mardi 20 mars 2012

Petite Nyctale / Aegolius acadicus



J'ai toujours eu un penchant marqué pour les hiboux et les chouettes. Comme ce sont des êtres qui vivent habituellement à l'envers de nous, i.e. qu'ils s'activent la nuit alors que pour nous c'est le jour, c'est toujours spécial de tomber nez à bec avec cet être énigmatique. Et le regard intense qu'ils nous lancent ne nous laisse jamais indifférent et il peut même nous faire passer par diverses émotions selon la grosseur du rapace nocturne. Ce regard peut être comique (dans le cas des nyctales et des chevêchettes), intriguant (dans le cas des hiboux et des chouettes de taille moyenne) ou littéralement inquiétant (dans le cas du Grand-duc d'Amérique). En fait, quand un Grand-duc nous fixe avec ses grands yeux jaunes, nous avons l'impression qu'il voit à travers de nous, tellement son regard est perçant et profond. Je suis bien content, à ce moment-là, de ne pas avoir la taille d'un Lièvre d'Amérique, sa proie préférée.

Contrairement à l'idée largement répandue, il peut arriver que les hiboux vocalisent le jour. Et c'est toujours un beau cadeau que le strigidé nous fait, car il est habituellement très difficile à localiser lorsque nous devons compter seulement sur la vue. Son plumage cryptique, son comportement léthargique en plein jour et son habitude d'adopter un dortoir situé dans un feuillu ou un conifère fournis, concourent à lui assurer une bonne retraite en plein jour.

Je finis mon dernier billet en parlant d'un essai manqué à la Base de Plein Air de Sainte-Foy alors que je reviens à la maison bredouille, n'ayant pas réussi à trouver la Petite Nyctale / Aegolius acadicus / Northern Saw-whet Owl tant souhaitée. Ce strigidé est la plus petite chouette observable au Québec. De moeurs plutôt nocturnes, il faut souvent compter sur la chance pour croiser ce rapace petit format en plein jour. Le meilleur temps pour le faire est en début de printemps (mars-avril) alors que l'oiseau est actif vocalement pour revendiquer un territoire et attirer une femelle. La nyctale devient assez agressive lorsqu'on fait la repasse de son chant et elle est alors facile à attirer (surtout durant la période de nidification). Il semble que le printemps 2012 en soit un très hâtif, d'environ deux semaines sur les dates d'arrivée colligées depuis quelques décennies. Depuis environ une semaine, plusieurs ornithologues amateurs ou professionnels font des sorties nocturnes afin de documenter la présence des hiboux à travers la province de Québec, au sud du 50ième parallèle. Cette activité se fait dans le cadre de l'Atlas des oiseaux nicheurs du Québec.

Des échanges tout à fait intéressants ont eu lieu dernièrement sur le forum de discussion de cette organisation sur les différentes techniques rattachées à l'activité d'écoute. Louis Imbeau, un biologiste établi en Abitibi, nous a transmis cette information que je me fais un grand plaisir de transmettre via ce billet.

"Les nyctales sont véritablement des oiseaux nomades qui recherchent les sites avec une abondance de rongeurs. Il n’y a aucune fidélité au site de nidification dans le cas de la Petite Nyctale. En Ontario, le nombre de mâles chanteurs Petites Nyctales est bien corrélé à l’abondance de petits mammifères, selon une publication scientifique récente.  L’abondance de couples dans des réseaux de nichoirs varie annuellement de façon importante, et tout indique que les adultes se déplacent et nichent d’une année à l’autre là où les rongeurs sont abondants. Il semble que 2012 soit une bonne année dans les Laurentides, nous avons eu une année exceptionnelle en Abitibi en 2006 pour cette espèce. Profitez-en pendant que ça passe! Quand les mâles seront appariés et que la ponte sera terminée, vos sorties redeviendront beaucoup plus calmes. Le « pic » de chant s’étale sur 2-3 semaines uniquement."

Personnellement, je ne savais pas que les nyctales pouvaient être nomades. Et peut-être que certains individus adoptent un territoire où la compétition est moins forte et où les proies sont en nombre suffisant pour assurer la survie. Je connais un endroit, situé à une soixantaine de kilomètres de chez moi, où l'espèce est présente depuis une bonne décennie. Et, c'est le samedi 17 mars que je décide de m'y rendre avec Anne. Nous arrivons sur les lieux vers 14h30, sous un soleil radieux et une température avoisinant les 8°C. J'émets son sifflement qui consiste en deux notes assez graves.

Je répète l'exercice de 6 à 8 fois, en gardant une couple de minutes entre les séances qui ne durent pas plus d'une dizaine de secondes chacune. Et voilà que la nyctale répond. Je me tais et nous nous approchons du lieu de provenance du son. Mais elle devient muette lorsque nous parvenons à proximité. Alors que je commence à désespérer vraiment, la voilà qui recommence son monologue tout près. Je continue à siffler et je perçois du coin de l'oeil le mouvement d'un oiseau de petite taille qui arrive en vol, mais je ne sais pas exactement où il s'est perché. La nyctale nous confirme son identité vocalement. Mais, malgré nos efforts, impossible de la repérer. Elle finit par s'envoler en passant au-dessus de nous et elle traverse la route.

Je siffle encore quelques fois et elle finit pas se percher de façon à ce qu'on la voit. Le temps de prendre quelques photos et nous la laissons en paix. Ce n'est pas la première fois que je fais réagir une nyctale en plein jour. La dernière fois où je l'avais fait, il était 12h30 et le soleil était tout aussi présent.







La chouette lilliputienne a su encore gagner mon coeur et c'est toujours aussi motivant de voir que, malgré toutes les détériorations d'habitat (l'habitat actuel où CETTE nyctale vit s'est dégradé au cours de la dernière décennie), elle continue à survivre en jouant son rôle si important dans la niche écologique où elle évolue.

En terminant, une autre belle rencontre dans un boisé adjacent:



Oui, cette Bécasse d'Amérique / Scolopax minor est elle aussi en avance de deux semaines sur les dates d'arrivée historiques.

Le meilleur s'en vient !!! 

2 commentaires:

Noushka a dit…

Bravo!
Quels sujets splendides et ps si faciles à photographier!
J'aimerais en faire autant! :)
Mes amitiés!

Sophie Labelle a dit…

Superbes ! Deux oiseaux que je n'ai pas encore eu la chance d'observer. Je suis aussi fascinée par les hiboux et les chouettes, mais je n'ai qu'une chouette rayée et la nyctale de Tengmalm à mon actif. Le tout grâce à un groupe d'ornithologues amateurs pour le premier, et le 2e, un attroupement de photographes. Comme la nyctale dormait bien profondément, je n'ai en fait vu qu'une gros tas de plumes bien endormi... Tout de même, je sais que j'ai été bien chanceuse. J'aime aussi beaucoup les limicoles que j'appelle affectueusement "bibittes à pattes", de par leurs pattes fines et leurs habitudes à trotter rapidement d'un endroit à l'autre. ;)