrait pas à y retrouver de tels géants. On dirait que cet arbre a été planté tête première par un dieu distrait (ou particulièrement facétieux) et que les branches aériennes seraient en fait des racines tournées vers le ciel.


Baobabs au parc Mosa, près de Mangily, dans la région de Tuléar.  08 octobre 2012.


Originellement coincée entre l’Afrique et l’Inde,  Madagascar s’est trouvée isolée lorsque le mouvement des plaques tectoniques s’est enclenché il y a plus d’une centaine de millions d’années. Portées par le magma en fusion présent sous la croûte terrestre, ces plaques se sont mises à littéralement « surfer »  à la surface de la planète bleue et le super continent Gondwana s’est fractionné, donnant graduellement naissance aux continents tels que nous les connaissons aujourd’hui. 

Selon les estimations scientifiques reconnues, l’Île de Madagascar aurait commencé à dériver il y a de cela 121 millions d’années. Ce long isolement a contribué à engendrer des formes de vies tout à fait uniques. En permettant d’abord à des espèces de survivre alors qu’elles ont disparu partout ailleurs et aussi en voyant des espèces communes avec d’autres continents acquérir des singularités qui en ont fait des espèces nouvelles. Nous connaissons tous le rôle des îles dans la formation d’espèces endémiques. L’isolement de certaines espèces animales ou végétales, contraintes à s’acclimater à des habitats ou à des conditions de vie différents de ce qu'ils avaient connus jusque là, les a rendues sujettes à acquérir une originalité tellement grande qu’elles sont devenues des espèces distinctes et à part entière.

Comme elle était flanquée jadis de l’Afrique et de l’Inde,  je me serais attendu à retrouver à Madagascar des animaux présents aujourd’hui sur ces deux continents : des cervidés, des pachydermes, des singes, des gros félins… Rien de cela sur Madagascar. Le mammifère carnivore malgache se rapprochant le plus d'un félidé, par l'apparence tout au moins, est le Fossa / Cryptoprocta ferox /  Fosa. Il appartient à la famille des Eupléridés, endémique à Madagascar. Essentiellement forestier, ses griffes semi-rétractiles lui permettent de grimper et de descendre des arbres la tête en avant, et l'animal peut aussi sauter d'arbre en arbre. Actif de jour comme de nuit, il se nourrit principalement de lémurs, de tenrecs, de rongeurs, de lézards et d’oiseaux.

Aucun cervidé non plus, aucune proie de grande dimension qui pourrait assurer la survie de gros prédateurs félins comme c'est le cas dans les savanes du continent africain. Et pourtant, il en existe des savanes sur l'île, très semblables à celles du continent. Elles couvrent de grandes étendues dans la partie ouest de l'île et sur les Hautes Terres situées au centre du pays, à partir de Antananarive au nord jusqu'à Isalo à l'ouest et à Ihosy à l'est. Les massifs forestiers sont rares, l'immensité des savanes rappelant des steppes interminables. Ayant déjà exploré les savanes du Kénya et de la Tanzanie, je m'attendais à tout moment à voir surgir un buffle ou un rhinocéros de derrière un tas d'arbustes secs et épineux. Madagascar rappelle l'Afrique à plus d'un aspect, mais elle est beaucoup plus reposante au niveau de la dangerosité. 




En route vers Katsepy, dans la partie nord-ouest de Madagascar, on se croirait dans la savane africaine avec des arbustes faisant penser à des acacias. Mais ici, aucun gros mammifères ou pachydermes. Photo prise le 21 octobre 2012. 


Les primates malgaches, bien différents de ceux d’Afrique et de l’Inde, sont les lémuriens. Bien que les lémuriens soient souvent confondus avec les premiers primates, les primates anthropoïdes (singes, grands singes et humains),  ils se contentent de partager avec les anthropoïdes des caractères morphologiques et comportementaux trouvés chez les primates primitifs. Mais d'où proviennent-ils ? Selon des recherches scientifiques, les lémuriens seraient originaires du continent africain, d'où ils seraient arrivés il y a de cela autour de 62 à 65 millions d'année en traversant l'océan Indien sur des tapis de végétation, à une époque où les courants océaniques étaient favorables à la dispersion vers cette île. Les premiers humains arrivés sur l'île, il y a de cela près de 2 000 ans, ont côtoyé des lémuriens de la taille d'un gorille mâle, mais ces animaux ne survécurent pas très longtemps. Aujourd'hui, il y a près de 100 espèces de lémuriens et la plupart de ces espèces ont été promues au rang d'espèce à part entière seulement dans les années 1990.


Le Hapalémur doré / Hapalemur aureus / Golden Bamboo Lemur est le plus rare des lémuridés que j'ai eu l'occasion de rencontrer à Madagascar. Découvert en 1985 dans le parc national de Ranomafana (où cette photo a d'ailleurs été prise le 4 octobre 2012), il n'a été décrit que deux ans plus tard. Selon les chercheurs, moins de 2 000 individus se partagent une aire de distribution de 2 500 km² partant de Ranomafana au nord et suivant un étroit corridor de forêt vers le sud jusqu'aux versants nord-est du massif d'Andringitra. Et vous savez quoi ?  Cette espèce endémique se nourrit à 90% des feuilles et bourgeons d'une espèce de bambou tout aussi endémique, soit le Madagascar Giant Bamboo / Cathariostachys madagascariensis.
Voici le fameux Indri ou Babakoto / Indri indri / Indri, le plus gros des lémurs de Madagascar. Il est aussi le plus diurne des lémuriens malgaches, ne se déplaçant la nuit que lors de conditions météorologiques adverses ou lorsque dérangé par un prédateur (comme le Fossa). La densité de sa population est très basse, environ cinq adultes par km² dans la région du parc national d'Andasibe-Mantadia. Il vit en petits groupes familiaux de trois à six animaux. Les couples ne se défont qu'à la mort d'un des deux partenaires. Le chant qui a fait sa renommée peut s'entendre jusqu'à deux kilomètres à la ronde. Il débute par un hurlement émis par tous les membres du groupe pendant quelques secondes. Ensuite, ce sont de longues plaintes variant en tonalité et en volume qui peuvent durer de 45 secondes à trois minutes. Deux adultes de sexe différent peuvent même synchroniser leur chant et former un duo. Entendues de loin, certaines bribes de ce concert nous ont fait penser au chant d'une baleine. Le but premier de ces sons serait la proclamation de leur territoire, mais ils peuvent également servir à maintenir la cohésion dans le groupe. L'aire de distribution de l'Indri coïncide avec celle de la tribu Betsimisaraka qui lui a donné le nom de Babakoto qui signifie littéralement "ancêtre de l'homme" ou "père de l'homme".

Le Lépilémur de Milne-Edwards / Lepilemur edwardsi / Milne-Edwards Sportive Lemur est l'une des 23 espèces de lépilémurs répertoriées à Madagascar. De ce total, 15 espèces ont été décrites récemment. Les chercheurs croient que chaque forêt le moindrement vaste et saine devrait virtuellement abriter une espèce de ces petits lémuriens.  En fait, chaque espèce occupe une aire distincte dont les frontières semblent, en grande partie, être délimitées par les grands cours d'eau. Des études plus approfondies pourraient même mener à la découverte de nouvelles espèces. Le lépilémur est strictement nocturne et il se nourrit de feuilles, de fruits, de graines et de fleurs. Durant le jour, il peut être aperçu bien callé au creux de la grosse fourche principale d'un feuillu. Comme cette mère étreignant son petit dans la forêt d'Ankarafantsika, le 26 octobre 2012.

Voilà un visage connu, car on le voit régulièrement dans les reportages télévisés.  Le Propithèque de Verreaux / Propithecus verreauxi / Verreaux's Sifaka est ce lémurien que l'on voit accroché à des plantes très épineuses, les didieréacées, ou sautant d'une tige à l'autre sans prendre garde aux arêtes acérées. Il semble vraiment immunisé contre toute douleur occasionnée par des piqûres. Très étrange ! Et tout aussi étrange est sa façon de se déplacer lorsqu'il est au sol. Il le fait de côté, par bonds saccadés et continus, en tenant ses bras horizontalement au niveau des épaules comme pour garder son équilibre. Il peut le faire sur une dizaine de mètres quand la distance entre les arbres le nécessite.
Réserve de Berenty le 12 octobre 2012.

Et voici le Propithèque de Verreaux dans une pose caractéristique alors qu'il est agrippé par les pattes de derrière et qu'il se laisse pendre tête première pour atteindre des feuilles ou des fleurs. Réserve de Berenty le 13 octobre 2012.


En voici un autre dont la renommée n'est plus à faire: le Maki catta / Lemur catta / Ring-tailed Lemur. Cette espèce est emblématique de Madagascar pour bien des gens. On le retrouve dans la partie sud et sud-ouest de l'île, dans des habitats très variés: forêts épineuses, forêts arbustives sèches, forêts décidues ou forêts-galeries. J'ai photographié cette femelle transportant son petit âgé d'environ trois semaines dans le parc de Berenty le 12 octobre 2012.


Le Lémur fauve / Eulemur fulvous / Common Brown Lemur se nourrit de feuilles, de bourgeons, de fleurs et de fruits. Dans le nord-ouest de l'île, dans la région de Ankarafantsika, il mange des grosses cigales lorsque ces dernières émergent du sol pour se reproduire. Dans l'est, on peut l'observer ingurgiter de fleurs d'eucalyptus ou d'aiguilles de pin, comme c'est le cas sur cette photo prise dans le parc national de Mantadia, près de Andasibe, le 27 septembre 2012.




Cependant, de nombreuses espèces de lémuriens sont menacées d'extinction en raison de la perte de leur habitat et de la chasse. Même si les traditions locales aident généralement à protéger les lémuriens et leurs forêts, l'abattage illégal, la pauvreté généralisée et l'instabilité politique empêchent et sapent les efforts de conservation.

..... à suivre....

Si vous voulez voir un rapport complet de mon voyage à Madagascar, cliquez sur ce lien

http://www.ornithoplanete.net/madagascar2012/madagascar2012-index.htm


Sur mon blog, je compte aller plus à fond avec certaines espèces ou certains sujets.

..... à suivre donc....



Bibliographie

Mammals of Madagascar, a complete guide  par Nick Garbutt, 2007. Editeurs: A&C Black Publishers Ltd in UK et Yale University Press in US.  ISBN 978-0-300-12550-4

Madagascar   par Office National du Tourisme de Madagascar, oct. 2007. Éditeurs: Gallimar Loisir. ISBN 978-2-74-242146-6

Wikipedia






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