lundi 21 février 2011

Une mésange pas comme les autres

Le 29 janvier 2011, je reçois un courriel d'une amie qui demeure sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, dans le comté de Lotbinière, m'informant qu'une Mésange charbonnière est présente à une mangeoire près de chez elle. Comme cette personne connaît bien les oiseaux et qu'elle a même déjà observé cette espèce en Europe, je sais que l'identification est juste. Mon sang ne fait qu'un tour et je me propose tout de suite de me rendre à cette mangeoire dès le lendemain matin.

Dès notre arrivée dans le stationnement, le propriétaire entrouvre la porte donnant sur la cuisine et il nous dit que la mésange était là quinze minutes plus tôt, en compagnie de Mésanges à tête noire. Il nous invite à nous installer à l'extérieur, sur son patio arrière, et à attendre le retour des mésanges. Nous nous plaçons alors à l'endroit proposé et nous attendons patiemment. C'est ainsi que Anne et moi nous nous retrouvons en ce beau dimanche matin, vers les 9h00, devant une mangeoire, en bordure du grand fleuve glacé. Heureusement, il ne fait pas très froid, environ -10°C (14°F), et la mangeoire est très prisée par plusieurs espèces différentes dont des Durbecs des sapins, des Geais bleus, des Sizerins flammés et même deux Sizerins blanchâtres. Toute cette activité fait que nous ne voyons pas le temps passé et ce n'est que vers 10h30 que l'oiseau tant désiré se présente à nouveau. Son arrivée est cependant précédée par un "chachachachacha" saccadé qui n'a rien à voir avec les cris émis habituellement par nos mésanges. Et comme parachuté d'un nuage invisible, voilà que la mésange atterrit en face de moi parmi les branches.Quel bel oiseau avec ses couleurs bien tranchées:
  • parties inférieures jaunes
  • une cravate noire s'étire à partir de la gorge de l'oiseau et vient séparer les parties inférieures en deux
  • dos, nuque et scapulaires verts
  • une bande alaire blanche qui tranche le vert du dos et des scapulaires et les plumes de vol grises
  • une joue blanche encerclée de noir



Afin d'étayer ma propre identification, je prends le soin d'apporter ma lunette d'approche qui me permet normalement de faire de la digiscopie. Aux jumelles, nous voyons très bien la mésange, mais elle est très fébrile et elle ne cesse de se promener entre les branches d'un arbuste qui entoure littéralement la mangeoire. Donc, impossible pour moi de prendre des photos potables. Heureusement, Nathalie Gendron, la fille de la propriétaire, me fait parvenir la photo ci avant montrée. Elle a eu la chance de la prendre à partir de la fenêtre de la maison. Je la remercie de m'avoir gracieusement fourni cette très belle photo.

Ce n'est que la troisième fois que cette espèce est officiellement rapportée au Québec. Selon le livre "Liste commentée des oiseaux du Québec" de mon ami Normand David, voici les 2 autres mentions à la page 66:

  1. À Sainte-Catherine (près de Montréal) le 21 octobre 1973
  2. À Montréal du 4 décembre 1985 au 27 janvier 1986 
Après avoir observé notre oiseau, je discute pendant une vingtaine de minutes avec le propriétaire de la maison et il me dit que la Mésange charbonnière est apparue chez lui à la fin octobre / début novembre 2010 et qu'elle y est depuis ce temps. Elle semble en parfaite condition, elle se nourrit bien et elle suit une bande de Mésanges à tête noire. Je remarque qu'elle ne se mêle pas nécessairement aux autres mésanges, préférant garder une certaine distance. Elle est plus rondelette, plus massive et plus grosse que notre mésange américaine. D'ailleurs, elle est aussi la plus grosse des mésanges européennes.

La raison de la présence de cette espèce de l'Ancien Monde dans le Nouveau Monde est assez discutable. Il y aurait matière à passer quelques heures de tergiversation. Est-elle arrivée ici par bateau ? A-t-elle été importée par un voyageur européen nostalgique et désireux de retrouver un peu de son ancienne vie en terre d'Amérique ? S'est-elle échappée de la cage d'un particulier qui se l'était procurée dans un Pet Shop ? Fait-elle partie d'un groupe d'oiseaux qui auraient été relâchés pour en faire une espèce introduite comme ce fut le cas du Moineau domestique ou de l'Étourneau sansonnet ? Une chose est certaine, selon moi, c'est qu'on ne peut "cocher" cet oiseau comme un oiseau sauvage. La Mésange charbonnière n'effectue pas des grandes migrations. C'est une espèce d'oiseau sédentaire qui peut connaître à l'occasion des migrations altitudinales i.e. qu'elle peut nicher en hauteur dans les montagnes et descendre dans les basses-terres pour passer les mois d'hiver. Du moins, c'est ce qu'elle fait en Grande Bretagne. Même que des oiseaux nicheurs dans les terres peuvent se rapprocher des côtes de l'est durant les mois plus froids. On la retrouve à travers toute l'Europe, l'Asie et au nord de l'Afrique. Mes observations personnelles de cette espèce ont eu lieu

  1. Espagne le 13 mai  2001    sous-espèce  major
  2. Amsterdam, Pays Bas, le 28 novembre 2003   sous-espèce  major
  3. Doi Suthep, Thailande,  le 14 novembre 2004  sous-espèce  nubicolus
  4. Doi Inthanon, Thailande, le 20 novembre 2004  sous-espèce  nubicolus
  5. Doi Ang Khan, Thailande, le 22 novembre 2004  sous-espèce  nubicolus
  6. Doi Pui, Thailande, le 23 novembre 2004  sous-espèce  nubicolus
Dans un article paru sur le site Ornithomedia, vous découvrirez des faits étonnants concernant ce très bel oiseau. Voici l'adresse  http://www.ornithomedia.com/magazine/mag_art534_1.htm  .

Il faut toujours être à l'affût des oiseaux qui peuvent se présenter devant nous. On ne sait jamais ce que la belle nature nous réserve comme surprise, jour après jour.




1 commentaire:

le_juv a dit…

Belle découverte que cette Mésange charbonnière. Par contre, l'espèce n'est pas sédentaire sur l'ensemble de son aire de répartition. Et des phénomènes migratoires de plus ou moins grandes importances (comme en 2012)s'observent régulièrement et même chaque année en France... Votre oiseau est très probablement sauvage, mais quant aux modalité de son arrivé ?!