vendredi 30 octobre 2015

Une rencontre inespérée... et presque historique.



Je me souviens très bien lorsque j'ai entendu parler pour la première fois de l'observation de cette espèce dans la ville de Québec. C'était à la fin des années 1960. Gabriel Allaire, mon "mentor ornithologique", m'avait alors parlé d'un oiseau qui occupait une cavité derrière la maison d'un de ses amis d'étude. Sa maison était située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, pas très loin du pont de Québec. Malheureusement. cette observation exceptionnelle est vite disparue du radar des ornithologues et il s'est avéré alors difficile d'en expliquer la raison.

J'ai dû attendre au début des années 2000 avant d'apprendre qu'au moins un autre individu de cette espèce était observé dans la région de Victoriaville. Mais il fallait garder le tout secret et c'est bien normal. Trop souvent la divulgation de la présence d'un strigidé dans un lieu donné attire l'attention d'observateurs ou de photographes qui s'y agglomèrent sans aucune retenue. Repasse du chant excessive, harcèlement continuel à cause du nombre successif d'observateurs...et l'oiseau effarouché peut décider de quitter l'endroit sans préavis.

Oui, je sais, vous trépignez. Mais qu'elle est cette espèce ?

Attendez un peu... vous saurez bientôt !

Au début d'octobre 2015, un chasseur à la sauvagine attend l'heure réglementaire pour débuter sa chasse. Il se trouve en bordure du grand fleuve Saint-Laurent, sur la rive sud. Il fait encore sombre lorsqu'il entend une seule fois le trille très ténu d'un certain strigidé. Sa cogitation ne dure pas très longtemps. Malgré qu'il en soit grandement étonné, il est sûr de son identification: il s'agit du faible trille d'un Petit-duc maculé !!!

Très bien, mais encore faut-il le confirmer, car il sait très bien que cette présence est très inusitée pour la région. Une visite ultérieure permet de confirmer l'espèce et la voici:


Petit-duc maculé / Megascops asio naevius / Eastern Screech-Owl

Alors que le Petit-duc maculé est présent plus régulièrement à partir de l'ouest de la région du centre du Québec (dans la ligne Drummondville / Trois-Rivières) , il est vraiment inusité plus à l'est.


L'élément le plus facile pour déterminer si on a devant nous un hibou plutôt qu'une chouette est la présence ou l'absence d'aigrettes, i.e. ces plumes qui font penser à des oreilles et qui sont pointées au-dessus de la tête. Un hibou est pourvu d'aigrettes, la chouette en est dépourvue.

Comparons ce Grand-duc d'Amérique photographié le 23 octobre 2014 à Neuville, Québec.


Grand-duc d'Amérique / Bubo virginianus virginianus / Great Horned Owl

avec cette Chouette rayée photographiée le 11 janvier 2015 au Domaine de Maizerets, ville de Québec, Québec.


Chouette rayée / Strix varia varia / Barred Owl

Donc, si on se base à cet élément et à la première photo présentée, ce Petit-duc maculé serait une chouette. Et non, selon les humeurs de l'oiseau, il peut modifier son apparence de façon assez radicale. Voici donc, en rafale, les trois aspects que nous a présentés le même individu


L'angle de prise de cette photo permet de voir que les aigrettes sont rabattues vers l'arrière. Ceci les rend invisibles lorsque l'oiseau nous fait face.




Difficile de dire pourquoi l'oiseau dresse ses aigrettes. Stress ou, au contraire, bien-être ?




Voici les aigrettes étirées au maximum, ce qui change radicalement l'aspect de l'oiseau si on se réfère à la première image de ce blog.

Pour Anne et moi, il s'agit de la 310ième espèce observée ensemble au Québec depuis le 3 septembre 2005. C'est dire la richesse aviaire du Québec. C'est vrai que la province est grande, mais les déplacements en valent la peine.


@ bientôt.




jeudi 8 octobre 2015

Île-aux-Basques: du 18 au 20 septembre 2015




18 septembre 2015


Départ de Québec à 03h15 vers le quai de Trois-Pistoles où le capitaine Jean-Pierre Rioux nous attend pour une traversée prévue pour 06h30. Les pronostics météorologiques sont très optimistes pour ce vendredi ainsi que pour le samedi. Par contre, le dimanche pourrait être un peu plus hasardeux, mais nous avons de quoi nous occuper d'ici là. Dès notre arrivée au quai, vers 06h15, nous constatons qu'un couple de Repentigny attend également pour le trajet d'une quinzaine de minutes vers l'île. Ces derniers vont occuper le chalet à l'est de l'île, soit le Provancher, alors que nous occuperons le Meredith, à l'ouest.

Les conditions atmosphériques en ce vendredi matin sont idéales. Aucun vent, un ciel presque sans nuage et une chaleur un peu en haut de la normale pour la mi-septembre. Après une année sans nous rendre à l'île, nous nous sentons vraiment privilégiés de tomber sur de si belles conditions. Les réservations à l'île se font au début du mois de janvier de chaque année et il est alors impossible de savoir si nos choix seront les bons. Personnellement, nous avons vécu toutes les conditions possibles et nous devons avouer que l'Île-aux-Basques vaut le déplacement quelles que soient les conditions rencontrées.

À 07h30, tout est installé dans le chalet. Les victuailles qui vont au réfrigérateur, celles qui vont sur des tablettes, les vêtements les plus utilisés accrochés à portée de main ou déposés aux bons endroits. Comme nous arrivons à marée haute, nous décidons de prendre nos télescopes pour aller vérifier les déplacements des oiseaux marins au large. Nous demeurons alors dans la partie nord ouest de l'île.


Anne scrute le large avec son nouveau télescope Kowa et elle note le nombre d'individus observés pour chaque espèce afin de les comptabiliser dans Ebird.


Au large, des vents de 25 kilomètres à l'heure sévissent et nous découvrons de bons déplacements de laridés qui volent tous d'est en ouest. Cependant, une légère brume nuit beaucoup à la perception des détails et elle nous empêche de confirmer les espèces. Nous passons une bonne heure en stationnaires et ceci nous permet de très bien observer des individus qui volent ou se posent sur l'eau plus près de nous: 8 Canards noirs, 35 Eiders à duvet, 18 Macreuses à front blanc, 1 Macreuse brune, 7 Garrots à oeil d'or, 1 Harle huppé, 1 Plongeon catmarin, 1 Plongeon huard, 3 Fous de Bassan,  2 Courlis corlieux , 27 Guillemots à miroir. Et la visibilité s'améliorant: 300 Mouettes tridactyles, 20 Mouettes de Bonaparte, 30 Goélands à bec cerclé, 25 Goélands argentés et 10 Goélands marins.


Nous nous dirigeons ensuite vers la pointe ouest de l'île pour vérifier la présence de limicoles qui s'y agglomèrent indépendamment des marées. Même à marée fine haute, cet endroit accueille souvent plusieurs espèces différentes. C'est avec plaisir que nous y repérons: 3 Courlis corlieux, 85 Pluviers semipalmés, 15 Bécasseaux sanderling, 1 Bécasseau à croupion blanc, 25 Bécasseaux semipalmés et 2 Alouettes hausse-col.


 Alouette hausse-col (immature) / Eremophila alpestris alpestris / Horned Lark



Courlis corlieu / Numenius phaeopus hudsonicus / Whimbrel


Pendant tout ce temps, un Busard Saint-Martin immature maraude sans cesse dans le pré. Nous le voyons plonger vers des proies potentielles, mais le pourcentage de succès ne semble pas trop élevé. Normal pour un jeune de l'année qui doit améliorer ses angles d'attaque.





En après-midi, notre attention se porte sur la pointe est de l'île, plus précisément au nord de l'Anse d'en bas. Un endroit très pierreux qui nous a réservé de très belles surprises à travers les années. Même si nous sommes en milieu d'après-midi, l'activité est importante. Sur une grosse masse rocheuse, pas moins de 50 Mouettes tridactyles, 10 Goélands marins, 10 Goélands à bec cerclé et 5 Goélands argentés essaient de se mériter une place parmi les 67 Cormorans à aigrettes et les 15 Eiders à duvet. Un Faucon pèlerin très foncé nous passe sous le nez. La forêt nous offre quelques passereaux dont 3 Parulines à couronne rousse, de plumages différents, mais toutes de la race de l'est (hypochrysea). Les Bruants à gorge blanche nous accompagnent partout sur l'île, de sorte que le nombre estimé à 50 est probablement moindre que la réalité.


Bruant à gorge blanche / Zonotrichia albicollis / White-throated Sparrow


Nous terminons cette première journée avec 48 espèces et beaucoup de beaux moments en banque.



19 septembre 2015

Les premières observations matinales sont souvent plus fructueuses. Mais faut-il décider dès la veille au soir où nous nous dirigerons le lendemain matin. Vers l'est ou vers l'ouest de l'île ? Comme notre chalet est situé dans l'ouest, il est plus facile d'opter pour cette région...tout en espérant que la visibilité sera meilleure que celle de la veille. Dès le lever du soleil, je sors sur le patio du chalet et je suis tout simplement submergé par des cris de contacts et des sifflements en provenance de l'arrière du chalet. Des dizaines de Bruants à gorge blanche sont déjà actifs, ce qui suggère une arrivée possible de migrateurs. Des Merles d'Amérique passent en vol de même que plusieurs autres passereaux. Je remets en question notre choix de l'observation au large, mais, après une discussion avec Anne, nous décidons de maintenir notre programme. En passant par le petite sentier boisé qui longe le lac salé, nous ne pouvons résister à la tentation de nous arrêter quelque peu pour identifier les passereaux les plus coopératifs: Roitelet à couronne rubis, Roitelet à couronne dorée


Roitelet à couronne dorée / Regulus satrapa satrapa / Golden-crowned Kinglet



Viréo à tête bleue, Viréo de Philadelphie, Viréo aux yeux rouges, Bruant de Lincoln, Bruant fauve


Bruant fauve (immature) / Passerella iliaca iliaca / Fox Sparrow


et Paruline flamboyante



Paruline flamboyante (femelle) / Setophaga ruticilla / American Redstart

Et oui, la visibilité est meilleure au large, mais les laridés sont moins nombreux. Rien à voir avec les mouvements de la veille. Par contre, plus d'individus des autres espèces et même quelques nouvelles dont 120 Macreuses à front blanc, 17 Garrots à oeil d'or, 21 Grands Harles, 4 Plongeons catmarins, 8 Plongeons huard, 2 Grèbes jougris, 120 Cormorans à aigrettes, 3 Labbes parasites, 100 Mouettes tridactyles, 1 Petit Pingouin, 21 Guillemots à miroir, 20 Mouettes de Bonaparte, 30 Goélands à bec cerclé, 40 Goélands argentés et 26 Goélands marins. Un petit groupe de 7 Pipits d'Amérique arrive du large et passe devant nous. Un Faucon émerillon, un Épervier brun et un Faucon pèlerin très foncé (probablement un immature) survolent le pré tour à tour.

Comme la veille, une visite à la pointe ouest est bénéfique. Il y a plus de Pluviers semipalmés avec 120 individus bien comptés, 8 Pluviers bronzés, 1 Pluvier argenté, 4 Courlis corlieux, 1 Bécasseau maubèche, 55 Bécasseaux sanderling, 12 Bécasseaux variables, 2 Bécasseaux à croupion blanc et 30 Bécasseaux semipalmés. Le retour par le pré nous fait découvrir 2 Bruants des prés et 2 Grands Hérons en vol.

Bécasseau sanderling (juvéniles) / Calidris alba / Sanderling

En après-midi, nous investiguons davantage les régions boisées et nous sommes récompensés par 1 Grimpereau brun, 4 Troglodytes des forêts, 31 Roitelets à couronne dorée, 7 Roitelets à couronne rubis, 2 Grives solitaires, 10 Merles d'Amérique, 1 Moqueur chat, 1 Paruline à collier, 1 Paruline à tête cendrée, 1 Paruline verdâtre, 2 Juncos ardoisés, 1 Bruant à couronne blanche et plus de 90 Bruants à gorge blanche.

Cette deuxième journée se termine avec 54 espèces différentes.


20 septembre 2015 

Notre départ de l'île étant programmé pour la fin de l'après-midi, nous avons toute la journée devant nous et la température est très coopérative. Nous délaissons nos télescopes pour la journée, car nous voulons passer plus de temps en bordure et dans la forêt. C'est donc avec les jumelles au cou et la caméra en bandoulière que nous parcourons l'île d'un bout à l'autre. En plus des espèces mentionnées jusqu'ici, nous ajoutons 1 Pic mineur, 2 Pics flamboyants, 1 Moucherolle à ventre jaune, 1 Sittelle à poitrine rousse (la seule de notre séjour, cherchez l'erreur ?), 1 Grive à dos olive, 1 Grive à joues grises, 11 Jaseurs d'Amérique, 2 Parulines obscures, 1 Paruline à joues grises, 2 Parulines rayées, 1 Paruline des pins, 1 Paruline bleue, 1 Paruline à gorge noire, 1 Paruline à calotte noire et 1 Bruant familier.


Sittelle à poitrine rousse / Sitta canadensis / Red-breasted Nuthatch
 

Grive solitaire / Catharus guttatus faxoni / Hermit Thrush


Ah oui, en finissant, il ne faudrait pas que j'oublie de vous parler de la présence sur l'île de 3 Élans d'Amérique (orignaux), le plus imposant de nos cervidés québécois. Lors de la traversée vers l'île, notre dévoué capitaine Jean-Pierre nous a informé de cette nouvelle. Connaissant les dimensions impressionnantes de ces animaux, avec leur 2 mètres de hauteur à l'épaule, je me disais que c'était dans le sac. Il nous avait aussi parlé d'une petite famille de Renards roux. Des nouvelles très excitantes. Comme nous passons beaucoup de temps sur le terrain et que l'île n'est pas très grande, je croyais bien que nous réussirions à les voir et même à les photographier.

Mais non, beaucoup de pistes au sol, d'excréments et d'artéfacts de leur nourrissage sur la végétation, mais aucune rencontre. Je croyais bien que mon expérience de 6 mois passés en forêt boréale au cours des 4 dernières années jouerait en ma faveur. Mais non. Alors que nous reprenons le bateau pour le retour sur la terre ferme, deux des employés de Jean-Pierre nous disent qu'ils viennent juste de les surprendre alors qu'ils se trouvaient dans le petit étang situé au milieu de l'île. L'un des deux ajoute que les orignaux se tenaient bien cachés toute la journée et qu'ils ne sortaient que vers les 04h00 de l'après-midi. Un renseignement que nous aurions bien aimé connaître avant.


Faute de vous montrer l'un des trois orignaux de l'île, voici une femelle photographiée le 2 juillet 2012 en Abitibi.




et une autre femelle accompagnée d'un veau de l'année, photographiés le 8 juillet 2012, toujours en Abitibi.





Quant aux 3 orignaux, il s'agit de triplets d'environ 2 ans. Selon les dires de Jean-Pierre, ils devraient probablement quitter l'île plus tard en profitant des dernières grandes marées de la fin d'automne.


@ bientôt.