vendredi 18 février 2011

Un nid actif de Harpie féroce trouvé au Bélize

Une nouvelle renversante glannée sur le site Science Daily en date du 16 février 2011. Le Harpie féroce (Harpy Eagle/ Harpia Harpyja) est considéré comme le plus gros prédateur en Amérique. Il pèse jusqu'à 9.1 kilos (20 livres) et son envergure d'ailes atteint 2.1 mètres (7 pieds). Il se nourrit principalement de singes et de paresseux. Jamie Rotenberg, un professeur en études environnementales de l'UNC Wilmington, et des chercheurs de la Belize Foundation for Research and Environmental Education (BFREE) étudient ce qui est considéré comme le premier nid actif de harpie ayant jamais été découvert au Bélize, où ce grand rapace était prétendu éteint. En effet, à cause de la déforestation et de la chasse, le Harpie féroce est absent de la plupart des forêts tropicales américaines, où il était historiquement présent. Sur la liste rouge de l'IUCN (International Union for Conservation of Nature), il est désigné "quasi vulnérable" pour sa population mondiale et "en danger critique d'extinction" pour le Bélize.

Les deux adultes et "l'oisillon" de 5 semaines ont été découverts en Novembre 2010, alors que des chercheurs Béliziens patrouillaient dans la Bladen Nature Reserve, située dans les Mayan Mountains du Bélize. Cette région est éloignée et difficile d'accès, mais les scientifiques en ont fait leur terrain d'étude depuis qu'un adulte y a été observé en 2005.

Les chercheurs ne peuvent pas encore expliquer comment et pourquoi le grand prédateur a adopté ce site pour y nicher. Selon Rotenberg, c'est un bon indicateur que la réserve s'avère un endroit où la nature sauvage a su se soustraire à l'interférence humaine. "Biologiquement, la présence du couple et d'un rejeton signifie que l'écosystème qui s'y retrouve convient aux besoins du plus gros de nos prédateurs aviens" d'ajouter Rotenberg.

En mars 2006, j'étais au Bélize avec un groupe de Québécois. Nous étions alors guidés par mon bon ami Jean Jacques Gozard de Amazilia Tour (compagnie basée au Costa Rica). Notre périple nous amenait à La Milpa Field Station. Cette réserve a vu le jour en 1988, après une entente intervenue entre Gallon Jug Industries et Program for Belize (organisation gouvernementale) pour un premier territoire couvrant 110,044 acres. En 1990 et en 1994, Coca Cola Foods Inc ajouta des acres, si bien qu'aujourd'hui, cette réserve couvre 245,822 acres et elle constitue la plus grande réserve protégée du Bélize. Sa situation géographique, au centre nord du pays, la rend importante pour la survie d'espèces endémiques du Peten (Mexique) et au Yucatan (Mexique) et la frontière guatémaltèque toute proche fait qu'elle participe activement aux efforts de conservation des deux pays limitrophes. Cette forêt appartient à la zone subtropicale humide et elle est constituée d'essences forestières de type décidu (avec des essences à feuilles très grandes), de savanes et de marécages. Elle partage avec le Peten la diversité animale. Plus de 70 espèces de mammifères ont été répertoriées (la moitié étant des espèces de chauve-souris). 390 espèces d'oiseaux  dont le quart sont des migrateurs du nord. Cette région, même après une exploitation forestière de 150 ans, est reconnue pour maintenir la plus grande concentration de Mahogany et de Sapodilla (d'où on tire le "chicle", à l'origine de la fabrication de la gomme à mâcher). 230 espèces d'arbres ont été répertoriées jusqu'à présent. En tant qu'extension du Peten, la proportion d'espèces endémiques aux deux pays est grande.

Les seuls habitants de ce secteur sont les employés de PFB et leurs familles.  Un petit nombre de petits fermiers qui s'étaient installés illégalement ont été relocalisés à l'extérieur du parc. La communauté mennonite de Blue Creek (population de 567 habitants) est, quant à elle, située plus au nord. La Milpa Field station fournit abri et nourriture pour une trentaine de visiteurs à la fois. Un système élaboré de sentiers balisés et bien entretenus et la disponibilité des employés du centre qui peuvent servir de guides font que les visiteurs peuvent profiter du site à sa juste valeur. Le nombre annuel de visiteurs tourne autour de 1200 et la proportion des gens du Bélize est de 50%. L'héritage culturel de la région est grand puisque 60 sites mayas ont été localisés, allant du site où se déroulaient les cérémonies majeures, aux temples faisant office de sépulture, aux emplacements de jeux et aux terrasses, jusqu'aux sites industriels où on confectionnait les outils. La plupart des sites ont vu le jour aux 8ième et 9ième siècles avant Jésus Christ.

Le 3 mars 2006, j'apprends que, quelques semaines auparavant, un immature de Harpie féroce s'est tenu dans ces parages pendant une couple de jours. Ce rapace imposant a été réintroduit dans la réserve de la Milpa (six ont été relâchés au cours des derniers mois de 2005 et sont suivis par une équipe de biologistes étatsuniens, sous les auspices de la Société Audubon du Massachusetts). Les oiseaux sont donc suivis par télémétrie par les chercheurs qui, une fois qu'ils les ont retrouvés, prennent des photos et montent ainsi une imposante banque de données. Le défi de ces oiseaux est de trouver la nourriture pour survivre. En effet, ces gros oiseaux de proie ont comme nourriture préférée les singes et les paresseux. Or, il n'y a pas de paresseux au Bélize et les singes ne sont pas aussi nombreux qu'au Costa Rica ou au Panama, par exemple. Un des chercheurs m'a montré quelques photos d'un immature qui tenait dans ses serres immenses un coati ou coatimundi (Coati or White-nosed Coati), un gros représentant de la famille des procyonidés à laquelle appartient notre Raton laveur (Raccoon). Notre groupe n'aura pas la chance d'observer cet oiseau rare lors des multiples déplacements dans la réserve.

Personnellement, je n'ai vécu qu'une seule rencontre avec le roi des rapaces. C'est le 28 novembre 2008 à Campamento Rio Grande dans la Sierra de Imataca, une région encore très sauvage dans le sud est du Vénézuéla, mais menacée par l'exploitation forestière. Nous quittons notre auberge de El Palmar très tôt le matin pour nous diriger vers cette immense forêt. Roger Manrique, notre guide pour ce voyage, et Xavier, un guide local qui connaît l'emplacement de quelques nids, nous amènent alors à l'orée de la forêt où ils obtiennent la permission de traverser les terres d'un fermier. Nous pénétrons ensuite dans la forêt pour aboutir dans un milieu ouvert où il y a eu une récente coupe à blanc. Xavier nous demande de l'attendre pendant qu'il va vérifier à l'autre bout de la coupe s'il peut voir l'oiseau. L'appréhension est grande, car un groupe d'ornithologues qui nous a précédés d'une semaine n'a pas pu retrouver l'oiseau. Après de longs moments, Xavier nous fait signe. Nous le suivons et, à l'aide d'une lunette, nous pouvons enfin voir à environ un kilomètre de distance un énorme nid sur lequel se dresse un jeune harpie. Mais l'oiseau est loin. Avec l'aide de Xavier, nous empruntons un sentier à travers la forêt dense. Nous devons traverser un ruisseau sur un billot de bois. Il fut un temps où j'aurais traversé facilement cet obstacle, mais l'âge aidant, je manque d'équilibre et je me retrouve avec de l'eau dans mes bottes. Finalement, tous les membres du groupe réussissent à traverser le ruisseau et nous continuons jusqu'à une centaine de mètres du nid, d'où l'on peut voir l'oiseau perché sur une branche à travers une trouée dans la frondaison d'un gros arbre. Nous avons droit à tout un spectacle, alors qu'il se laisse admirer sous toutes les coutures. Xavier nous apprend que c'est une "jeune" de 8 mois et qu'il restera au nid jusqu'à l'âge de 12 mois. Ensuite, il quittera le nid, mais il restera dans les parages une autre année. Il comptera alors sur ses parents pour le nourrir. La photo qui illustre ce blog est l'oeuvre de mon bon ami Pierre Bannon, un très bon ornithologue de terrain doublé d'un photographe doué.

Jean-Jacques Gozard (à gauche) et Pierre Bannon profitent d'une trouée dans la frondaison pour photographier et filmer le Harpie féroce immature. Photo Laval Roy.

Pendant combien de temps encore subsistera-t-il des harpies dans cette immense forêt pluvieuse ? Bien malin qui pourrait le prédire. Je souhaite sincèrement que cette espèce mythique saura survivre aux pressions accrues exercées par l'homme sur son environnement. 

 

2 commentaires:

vince a dit…

Excellente nouvelle ! Cette espèce est tellement discrète (sauf pendant la nidification) qu'il est difficile d'avoir aujourd'hui une estimation précise de la population d'Aigle harpie, notamment en Amérique centrale.

Anonyme a dit…

merci pour ces merveilleuses images! ainsi que pour toutes ces explications sur ce magnifique aigle harpie, quand l homme arretera-t- il tout ces ravages! nous sommes le pire etre qui soit pour la planete et les animaux, aucun respect......
merci encore
lili