Oh que le printemps tarde à s'installer au Québec en ce mois de mars 2017 ! De longues journées ennuagées, de la neige presque quotidienne et un soleil poussif d'où émane une chaleur mitigée. La chaufferette centrale de notre système solaire ne l'a pas trouvé facile elle non plus, trop de nuages à traverser. Même si nous n'avons pas battu de record de neige, il reste que la couche neigeuse est demeurée, tout au long du mois, très épaisse dans les champs. Tellement épaisse que nous avons cru, Anne et moi, que ça affecterait les troupes de Dindons sauvages au point de voir le cheptel diminuer à cause de la difficulté à trouver de la nourriture. On sait que ces gros phasianidés trouvent leur nourriture en grattant le sol et une couche de neige trop épaisse peut s'avérer un obstacle potentiellement insurmontable. Mais c'était compter sans la capacité d'adaptation des créatures sauvages. Même les espèces les plus spécialistes dans leur alimentation peuvent devenir opportunistes lorsque la nécessité l'oblige. À preuve, ces trois rencontres effectuées en mars et qui démontrent que les dindons n'hésitent pas à s'approcher de l'humain lorsqu'ils n'en ont pas le choix.
À Saint-Apollinaire, deux motoneigistes sont surpris de voir traverser devant eux un bon groupe de dindons. Ils ne s'envolent même pas, ils ne font que hâter le pas. |
Et les voilà qui s'éloignent en se glougloutant les dernières nouvelles. |
L'activité aux postes d'alimentation est réduite au minimum en ce mois de mars. Mais où sont donc tous nos oiseaux ? Alors qu'à l'hiver 2015-2016, les fringillidés étaient partout et en grand nombre, c'est la disette totale pour celui de 2016-2017. Même nos chardonneret, mésange, sittelle et cardinal, fidèles habitués à nous visiter régulièrement, nous ignorent presque totalement. Une visite chez mon mentor ornitho Gabriel Allaire vient me revigorer un peu. Situé dans un cadre plus intimiste que le nôtre, son poste d'alimentation est fréquenté par un magnifique couple de cardinaux. Il est même possible de prendre quelques photos à travers les grandes baies vitrées de la salle à manger.
... de même que sa femelle. Même si le coloris de sa robe est plus modeste, elle n'a pas grand chose à lui envier. |
Arrive enfin le mois d'avril avec ses promesses d'un ensoleillement plus soutenu, qui devrait venir à bout de toute cette neige. Mais malgré les jours qui passent, la chaleur n'est pas au rendez-vous. Il devient vite évident que le printemps sera en retard d'au moins une semaine en 2017. Et ça se vérifie par les dates d'arrivée des espèces migratrices. Historiquement, je vois mes premiers quiscales aux alentours du 15 mars. Cette année, c'est le 2 avril.
Quiscale bronzé / Quiscalus quiscula versicolor / Common Grackle. |
La Perdrix grise / Perdix perdix / Gray Partridge est une espèce grégaire 7 à 8 mois par année alors qu'elle se tient en groupes de 6 à 25 individus comprenant une ou plusieurs familles accompagnées ou non d'oiseaux solitaires. Il faut attendre la mi-avril avant de voir se scinder ces groupes en couples qui s'affairent aussitôt à la reproduction. Le 2 avril, nous rencontrons ce groupe de 5 individus le long d'une route fréquentée à Saint-Apollinaire, dans le comté de Lotbinière.
Et voilà que je repère un couple le 10 avril. Cette fois-ci, je suis dans le rang Petit-village, à Sainte-Croix-de-Lotbinière.
Ce mâle se croit bien à l'abri de tout regard, mais il n'échappe pas à celui du daltonien que je suis. |
Alors que d'aucuns proclament que l'hirondelle fait le printemps, pour moi c'est le cri strident du Pluvier kildir / Charadrius vociferus vociferus / Killdeer qui me le confirme. Dès son arrivée en sol québécois, cet élégant limicole fait remarquer sa présence par son babillage incessant. De nature très peu sociable en période de nidification, il ne tarde pas à se frotter à ses congénères en des confrontations où les courbettes n'ont d'égales que les cris tonitruants qui lui ont sans doute valu son épithète latin de "vociferus". C'est dans le village de Saint-Édouard-de-Lotbinière que, le 9 avril, je capte cette image d'un membre d'un couple déjà à la recherche d'un endroit pour nicher.
Ce même jour, nous nous dirigeons vers Leclercville où je suis certain de trouver une autre espèce phare annonçant le printemps: la Bécasse d'Amérique / Scolopax minor / American Woodcock. Elle arrive habituellement au début d'avril. Lorsque le couvert neigeux laisse place à des bonnes plaques herbeuses ou boueuses, cette espèce entreprend une parade nuptiale assez complexe. Elle le fait juste après le coucher du soleil alors que la nuit reprend ses droits. Elle commence d'abord par émettre au sol un "pîntt" nasillard à un intervalle plus ou moins long selon le degré d'excitation de l'individu. Suit alors une envolée épique où l'oiseau part de biais pour s'élever en ligne droite à une hauteur que j'estime à environ 30 mètres. À l'azimut de sa montée, elle se laisse tomber comme une feuille morte en émettant des sons rappelant une clochette. À environ 10 mètres du sol, elle redevient muette et elle vient se poser sur le sol en émettant aussitôt un "pîntt" bien senti. J'ai noté qu'elle revient souvent se poser près du lieu du lâcher. Encore adolescent, j'ai fait une expérience. Dès que l'oiseau s'est envolé, je suis allé m'étendre au sol, sur le dos afin de voir l'oiseau redescendre. Les yeux bien ouverts, je l'ai vu descendre sur moi pour m'éviter à la dernière seconde. Il s'est posé à moins de 2 mètres de moi. Wow !
C'est dans un boisé de Leclercville que je découvre cette bécasse immobile sur une plaque de végétation. Je suis bien heureux de voir qu'elle est revenue. |
Chemin faisant, une belle rencontre: un petit groupe de Jaseurs boréaux / Bombycilla garrulus pallidiceps / Bohemian Waxwings occupés à s'empiffrer dans un arbre porteur de petits fruits.
Non, il n'y a rien de tendre dans cette pose. Les deux protagonistes ne s'échangent pas un doux et langoureux baiser, mais plutôt luttent pour savoir qui pourra bouffer les fruits juteux. |
Le 10 avril, je suis accompagné par un photographe émérite de Cap Rouge, Simon Théberge. Ce biologiste à la retraite et passionné de photographie vient d'écrire un livre très intéressant et informatif. "Ces animaux qui ne craignent pas l'homme" est édité par les Presses Inter Universitaires et est disponible chez Renaud-Bray. L'auteur nous partage ses plus belles photos et révèle des talents de vulgarisateur scientifique à travers un texte simple et imagé. Ses buts lors de cette sortie réfèrent à deux espèces mythiques pour lui: la Bécasse d'Amérique et la Perdrix grise. Il ne les a jamais vues, encore moins photographiées. Confiant que je peux l'aider dans cette quête, je lui offre cette excursion. Nous sommes bénis et par les oiseaux et par la température qui atteint les 20° C en après-midi.
Et voici immortalisée sa première rencontre avec la bécasse.
Nos recherches s'orientent maintenant vers la Perdrix grise. Je repère les deux premières dans le rang Petit-village à Sainte-Croix et la photo est présentée ci-avant dans ce billet. Un autre couple est aperçu sur le chemin Saint-Jean-Baptiste à Lotbinière. Simon ne fera pas de photos satisfaisantes de cette espèce, mais il l'a au moins observée et il a appris sur son comportement et sur son habitat.
De mon côté, cette sortie me permet de photographier une espèce nouvelle sur ma liste mondiale et québécoise. Un magnifique adulte Autour des palombes / Accipiter gentilis atricapillus / Northern Goshawk vient provoquer tout un émoi parmi les pluviers, tourterelles et autres bestioles emplumées du coin. Il arrive en vol et il se perche dans un arbre à une bonne centaine de mètres nous. Pas la photo du siècle, mais c'est une première pour moi. J'avais déjà observé cette espèce sur cette même route, mais je ne prenais pas de photo à cette époque.
Pour ajouter un côté plus exotique à ce billet, voici la photo d'une espèce encore rarement observée dans la région de Québec, mais qui pourrait bien connaître une augmentation de mentions dans les années qui viennent. Comme dans le cas du cardinal, de la tourterelle et du Troglodyte de Caroline, l'abondance des postes d'alimentation pourrait s'avérer un facteur important. C'est à Neuville, le 9 avril 2017, que nous nous rendons pour observer ce mâle de Pic à ventre roux / Melanerpes carolinus / Red-bellied Woodpecker.
Et autre signe du printemps, l'arrivée de la très belle Sturnelle des prés / Sturnella magna magna / Eastern Meadowlark sonne le glas de l'hiver. Son chant a été interprété par le grand Roger Tory Peterson comme "Spring is here again". Je suis bien d'accord avec lui, c'est bien ce qu'elle me glisse à l'oreille à moi aussi.
Je vous souhaite le plus beau des printemps.
@ bientôt.
Et voici immortalisée sa première rencontre avec la bécasse.
Simon est un guerrier. Il n'hésite aucunement à ramper au sol pour approcher cette bécasse bien installée et figée le long d'un fossé dans le chemin Demers à Bernières. |
Et voici "la bête" que je photographie en m'approchant également très lentement. C'est la première fois que j'ai la chance d'en photographier une sous une lumière aussi parfaite. |
Nos recherches s'orientent maintenant vers la Perdrix grise. Je repère les deux premières dans le rang Petit-village à Sainte-Croix et la photo est présentée ci-avant dans ce billet. Un autre couple est aperçu sur le chemin Saint-Jean-Baptiste à Lotbinière. Simon ne fera pas de photos satisfaisantes de cette espèce, mais il l'a au moins observée et il a appris sur son comportement et sur son habitat.
De mon côté, cette sortie me permet de photographier une espèce nouvelle sur ma liste mondiale et québécoise. Un magnifique adulte Autour des palombes / Accipiter gentilis atricapillus / Northern Goshawk vient provoquer tout un émoi parmi les pluviers, tourterelles et autres bestioles emplumées du coin. Il arrive en vol et il se perche dans un arbre à une bonne centaine de mètres nous. Pas la photo du siècle, mais c'est une première pour moi. J'avais déjà observé cette espèce sur cette même route, mais je ne prenais pas de photo à cette époque.
Autour des palombes / Accipiter gentilis atricapillus / Northern Goshawk. |
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Et autre signe du printemps, l'arrivée de la très belle Sturnelle des prés / Sturnella magna magna / Eastern Meadowlark sonne le glas de l'hiver. Son chant a été interprété par le grand Roger Tory Peterson comme "Spring is here again". Je suis bien d'accord avec lui, c'est bien ce qu'elle me glisse à l'oreille à moi aussi.
Sturnelle des prés / Sturnella magna magna / Eastern Meadowlark. |
Je vous souhaite le plus beau des printemps.
@ bientôt.
3 commentaires:
Beau billet Laval. Il traduit bien ce que nous ressentons en ce printemps hivernal ! :)
Très bel article !! Effectivement, le printemps 2017 ne fut pas facile, mais tu as su réalisé de très belles photos et tu as fait de très belles sorties somme toute.
Un autour de palombe, j'espère en voir un moi aussi, un jour.
Ta photo de bécasse d'Amérique risque de faire beaucoup de jaloux, lumière parfaite, bravo !
Heureusement que les dindons ont supportés la grosse tempête de neige, dans ma région, nous avons reçu 67 cm le 14 et 15 mars, je n'ose imaginer dans la vôtre.
C'est un plaisir de lire tes articles ! Bravo pour tes photos !
Bonjour Monsieur Roy, comme l'a dit ma soeur Diane, votre photo de Bécasse d'Amérique fait au moins un jaloux... moi :) Je tente ma chance depuis plusieurs printemps déjà sans jamais avoir pu en photographier une. Vous semblez être en mesure d'en photographier régulièrement, avez-vous des trucs ou des endroits que vous pourriez me partager pour augmenter mes chances ? Merci beaucoup !
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