mardi 15 mai 2012

Un printemps québécois différent

Oui, je sais, vu tout le brasse camarade qui se passe présentement au Québec avec les contestations étudiantes et leurs carrés rouges, verts ou blancs, le titre de ce billet peut mener à une certaine confusion... et c'est voulu. Le printemps au Québec en 2012 est tout à fait spécial à plus d'un niveau. Pendant que des groupes marginaux d'étudiants, menés par des motifs fallacieux, concourent à donner au Québec un air de société en pleine crise, les oiseaux allègent l'atmosphère en revenant des pays chauds avec quelques jours en avance sur les dates des années antérieures. Et, si vous le permettez, je vais m'attarder davantage sur le phénomène ornithologique. Une température anormalement clémente en mars a provoqué l'arrivée hâtive de plusieurs espèces migratrices. En fait, c'est même avec une à deux semaines d'avance que les premiers migrateurs ont atteint nos latitudes. Pour plusieurs personnes, la raison évoquée pour expliquer ce phénomène a pour cause le "réchauffement climatique", mais je ne partage pas cet avis. Je trouve que ce soit disant "réchauffement climatique" a les épaules bien larges par les temps qui courent et qu'on lui attribue tous les maux. Ne possédant pas la vérité absolue pour tout expliquer, je crois cependant plus aux cycles qui régissent toute la nature. On n'a qu'à penser à la succession des saisons, au jour et à la nuit, aux phases de la lune, à la trajectoire des astres, aux cycles d'abondance de différentes populations d'animaux... Quand vous vous endormez la nuit, doutez-vous une seconde que le soleil se pointera ou non à l'horizon le lendemain matin ? Des printemps hâtifs, les humains en ont connus, tout comme pour les printemps tardifs. Le problème est que nous ne possédons pas toujours les statistiques qui permettraient de tout prévoir.
De la même façon qu'une température clémente en novembre 2011 a permis à des milliers de Merles d'Amérique de retarder leur départ vers leur aire de distribution hivernale, les mêmes conditions climatiques vécues en mars 2012 ont permis un retour hâtif chez les populations d'oiseaux hivernants aux États-Unis, pas très loin au sud du Québec si on les compare avec celles se rendant jusqu'en Amérique du Sud. Les oiseaux sont des opportunistes et ils doivent l'être s'ils veulent survivre. La période de nidification n'est pas très longue sous nos latitudes nordiques et les oiseaux vont profiter de chacune des journées additionnelles octroyées par une température avantageuse.

Ces temps-ci, comme je n'ai malheureusement pas le temps d'écrire des billets trop documentés, je vais me contenter de partager avec vous des belles rencontres faites dans les derniers mois.


Le 19 avril, un Canard noir au Domaine de Maizerets, ville de Québec. À cause du haut taux d'hybridation avec le Canard Colvert, l'avenir de cette espèce ne serait pas assurée si l'on se fie aux avis de nombreux ornithologues professionnels et des taxonomistes de renom. L'observation d'un individu de "race pure" deviendra peut-être rare dans quelques décennies.

Le 6 mai, un Canard colvert mâle à l'Île des Soeurs, ville de Montréal.  Cette espèce est beaucoup plus nombreuse que le Canard noir et elle s'hybride facilement avec ce dernier.


Le 19 avril, un Quiscale bronzé mâle au Domaine de  Maizerets, ville de Québec. Cet individu n'hésite pas à ébouriffer son plumage afin de convaincre toute femelle présente qu'il est le "macho" des lieux.

Le 19 avril, un Pic maculé femelle au Domaine de Maizerets, ville de Québec. Les trous alignés sur le tronc montrent bien pourquoi son nom anglais est  le Yellow-bellied Sapsucker. Il perfore une série de trous dans l'écorce de l'arbre d'où  la sève suinte peu après. Non seulement sappe-t-il la sève qui s'écoule, mais il peut ingurgiter les insectes qui, attirés par l'odeur du liquide, viennent s'y coller et ne peuvent échapper à leur destin tragique. De plus, le Colibri à gorge rubis, le seul colibri rencontré au Québec, aime bien à l'occasion venir se sustenter de cette même sêve et des insectes retenus prisonniers.

Le 19 avril, un Carouge à épaulette mâle au Domaine de Maizerets, ville de Québec. Cet ictéridé est très commun au Québec et il est reconnu pour son agressivité lorsque vient le temps de défendre son territoire. Il n'hésitera jamais à foncer sur l'individu qui envahit son territoire. Des agressions envers des humains sont rapportées sporadiquement mais, considérant la taille de l'oiseau, n'ont rien à voir avec celles du Cassican flûteur d'Australie.


Le 19 avril, une Grive solitaire au Domaine de Maizerets, ville de Québec. Cette grive est toujours la première des six espèces de cette famille observables au Québec à revenir sous nos latitudes le printemps venu. 



Le 13 mai, une Grive à dos olive à la Base de Plein Air de Sainte-Foy, Québec. Voici la deuxième espèce qui suit habituellement la Grive solitaire de quelques semaines.


Le 13 mai, un Moqueur roux à Pont Rouge.


Le 13 mai, un Merlebleu de l'est mâle à Pont Rouge. Le merlebleu n'a jamais été très commun au Québec. Il a connu sa part de problèmes lorsque les terres agricoles ont été grandement modifiées au cours du dernier siècle. Les piquets de cèdre, endroits privilégiés pour établir leur nichée, ont été enlevés et l'oiseau s'est retrouvé devant un manque d'endroits propices à la nidification. Heureusement, des cabanes spécialement adaptées à leurs exigences ont été installées sur des "routes de merlebleu" et cette initiative a connu un succès inespéré. La population du merlebleu est en hausse au Québec, à notre plus grand contentement.


Le 13 mai, une Sturnelle des prés mâle à Neuville. Au cours des dernières trente années, cette espèce a connu une baisse drastique de sa population. La cause principale du déclin se situe au niveau des techniques de récolte du foin qui a changé énormément durant ces années. Alors qu'autrefois on ne coupait le foin qu'une fois par été, maintenant ce sont deux coupes qui se font, détruisant une grande majorité des nichées en cours. Le Goglu des prés et la Maubèche des champs ont également écopé de ces méthodes nouvelles.


Le 12 mai, une Oie des neiges au Cap Tourmente. Au milieu du XXième siècle, la population de l'Oie des neiges au Québec était évaluée à 200 000 individus. Aujourd'hui, la population mondiale est estimée à 7 600 000 individus et n'est pas menacée. La population de passage au Québec était estimée en 2009 à 1 428 000 individus, et en forte progression. La coloration rousse sur la tête et la base du cou provient du fer contenu dans le sol où les oies se nourrissent des racines du Scirpe d'Amérique, sa plante préférée.


Le 5 mai, un couple d'Hirondelles bicolores à Baie-du-Febvre. On peut facilement différencier les sexes selon leur plumage. À condition cependant que la femelle soit âgée de moins de 2 ans. La première année, elle arbore un plumage brun alors que la deuxième année, elle porte le même manteau que le mâle.


Le 6 mai, un Râle de Virginie à l'Île des Soeurs, Montréal. Selon le spécialiste de ce secteur, Pierre Bannon, ça faisait quelques années que cette espèce n'avait pas été observée en ces lieux. Une belle redécouverte, mais y nichera-t-il en 2012 ?
Le 12 mai, un Moqueur polyglotte au Cap Tourmente. Cette espèce est répertoriée à tous les ans au Québec, mais en nombre plutôt restreint. L'année 2012 semble propice puisque plusieurs individus ont été rapportés au cours des derniers jours, dans diverses régions.  Le 13 mai, j'ai même observé et photographié un autre individu à la Base de Plein Air de Sainte-Foy.


Les premières vagues de parulines sont arrivées et le meilleur est à venir dans les jours qui viennent. Le printemps est vite passé et il faut profiter de toutes les occasions pour observer cette belle nature.

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