J'ai toujours été fasciné par les colibris. Fasciné d'abord par leur
taille lilliputienne. Je me souviens très bien de ce jour où, encore
adolescent, j'en trouve un par terre, inerte, tout près de la maison
familiale. Son plumage est parfait et son petit corps est encore souple.
Du sang à la commissure de son bec me fait croire qu'il a dû se frapper
depuis peu contre une des fenêtres de la maison. Je le dépose dans le
creux de la main gauche et je la ferme délicatement. Ma main l'englobe
complètement. J'aperçois alors l'une des filles de mon frère qui habite
dans la maison d'à côté. Je lui fais deviner ce que je peux avoir dans
ma main et jamais elle ne peut se douter qu'il puisse s'agir d'un
oiseau. Après lui avoir dit " c'est un oiseau-mouche", elle m'avoue n'en
avoir jamais vu. Rien de surprenant quand on considère leur vitesse de
déplacement et leur petitesse. Et il faut mentionner aussi qu'à
l'époque, au milieu des années 1960, les abreuvoirs à colibri étaient
inexistants et les aménagements floraux autour des maisons n'étaient pas
encore "à la mode du jour". Pour tout dire, c'est une première pour moi
aussi. J'avais étudié le Colibri à gorge rubis dans mon premier guide d'oiseaux, mais jamais je ne l'avais observé en nature. Dans l'univers des colibris, il fait partie de ceux de taille moyenne. Du bout du bec au bout de la
queue, il fait entre neuf et dix centimètres. Chez les trochilidés, la femelle est un
peu plus grande que le mâle. Le colibri le plus petit au monde, le Colibri d'Hélène, endémique à l'île de Cuba, mesure entre cinq et six centimètres. Quant au plus gros, le Colibri géant / Patagona gigas gigas / Giant Hummingbird, il fait entre 20 et 23 cm de longueur.
Il existe entre 330 et 360 espèces (dépendant des différentes
taxonomies) de colibris dans le monde et elles sont toutes confinées aux
trois Amériques. Pour vous donner une idée de la distribution de ces
espèces au niveau mondial, voici une liste indiquant le nombre d'espèces
normalement rencontrées dans chacun des pays. En employant le terme
"normalement", je veux faire abstraction des espèces égarées qui peuvent
apparaître à un moment donné en un endroit tout à fait insoupçonné.
Canada (9), États-Unis (24), Mexique (58), Cuba (3), Jamaïque (5),
République dominicaine (4), Haiti (4), les Petites Antilles (19), Bélize
(26), Guatemala (39), El Salvador (23), Honduras (42), Nicaragua (34),
Costa Rica (54), Panama (59), Colombie (158), Venezuela (103), Guyane
(38), Suriname (33), Guyane française (30), Brésil (78), Équateur (129),
Pérou (126), Chili (12), Bolivie (78), Paraguay (20), Argentine (32),
Uruguay (8).
Cette liste indique bien que les membres des trochilidés atteignent leur
plus grande diversité dans les forêts tropicales humides et, toujours
dans ces mêmes habitats, encore plus dans les régions montagneuses. Le
peu d'espèces rencontrées dans les Petites et les Grandes Antilles
montre également que les colibris, malgré leurs prouesses de vol,
préfèrent de beaucoup survoler la terre ferme que les vastes plans
d'eau. Vu leur métabolisme élevé, ils doivent se nourrir de façon
régulière et les envolées au-dessus de longues étendues d'eau comportent
toujours son lot de danger.
Si la structure squelettique est similaire d'une espèce à l'autre, il en
est autrement de la diversité impressionnante notée au niveau de
l'irisation de leur plumage. Et cette explosion de couleurs est
quelquefois doublée d'ornements plumeux, qu'il s'agisse de huppes ou
d'appendices au niveau de la gorge, des oreilles ou de la queue.
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Et voici l'un de mes colibris préférés, l'éblouissante Coquette chalybée / Lophornis chalybeus chalybeus
/ Festive Coquette qui vous accueille sur ce blog à chacune de vos
visites. Ce colibri sud-américain, avec ses 7.5 à 9 cm, est un peu plus
petit que le Colibri à gorge rubis. Il se nourrit habituellement
dans le faîte des arbres, mais il lui arrive de descendre à notre
niveau. Les plumes érectiles qui ornent sa gorge sont tout à fait
spectaculaires. |
Légère, forte, renouvelable et réparable, la plume des oiseaux est à son
apogée évolutive. Et les colibris utilisent cet outil performant mieux
que toutes les autres espèces d'oiseaux. Ils sont devenus les maîtres
incontestés du vol sur place, du vol de côté et ils sont les seuls à
reculer en vol avec une aisance déconcertante. Les ailes battent en
formant un huit et les plus petites espèces le font de 80 à 90 fois par
seconde.
Par contre les plus grosses espèces de colibris effectuent de 10 à 15 battements par seconde.
Les couleurs des plumes peuvent être de deux ordres, pigmentaire et structurale.
Origine pigmentaire
Les pigments des plumes sont de deux types, les mélanines
(noir) et les caroténoïdes (jaune au rouge). Les pigments obtenus à partir des
mélanines (pigment le plus abondant chez les oiseaux) peuvent aller du noir au
brun clair voire au jaune comme pour certaines espèces de corvidés. Ces
pigments mélaniques sont directement synthétisés par l’oiseau. Il n’en est pas
de même pour les pigments caroténoïdes qui peuvent, suivant les espèces, être
soit synthétisés ou soit plus généralement être obtenus par la nourriture. Les
psittacidés synthétisent la psittacine tandis que les flamants trouvent ces
pigments dans leur alimentation. Dans ce dernier cas, les caroténoïdes ne
subissent pas ou peu de transformations chimiques avant de se déposer dans les
plumes. En effet, chez les flamants, dont la principale source de nourriture est la crevette Artemia saline,
le pigment initial est produit par des algues
unicellulaires, transformés en canthaxantine par la crevette qui s’en
nourrit, et il est finalement fixé dans les plumes des flamants.
Le couleur peut alors varier en fonction de l’alimentation et de la
saison.
Origine structurale
Certaines couleurs, dites structurales, ne sont pas dues à
la pigmentation. Ainsi, bien que de
nombreux oiseaux exposent des plumes vertes ou bleues, comme chez les
psittacidés, ils ne synthétisent pas de pigments de ces couleurs. De nombreuses espèces ont des plumes blanches (aigrettes,
mouettes, spatules...). Le blanc résulte de l’absence de pigmentation, mais
également de la réflexion totale du spectre lumineux. C'est grâce au phénomène optique de diffusion Rayleigh
(décomposition de la lumière par les micro structures des barbes) que des
couleurs peuvent apparaître par décomposition de la lumière blanche. Ce
phénomène est identique à celui qui permet la coloration des yeux chez l’homme,
ou mieux la coloration des bulles de savon et l’arc-en-ciel. Chez les
psittacidés, le bleu naît dans des barbes renfermant une couche structurale
riche en micro granules de mélanine noire. Si à cela s’ajoute un caroténoïde
jaune, on obtient du vert. Les micro granules renvoient les radiations bleues
(les plus courtes), les autres sont absorbées par une moelle centrale noire.
Chez les paons et les colibris, la couleur structurale est due à l’interférence
de la lumière. Les barbules renferment des plages de micro lamelles qui
décomposent la lumière et l’écartement de ces micro lamelles induit des couleurs
différentes. Dans ce cas, en inclinant la plume pour faire varier l’incidence
de la lumière, on voit les couleurs se déplacer. La combinaison des différents pigments et de ces phénomènes
optiques permettent une très grande variété de couleurs.
Irisation
Certaines espèces sont reconnues pour avoir des plumes
iridescentes, comme les colibris, mais aussi les guêpiers, les paons, quelques
canards, les étourneaux, etc. Les irisations sont produites par les barbules
renfermant des réseaux de micro lamelles. Une barbule à micro lamelles reposant sur
une barbule riche en mélanine noire; cette dernière absorbant les radiations
parasites. Les micro lamelles ont l’avantage sur les micro granules de mélanine
de pouvoir produire toutes les couleurs du spectre solaire, alors que les
micro granules ne peuvent produire que du bleu.
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Le plumage du Quiscale bronzé / Quiscalus quiscula versicolor
/ Common Grackle parait noir lorsqu'on le voit de loin ou à l'ombre.
Dans des conditions de lumière meilleures, les barbules à micro lamelles
et les micro granules de mélanine s'allient pour faire apparaître une
myriade de couleurs et de teintes. |
Bien que ce soit moins connu, plusieurs oiseaux tropicaux,
en plus des colibris, ont des plumages iridescents. L’iridescence, qui est
rendu possible non par la pigmentation mais par la structure particulière des
plumes, est responsable des reflets vert bouteille des trogons, des reflets
dorés et cuivrés des jacamars et des myriades de couleurs sur certains
tangaras. Les couleurs iridescentes ne sont observables qu’à partir d’angles
très restreints. En d’autres mots, l’observateur doit être le plus possible au
même niveau que la source de lumière afin de profiter pleinement de
l’effet.
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Brillant de l'impératrice / Heliodoxa imperatrix / Empress Brilliant |
@ bientôt.