Être daltonien et être passionné des oiseaux, c'est un peu comme être unijambiste et être passionné de la course à pied. Comparaison pour le moins un peu "boiteuse", me direz vous ? Je vous le concède volontiers, mais elle démontre bien que le fait de ne pas PERCEVOIR certaines couleurs peut poser quelques fois de sérieux maux de tête. C'est possible de concilier le handicap à la passion, mais disons que ça commande quelques ajustements. Et l'ajustement premier n'est pas de se forcer plus pour voir la couleur. Le premier commentaire entendu maintes fois lorsqu'on s'aperçoit de mon handicap est "Mais tu n'as pas appris tes couleurs quand tu étais enfant ?". Oui, j'ai appris le jaune du soleil, le bleu du ciel, le vert de la végétation, mais pas le rose que je vois gris, peu le rouge que je ne perçois que lorsqu'il est éclatant et exposé à une lumière parfaite. En fait le seul rouge que je vois bien est celui du type "Piranga écarlate": un rouge pétant, flamboyant. Si un mâle de Cardinal rouge se tient à l'écart de la lumière, sans bouger, je ne le vois pas. S'il sort en plein soleil, j'ai des chances de le voir, mais il doit bouger. Comme les fleurs ou les fruits rouges ne bougent habituellement pas, je ne les vois pas. Même lorsque j'inspecte la végétation à la jumelle. Par contre, si on me spécifie qu'il y a des baies rouges dans un arbre fruitier, je les trouve; si on ne me le dit pas, je ne les vois pas. Je perçois très mal les subtilités des feuillages d'automne alors, pour moi, la balade saisonnière pour aller voir les couleurs d'automne n'est pas ma tasse de thé. Donc, pour résumer, toute couleur comprenant du rouge dans sa recette est automatiquement biaisée.
Le daltonisme est une anomalie dans laquelle un ou plusieurs des trois types de cônes de la rétine oculaire, responsables de la perception des couleurs, sont déficients. Dans mes recherches livresques j'ai appris que, basées sur quelques études, il existe des conclusions affirmant que les daltoniens sont plus à même que ceux ayant une vision normale, à percer certains camouflages basés sur la couleur. J'ai souri en lisant cela. Voici une bonne nouvelle qui explique pourquoi j'ai de la facilité à repérer des oiseaux qui ne bougent pas en sous-bois ou dans la faîte des arbres. Je n'ai aucun mérite. Mon oeil balaie la végétation et il s'arrête instantanément dès qu'une forme inhabituelle se présente. Le tout se produit sans que j'aie à y penser. Pour compenser son handicap, mon oeil ne recherche pas la couleur, il recherche la forme discordante dans une végétation parfois très chamboulée elle-même. Je lui fais confiance et il me le rend bien.
Un fait reconnu par monsieur Gros Bon Sens lui-même veut qu'une personne handicapée tend, et tout à fait naturellement, à compenser son handicap en développant d'autres capacités qui amoindriront les effets négatifs créés par cet handicap. Si on ne peut se reposer seulement sur la couleur pour espérer identifier nos oiseaux, que faire ?
Facile. On peut dire de la personne à la peau la plus pâle qu'elle est extrêmement colorée !!! Bizarre. Voilà qu'on attribue la couleur à ce qui n'est pas coloré !!! Pas si bizarre que ça en fin de compte. La couleur peut également être attribuée à d'autres choses que ce que nos yeux communiquent à notre cerveau. On ne parle plus de couleur, mais plutôt de personnalité, de comportement, de morphologie et d'aptitude. Voilà que la couleur devient accessible à celui qui ne la perçoit pas correctement. La couleur n'est donc pas seulement couleur, elle peut également être attribuée à autre chose... la couleur des choses.
@ bientôt,
3 commentaires:
Très intéressantes vos réflexions sur les différentes façon que nous avons de "voir" ce que nous voulons observer. Nous avons chacun des manières d'utiliser nos points forts et nos points faibles et souvent avec mon mari nous sommes complémentaires.
Bravo pour l'engoulevent, les oiseaux au plumage cryptique qui sont si difficiles à voir.
C'est la même chose pour percevoir les insectes dissimulés dans la végétation. Une longue habitude permet à l'œil de détecter des détails peu perceptibles par ailleurs.
C'est la résultante de l'apprentissage qui complète et développe les aptitude naturelles.
Bonne fin de semaine à vous!
Bonjour Laval,
Très intéressant ton billet qui m'a rappelé une anecdote. Le printemps dernier, Roch et moi sommes allés passer une semaine à l'Île Amherst, joyeux contraste après une semaine dans une mer de monde à Pointe-Pelée ! Il y a un petit boisé où nous sommes allés à quelques reprises. À chaque fois, nous entendions les petites Rainettes versicolores qui étaient fort vocales. Je rêvais d'en voir une mais le hic, c'est qu'à l'instar du caméléon, elles se dissimulent tellement bien dans leur environnement que je n'y arrivais pas.
Un matin, nous avons fait la rencontre d'un papa et de sa mignonne petite fille (2 des 3 personnes rencontrés dans ce boisé cette semaine-là). Nous avons jasé un peu et, tout à coup, le papa demande à la petite fille : "Est-ce qu'on lui montre à Suzanne la belle petite grenouille ?" Et là, il m'a montré une Rainette qui était à quelques pieds de mon nez !! Je lui ai dit : "Si tu savais à quel point j'ai pu les chercher" ! Et lui de me répondre : "Étant daltonien, c'est beaucoup plus facile pour moi car je distingue les formes inhabituelles !"
Voici la belle : http://www.pbase.com/licornette/image/156108505
Merci pour tes billets toujours tellement intéressants.
Suzanne
Hello Laval!
Très intéressant ton article sur ce problème!
J'ai appris plein de choses! Par contre, étant issue d'une famille de chasseurs, heureusement moi c'est le matos photo qui remplace le fusil!!!, j'ai aussi appris à repérer l’inhabituel dans l'environnement naturel.
C'est vrai que l'engoulevent en est un parfait exemple :)
"Don't be a stranger", bizzzz et à bientôt ;-)
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