C'est à partir du mois de mars que reviennent progressivement NOS oiseaux migrateurs. La pluie, les écarts de températures marquées entre le jour et la nuit et les rayons de plus en plus ardents du soleil auront bientôt réussi à faire disparaître toute trace de l'hiver. La végétation, atrophiée depuis de longs mois sous un linceul blanc, nous montre sa résilience à travers ces pousses végétales qui surgissent un peu partout autant du sol que des branches des arbres et des arbustes. La sève engourdie par les grands froids se remet à circuler. Le phénomène de la coulée de la sève est étroitement lié à la température de
l’air. Des conditions de gel la nuit suivies de températures plus
élevées pendant le jour sont indispensables. La coulée se déroule en deux
phases : une phase d’absorption, qui a lieu pendant les nuits froides
(au minimum -5oC), et une phase d’exsudation, qui se déroule
lors du réchauffement des températures. La sève est attirée vers le
sommet des arbres lorsque les branches les plus exposées au froid
gèlent. Au moment où la température passe au-dessus du point de
congélation (environ 5oC), la sève redevient liquide et descend par gravité vers le bas de l’arbre.
En résumé, lors du dégel, au printemps, l’érable transforme l’amidon
en sucre. Le sucre se mélange avec l’eau absorbée par les racines de
l’érable et sucre légèrement sa sève. Et voilà arrivé le populaire temps des sucres. Les acériculteurs entaillent les érables afin de recueillir la sève qui sera bouillie à différentes températures pour obtenir tantôt du sirop, tantôt de la tire ou tantôt du sucre d'érable. Un délice incomparable pour les bibittes à sucre que nous sommes tous à au moins un moment donné de notre vie. Mais il n'y a pas que les humains qui profitent de la manne printanière. À la fin avril, une balade dans le secteur de l'érablière au Domaine Joly-De Lotbinière nous permet d'entendre et de voir un oiseau revenu depuis peu de ses quartiers d'hiver situés plus au sud. Il s'agit du Pic maculé / Sphyrapicus varius / Yellow-bellied Sapsucker.
Le mâle du Pic maculé est reconnaissable à sa gorge rouge (la gorge est blanche chez la femelle) et à son plumage plus contrastant que celui de la femelle. |
En fait, nous n'avons pas besoin de l'entendre ni de le voir pour savoir s'il est présent ou non dans un milieu donné. Il laisse des artéfacts ostensibles de son passage sur le tronc des arbres, des artéfacts non seulement permanents, mais qui prennent de l'expansion avec le temps. Il a cette particularité de forer dans le tronc des séries de petits trous qui traversent l'écorce de l'arbre pour atteindre le phloème, ce tissu conducteur de la sève élaborée. Dans un premier temps, ces trous, appelés puits de sève, permettent à l'oiseau d'absorber un liquide hautement nutritif. Ils sont creusés en série et de façon très ordonnée, voire symétrique. Les cicatrices imprimées dans l'écorce s'agrandissent à mesure que
l'arbre grossit. Les petits trous bien ronds à l'origine, s'élargissent,
se déforment et deviennent oblongs avec les années.
Exemple de puits de sèves. Les différentes formes de ces trous nous démontrent les plus anciens (plus grands et oblongs) versus les plus récents (plus petits et bien ronds). |
Aux États-Unis, des études (McAtee, 1926) ont démontré que le Pic maculé peut agir ainsi sur au moins 258 espèces d'arbres, d'arbustes et de vignes. Oui, cette action peut provoquer un affaiblissement ou la mort de certains arbres ou causer des imperfections dans la culture de bois d'œuvre. Mais cette préoccupation est beaucoup moindre au Québec alors que l'oiseau ne passe que la moitié de l'année avec nous. Ces puits ne sève peuvent servir à au moins 32 autres espèces nord-américaines tels les colibris, roitelets, sittelles, parulines, jaseurs et fringillidés. Ces espèces viennent se sustenter de sève, mais également des insectes attirés par le sucre et emprisonnés dans le liquide gluant. Le pic offre également un approvisionnement alimentaire à d'autres oiseaux qui ne peuvent pas ingurgiter de sève. De nombreux insectes sont attirés par le fluide sucré suintant et ils viennent s'en nourrir: papillons, mites, coléoptères, frelons, mouches des fruits et autres mouches. Certains d'entre eux peuvent se rassembler dans les puits de sève ou former des nuages dans l'air autour d'eux, ce qui attire les insectes mangeurs d'insectes ainsi que les oiseaux insectivores que sont les moucherolles, les viréos et certaines parulines.
Une autre particularité de ce pic est sa façon de tambouriner qui est très caractéristique. Alors que les pics réalisent un tambourinement à un rythme régulier, en cascade (toc.toc.toc.toc.toc.), celui du Pic maculé retient plutôt du code morse (toc.toc.toc...toc...toc...toc) et il ralentit à la fin. Le tambourinement est un élément important dans l'établissement d'un territoire de reproduction. En plus d'indiquer sa présence auprès d'une possible partenaire, il indique aux autres mâles qu'il compte bien défendre bec et ongles cette zone particulière. Afin de se faire entendre encore mieux, il va jusqu’à frapper des pièces
en acier pour accentuer la résonance. Les pancartes métalliques, les
garde-fous le long des routes et les tuyaux des cheminées font très bien l’affaire.
@ bientôt.
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