La forêt boréale est la zone forestière la plus septentrionale et la plus froide de l'hémisphère Nord. Elle forme, du nord au sud, une ceinture continue de 1000 km de largeur qui s'étend en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Il s'agit de la plus vaste zone de végétation du Canada, et elle couvre de grandes étendues dans chacune des provinces et territoires. Au Canada, la forêt boréale et ses boisés sont généralement peuplés de conifères, dont l'épinette noire, l'épinette blanche, le pin gris, le pin de Murray et le sapin baumier, et de mélèzes ou d'essences à petites feuilles caduques, comme le bouleau, le tremble et le peuplier baumier.*
Au cours de mes balades en forêt boréale québécoise, j'ai eu l'occasion de rencontrer, en plus des oiseaux, des animaux fascinants pour lesquels j'éprouve le plus grand des respects. On a beau dire que tous ces animaux sont bien équipés pour faire face à la rigueur de la température très changeante en forêt boréale, je ne peux tout de même m'empêcher de penser à tout ce qu'ils doivent endurer pour survivre et se reproduire. L'adulte de l'Élan d'Amérique ou Orignal (Alces alces) peut perdre 15 à 17 % de son poids net chaque hiver, voire plus lors d’hivers difficiles.***
La saison froide dure très longtemps comparativement à celle vécue aux alentours du 49ième parallèle.Au début juin, il n'est pas rare que la gelée couvre le sol avant le lever du jour. Les nuits peuvent être de froides à très froides, la température pouvant descendre en bas du point de congélation. Dès que les rayons du soleil apportent une chaleur réconfortante, ce sont les insectes piqueurs qui apparaissent. D'abord les maringouins (culicidés), puis les mouches noires (simulies), les mouches à chevreuil (tabanidés) et les brûlots (cératopogonidés). Il faut passer toute la journée (et quelques fois, une partie de la nuit) en compagnie de ces insectes pour mesurer tout le stress qu'ils peuvent occasionner aux êtres vivants qui les entourent.
Les moustiques piqueurs sortent surtout au coucher et au lever du soleil, lorsque les vents sont faibles, la température chaude et le niveau d’humidité élevé. Les principaux facteurs susceptibles de les exciter sont le mouvement, la chaleur que nous dégageons, les vêtements sombres, les odeurs corporelles et le gaz carbonique que nous produisons.**
Si j'étais un Orignal ou un Ours noir, je commencerais à m'inquiéter, car je correspondrais assez bien au portrait ci-avant décrit. Il est donc peu surprenant de constater que les orignaux et les ours circulent tôt le matin en bordure des chemins forestiers. Ces endroits plus ouverts sont pour eux une façon de fuir les insectes indésirables.
Un Orignal mâle quitte la route et regagne la végétation dense dès qu'il m'aperçoit. |
Les mâles pèsent entre 500 kg et 700 kg, et les femelles pèsent entre 350 kg et 580 kg. Les petits pèsent environ 15 kg à la naissance mais grandissent rapidement. La hauteur à l’épaule peut dépasser deux mètres. Seuls les mâles possèdent des bois, qui peuvent dépasser 1,60 m de largeur et 20 kg ; ils sont larges et plats avec de petites pointes. Un élan découvert en Alaska en 1897 détient le record du plus grand cervidé connu : ce mâle atteignait 2,34 m à l’épaule, pour 816 kg. L’envergure de sa ramure était de 1,99 m.
Malgré sa taille imposante et ses déplacements fréquents, il est très difficile à localiser. Sa vue n'est pas bonne, mais il peut compter sur son ouïe et son odorat pour repérer des sources de danger. L’Orignal supporte très bien le froid, mais souffre de la chaleur. Durant l’été, surtout en pleine saison des moustiques, il peut passer plusieurs heures par jour dans l’eau. L’Orignal est très à l’aise dans l’eau. Il plonge parfois à 5,5 m ou plus pour extirper des plantes au fond d’un lac ou d’un étang, et il peut nager sur 19 km. De tous les cervidés nord-américains, seul le Caribou / Rangifer tarandus caribou / Caribou est un nageur plus puissant. Très tôt, le petit de l'Orignal est capable de suivre sa mère à la nage sur une grande distance, posant à l’occasion son museau sur le dos maternel pour y prendre appui.
Une belle surprise pour moi a été mes quelques rencontres avec ce chat surdimensionné qu'est le Lynx du Canada / Lynx canadensis / Canada Lynx. Nos ancêtres l'ont affublé du surnom de Loup-cervier. Comme le loup n'a jamais eu bonne presse auprès des hommes, il est fort à parier que sa présence n'était pas souhaitée et appréciée près des habitations humaines.
Ma première rencontre a lieu le 14 juin 2011 au nord de la réserve atikamekw d'Obedjiwan (au nord du réservoir Gouin en Haute Mauricie). J'en suis à ma deuxième participation à l'Atlas des Oiseaux Nicheurs du Québec et mon coéquipier est François Gagnon. Alors que ce dernier monte sa tente près d'un cours d'eau, je décide de m'éloigner et de me diriger vers un barrage de castors. Caméra en bandoulière, je tiens à profiter de toutes les occasions données afin de capter des images de cette belle nature. Après un quart d'heure, je décide de retourner vers le site de camping quand un gros chat sort de la végétation devant moi et il commence à marcher lentement dans la même direction que moi. Il est bien clair qu'il ne m'a jamais vu, ni senti car une légère brise caresse mon visage, indiquant un vent de face. Je suis tellement surpris par cette apparition que j'en oublie de vérifier les ajustements de ma caméra. Dès les premiers clics de la caméra, le félin s'arrête, pivote sur 270° et il me jette un regard au-dessus de son épaule droite. Il semble tout aussi surpris que moi. Il reste sur place à peine une couple de secondes et il s'enfonce dans la végétation... pour sortir à quelques mètres seulement de François et de sa tente. Et j'entends aussitôt François crier "Laval, viens vite, il y a un lynx juste devant moi". "Je sais", lui dis-je, "c'est moi qui te l'ai envoyé". Voici la piètre photo qui a résulté de mon manque de sang-froid.
Par la suite, j'ai expérimenté cinq autres rencontres avec ce bel animal. Alors que pour quatre d'entre elles, l'animal était loin et trop peureux pour s'approcher, ma rencontre de l'an passé restera gravée à jamais dans ma mémoire.Ma première rencontre a lieu le 14 juin 2011 au nord de la réserve atikamekw d'Obedjiwan (au nord du réservoir Gouin en Haute Mauricie). J'en suis à ma deuxième participation à l'Atlas des Oiseaux Nicheurs du Québec et mon coéquipier est François Gagnon. Alors que ce dernier monte sa tente près d'un cours d'eau, je décide de m'éloigner et de me diriger vers un barrage de castors. Caméra en bandoulière, je tiens à profiter de toutes les occasions données afin de capter des images de cette belle nature. Après un quart d'heure, je décide de retourner vers le site de camping quand un gros chat sort de la végétation devant moi et il commence à marcher lentement dans la même direction que moi. Il est bien clair qu'il ne m'a jamais vu, ni senti car une légère brise caresse mon visage, indiquant un vent de face. Je suis tellement surpris par cette apparition que j'en oublie de vérifier les ajustements de ma caméra. Dès les premiers clics de la caméra, le félin s'arrête, pivote sur 270° et il me jette un regard au-dessus de son épaule droite. Il semble tout aussi surpris que moi. Il reste sur place à peine une couple de secondes et il s'enfonce dans la végétation... pour sortir à quelques mètres seulement de François et de sa tente. Et j'entends aussitôt François crier "Laval, viens vite, il y a un lynx juste devant moi". "Je sais", lui dis-je, "c'est moi qui te l'ai envoyé". Voici la piètre photo qui a résulté de mon manque de sang-froid.
On est le 10 juillet 2012 dans la parcelle 17PQ67, en Abitibi. Je suis occupé à observer un Viréo à tête bleue très en voix et également très agité (un beau code A), lorsque je tourne la tête et j'aperçois un lynx en plein milieu du sentier à environ cinquante mètres de distance. Il est arrêté et il me fixe. Je me dis qu'il a dû être attiré par l'agitation du viréonidé et qu'il vient constater la raison du brouhaha. Je me dirige vers le camion afin de saisir ma caméra. Je vais lentement, car je ne veux pas faire fuir l'animal. Il ne bouge pas. Je m'installe à l'extérieur du 4X4, accoté sur la porte du côté passager, la lentille de mon appareil bien appuyée sur le miroir du véhicule. Je ne bouge pas d'un poil et j'attends. Je prends des clichés de loin, car je suis certain que le lynx va faire comme d'habitude et qu'il va s'enfuir. Mais non, il me regarde et il se dirige vers moi très lentement.
Il est maintenant à vingt cinq mètres et il s'assied sans arrêter de me fixer. Il est tout à fait semblable à mon chat Phébi dont il partage la robe, les rayures et la même indifférence dans le regard. Ah ! ces félidés !
Remarquer la grosseur de ses "pantoufles". |
Et voici maintenant la proie préférée de notre ami le lynx: le Lièvre d'Amérique / Lepus americanus / Snowshoe Hare.
Photo prise le 9 juillet 2012 dans la parcelle 17PQ75 en Abitibi. |
Il est également une proie très recherchée par l'Aigle royal / Aquila chrysaetos, le Grand-duc d'Amérique / Bubo virginianus et l'Autour / Accipiter gentilis. Le Renard roux / Vulpes vulpes, le Coyote / Canis latrans et le Loup gris / Canis lupus sont également de bons consommateurs. Avec autant de prédateurs, il n'est pas surprenant de constater l'abondance de ce léporidé.
Le Lièvre d’Amérique est l’un des herbivores dominants et
une importante espèce-proie de la forêt boréale; à ce titre, il contribue à la
diversité de cet écosystème. Puisqu’ils servent souvent de proie, les lièvres sont essentiels au maintien du réseau alimentaire de nos forêts. En
fait, des recherches menées au Yukon ont montré que cet animal
pourrait être une espèce clé ou centrale. L’exploitation forestière, les
incendies de forêt, la conversion de l’habitat et le réchauffement de la
planète modifient la répartition et la qualité des habitats forestiers. Le
cycle de 10 ans du Lièvre d’Amérique et de ses prédateurs est un modèle unique,
dominant et à grande portée dans les forêts canadiennes, et nous ne savons pas
jusqu’à quel point la modification de l’habitat influera sur ce modèle.****
Une autre belle rencontre, et toujours surprenante, est celle faite avec un animal unique sous de multiples facettes: le Porc-épic d'Amérique du nord /Erethizon dorsatum / North American Porcupine. Comme l'Ours noir, il est plantigrade i.e. qu'il marche avec la plante du pied fermement posée sur le sol. Ce qui lui donne une démarche lourdaude et hésitante. Myope et très lent dans ses déplacements, il décampe, allant même jusqu'à galoper très maladroitement, dès qu'il s'aperçoit d'un danger potentiel.
Le Porc-épic se nourrit de végétation (feuilles, brindilles, écorces) et il n'est pas rare de le surprendre bien installé dans un feuillu. On peut alors l'approcher sans problème. |
La chair de cet animal peut être manger crue, ce qui le rend très utile pour une personne qui serait perdue en forêt, sans nourriture et sans possibilité de se faire un feu. Comme pour bien d'autres animaux, il suffit de le frapper fermement sur le museau pour le tuer.
Un autre rongeur beaucoup plus commun que le porc-épic est le Castor du Canada / Castor canadensis / North American Beaver. Même s'il fait rager des gens qui, comme nous les Atlaseurs, doivent emprunter des chemins forestiers trop souvent endommagés ou littéralement mis hors d'usage par leurs barrages, il faut rendre à César ce qui revient à César. Les castors jouent un rôle très important en forêt, car ils aident à maintenir une plus grande biodiversité en créant des milieux humides qui attirent des espèces animales et végétales qui y sont inféodées. À chaque jour, cette évidence nous sautait au visage et nous faisions de longues haltes dans ces habitats.
Je n'ai croisé la Mouffette rayée / Mephitis mephitis / Striped Skunk qu'à deux reprises en quatre ans. On peut expliquer cet état de fait par ses habitudes de vie nocturne. Ce mustélidé vit aussi bien dans les zones boisées que dans les terres cultivées ou les zones urbaines. La présence de la Mouffette rayée est souvent dévoilée par son odeur caractéristique. Les glandes anales sont bien développées et peuvent projeter une sorte de musc d'une odeur
nauséabonde et tenace lorsque la mouffette se sent menacée. Elle est
capable de projeter son musc à près de 6 m de distance. La mouffette est connue sous le nom de bête puante par les francophones du Canada.*****
Pour finir ce billet, voici maintenant un petit acrobate roux présent en forêt boréale: l'Écureuil roux d'Amérique / Tamiasciurus hudsonicus / American Red Squirrel. Ce petit rongeur mue deux fois par année. En été, ses flancs ainsi que son dos prennent une teinte olive foncée et sont séparés de sa gorge ainsi que de son ventre de couleur blanche, par un mince trait noir. Sa tête, son postérieur et ses pattes sont colorés de divers tons de brun. En hiver, la couleur fauve de la queue atteint le dos et les traits noirs disparaissent. La tête, le postérieur et les pattes prennent des teintes plus pâles allant du brun très clair au marron. Le ventre se colore d'une teinte grise argentée.******
Sa nourriture préférée sont les cônes et elle y trouve son compte en forêt boréale. La grandeur du territoire d'un Écureuil roux est de 0.75 hectare. Un hectare équivaut à un quadrilatère de 100 m X 100 m (10 000 m²). Il est bruyant, peu sociable et très territoriale. Dès que nous pénétrons à l'intérieur des limites de son territoire, il nous le fait savoir en émettant des "chips chips" nerveux et insistants. À l'instar du lièvre, l'écureuil semble avoir été mis sur la terre pour servir de nourriture aux autres. Ses principaux prédateurs ailés sont l'Épervier brun / Accipiter striatus, l'Autour / Accipiter gentilis et la Crécerelle d'Amérique / Falco sparverius. Du côté mammifères, ce sont la Martre / Martes americana, le Vison d'Amérique / Neovison vison, le Lynx d'Amérique / Lynx canadensis et le Lynx roux / Lynx rufus.
J'ai également eu l'occasion de croiser deux fois un Loup gris, le Renard roux à plusieurs reprises et quelques Visons d'Amérique. Mais le tout s'est fait tellement vite que je n'ai pu prendre de photos.
J'espère profiter de la cinquième saison de l'Atlas des Oiseaux Nicheurs du Québec pour remédier à ces manques.
À bientôt.
.Bibliographie consultée
* http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/foret-boreale
** http://synapse.uqac.ca/2011/face-aux-moustiques-soyez-fine-mouche/
*** http://www.hww.ca/fr/especes/mammiferes/l-orignal.html
**** http://www.hww.ca/fr/especes/mammiferes/le-lievre-d-amerique.html
***** http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouffette_ray%C3%A9e
****** http://educ.csmv.qc.ca/mgrparent/vieanimale/mam/ecureuilroux/ecureuilroux.htm
2 commentaires:
Hello Laval!
Mais est-ce possible d'avoir une telle chance!!
Comme je dis toujours, pour en bénéficier il faut multiplier les sorties et visiblement, ça tu sais faire!! LOL!
Un lynx! et qui vient vers toi en plus! Que dire?! Ces photos sont extraordinaires!
Et la Mouffette que je n'ai jamais vue "en vrai"!!
Bravo pour ce reportage de toute beauté, tu nous montreras la vidéo quand elle sera prête?
Biiizz et bonne continuation!
Quel récit de toutes ces rencontres. Nous avons eu la chance au Canada de passer un moment avec un jeune orignal . Nous avons ainsi pu admirer son élégance avec ses longues jambes qui lui permettent de se déplacer dans la neige. J'ai aussi été très surprise de voir le porc épic dans un arbre.
Bien sûr le lynx fait rêver, ils ont quasiment disparus chez nous. Merci pour ce beau voyage!
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