lundi 16 décembre 2013

La Milpa Field Station, Belize.



Des endroits merveilleux pour observer une grande variété d'espèces d'oiseaux autour de notre belle planète bleue, il y en a une multitude. Nous avons tendance à sous-estimer toute la richesse dissimilée dans un habitat propice. Il suffit d'y mettre du temps, d'épouser le rythme calme de la nature et de se fondre dans ce milieu pour y découvrir petit à petit tous les êtres qui y vivent. Des endroits m'ont marqué plus que d'autres et je m'y évade en pensée quand l'envie de partir me gagne et que je ne peux le faire tout de suite.

En mars 2006, j'organise un voyage ornithologique au Belize où nous visitons les points chauds. Après nous être d'abord arrêtés à Crooked Tree, nous nous dirigeons vers La Milpa Field Station.


1er mars 2006 : De Crooked Tree à La Milpa Field Station


Ce matin, Stanley vient nous chercher avec l’autobus à 8h00. Nous nous dirigeons ensuite vers notre deuxième site d'importance soit le Milpa Field Station. L’unique route carossable nous oblige à revenir vers la Northern Highway, à passer par Orange Walk, Yo Creek, August Pine Ridge, San Felipe et Blue Creek. Le tout devrait prendre environ 3 heures de conduite à une vitesse moyenne de 80 km/heure.





En arrivant dans la petite ville d'Orange Walk, nous pénétrons dans la première agglomération d’importance. Il n’y a pas de buildings en hauteur et les rues ne sont pas tellement encombrées par un trafic trop lourd. C’est une ville propre et on s’y sent très à l’aise. Nous faisons une escale dans un super marché et nous en profitons pour acheter de l’eau embouteillée et des friandises. Nous traversons ensuite le petit bourg de  Yo Creek et nous nous enfonçons toujours de plus en plus dans le pays des Mennonites. La route principale, asphaltée, est dans une très bonne condition et les déplacements, même ceux d’une durée de quelques heures, sont plaisants. Il y a toujours des beaux paysages à regarder et des belles surprises peuvent se manifester à tous moments. Nous atteignons la région de August Pine Ridge. Cette région, jusqu'à San Felipe, est agricole et nous voyons des vieux tracteurs dans les champs et des agriculteurs mennonites, facilement reconnaissables à leur salopette en jeans, leur barbe et leur chapeau de paille. C'est un bel habitat pour espérer trouver le Sporophile variable (Variable Seedeater). Un peu avant d'atteindre Blue Creek, un rapace blanc fait du surplace au-dessus d’un champs, à la façon de la Buse pattue ou de la Crécerelle d’Amérique. Nous identifions rapidement le Milan à queue blanche (White-tailed Kite). Les champs des environs sont survolés par des hirondelles et nous reconnaissons à l’œil l’Hirondelle rustique (Barn Swallow) et l'Hirondelle bicolore (Tree Swallow). Martin-pêcheur d'Amazonie et jaguarundiUn beau spectacle nous attend alors que nous arrêtons près de la route pour observer quelques Tyrans des savanes (Fork-tailed Flycatcher), perchés bas et très près du chemin. Nous nous apercevons bien vite qu’il y en a partout dans ce champs. Il s’agit sans doute d’un bon groupe en migration vers le nord. Dans ces champs cultivés, six ou sept jabirus ont été observés la semaine précédente.  Mais le manque de pluie fait qu’il n’y a presque plus d’eau dans les parages. Nous devrons donc nous reprendre dans des grands marais situés près de la jonction de la route de terre qui part de la route principale et qui mène à La Milpa. Un peu plus loin, nous empruntons un pont où le seul Martin-pêcheur d'Amazonie (Amazon Kingfisher) du voyage sera observé par quelques participants. Ce pont enjambe une zone inondée où des chicots de grands arbres servent de perchoirs à de nombreuses hirondelles. Nous nous arrêtons à cet endroit dans l'espoir de trouver des Ridgway's Rough-winged Swallow. Nous n'y trouvons que des Hirondelles à ailes hérissées (Northern Rough-winged Swallow), mais c'est ici que j'ai la chance d’observer mon premier Jaguarondi (Jaguarundi)  à vie. Ce gros chat noir est très furtif et il est rare de le voir en action en plein jour. C’est pourtant ce qui se produit, alors qu’il traverse la route en gambadant, juste après que notre groupe soit passé. C’est par pur hasard que je me retourne pour regarder en arrière de nous.
Nous arrivons finalement au Blue Creek Village, petite bourgade mennonite où l’on doit passer un poste de fouilles si on veut y accéder. Les Mennonites, un peu à la façon des Quakers ou des Amish, vivent à l’ancienne, sans électricité et sans eau courante, labourant le sol avec des bœufs et se déplaçant dans des calèches tirées par des chevaux. Ils sont agriculteurs et, en fait, ils fournissent les légumes à une bonne partie du pays. Nous aurons l’occasion d’en rencontrer quelques uns lors de nos déplacements. Nous ne visitons pas ce village, mais nous faisons un bref arrêt pendant lequel Jean Jacques Gozard nous entretient de leurs coutumes et de leur rôle dans l’économie du Belize. Nous en profitons pour repérer un Tyran à longue queue (Scissor-tailed Flycatcher), perché en évidence sur un fil électrique. Nous nous arrêtons ensuite dans un restaurant local pour prendre un bon dîner. Cette pause nous donne l'occasion de côtoyer des gens de la place et de constater la gentillesse et l'hospitalité des gens du coin.

Avant donc de prendre une route de terre sur notre gauche, en direction de la Milpa Field station, nous la dépassons pour arriver à un milieu très humide où nous tentons notre chance pour le jabiru. C’est un endroit de toute beauté où des gros groupes de Sarcelles à ailes bleues (Blue-winged Teal) et de Dendrocygnes à ventre noir (Black-bellied Whistling-Duck) ne cessent de s’envoler au-dessus des joncs et des hautes herbes. Tous les ardéidés sont là et en plusieurs exemplaires. Les jacanas, foulques et gallinules sont observés sur les différents plans d’eau. À un moment donné, la vue de gros oiseaux blancs, à côté des Grandes Aigrettes (Great Egret),  nous donne de faux espoirs puisqu’il s’agit en fait de nos premières Tantales d’Amérique (Wood Stork). En fouillant dans les arbres feuillus, nous trouvons plusieurs Bihoreaux violacés (Yellow-crowned Night-Heron) et une Crécerelle d'Amérique (American Kestrel) nous épie du haut de son perchoir alors que l'autobus passe en dessous d'elle.

Habitation à la MilpaNous arrivons à La Milpa Field Station vers les 14h30. Le temps de prendre possession de nos chambres et de nous installer un peu et nous repartons pour une excursion en forêt avant le dîner. La station de recherches étant située en pleine forêt, nous nous retrouvons dans la nature dès que nous franchissons la porte de notre chambre. Plusieurs beaux sentiers sillonnent la région, mais nous nous contenterons de suivre la route de terre où passe les véhicules. Il faut dire qu'il y en a peu à cet endroit. Dès les premiers instants, nous nous rendons compte du changement d'habitat. Nous entendons le Viréon à calotte rousse (Tawny-crowned Greenlet), le meilleur signe annonciateur qu'un "feeding flock" s'en vient. Et ça ne se dément pas. Suivent bientôt: la Sittine brune (Plain Xenops), le Grisin étoilé (Dot-winged Antwren), le Tyranneau à bec courbe (Northern Bentbill) et le Tyranneau à ventre jaune (Yellow-bellied Tyrannulet). Un bruit d'ailes qui frappent l'air nous fait regarder au-dessus de nos têtes et l'auteur de tout ce bruit se présente bientôt en un magnifique Sarcoramphe roi (King Vulture). Les arbres en fleurs attirent plusieurs espèces de colibris dont le Campyloptère pampa (Wedge-tailed Sabrewing) et l'Ariane candide (White-bellied Emerald), pendant que le diminutif Ermite à gorge rayée (Stripe-throated Hermit) butine dans le sous-bois. Un chant spécial attire notre attention et nous trouvons un magnifique mâle du Tangara à gorge rose (Rose-throated Tanager), bien installé sur une branche et qui chante à s'époumonner. Nous réaliserons plus tard notre chance, car c'est le seul que nous verrons du voyage.

Comme il se fait tard, nous retournons lentement au camp et voilà que des petites flaques d'eau en bordure du chemin font office de bains d'oiseaux . Nous nous arrêtons à environ 30 mètres des trous d'eau et nous observons se succéder: la Grive des bois (Wood Thrush), la Paruline du Kentucky (Kentucky Warbler),  l'Évêque paré (Blue Bunting) et l'Ermite à gorge rayée.

Après un bon souper, nous faisons la liste et nous compilons 125 espèces pour la journée et 191 espèces pour le voyage.

à flanc d'une ruine maya, nous pouvons voir un trou béant, fait par des pilleurs de tombeaux, à la recherche de trésor. photo Anne Déry. Autant vous entretenir tout de suite de quelques chiffres concernant ce site où se retrouve une belle forêt, riche en nature et en histoire. Cette réserve a vu le jour en 1988, après une entente intervenue entre Gallon Jug Industries et Program for Belize (organisation gouvernementale) pour un premier territoire couvrant 110,044 acres. En 1990 et en 1994, Coca Cola Foods Inc ajouta des acres, si bien qu'aujourd'hui, cette réserve couvre 245,822 acres et elle constitue la plus grande réserve protégée du Bélize. Sa situation géographique, au centre nord du pays, la rend importante pour la survie d'espèces endémiques du Peten (Mexique) et du Yucatan (Mexique) et la frontière guatémaltèque toute proche fait qu'elle participe activement aux efforts de conservation des deux pays limitrophes. Cette forêt appartient à la zone subtropicale humide et elle est constituée d'essences forestières de type décidu (avec des essences à feuilles très grandes), de savanes et de marécages. Elle partage avec le Peten la diversité animale. Plus de 70 espèces de mammifères ont été répertoriées (la moitié étant des espèces de chauve-souris). 390 espèces d'oiseaux  dont le quart sont des migrateurs du nord. Cette région, même après une exploitation forestière de 150 ans, est reconnue pour maintenir la plus grande concentration de Mahogany et de Sapodilla (d'où on tire le "chicle", à l'origine de la fabrication de la gomme à mâcher). 230 espèces d'arbres ont été répertoriées jusqu'à présent. En tant qu'extension du Peten, la proportion d'espèces endémiques aux deux pays est grande.

Les seuls habitants de ce secteur sont les employés du PFB et leurs familles.  Un petit nombre de petits fermiers qui s'étaient installés illégalement ont été relocalisés à l'extérieur du parc. La communauté mennonite de Blue Creek (population de 567 habitants) est, quant à elle, située plus au nord. La Milpa Field station fournit abri et nourriture pour une trentaine de visiteurs à la fois. Un système élaboré de sentiers balisés et bien entretenus et la disponibilité des employés du centre qui peuvent servir de guides font que les visiteurs peuvent profiter du site à sa juste valeur. Le nombre annuel de visiteurs tourne autour de 1200 et la proportion des gens du Belize est de 50%

L'héritage culturel de la région est grand puisque 60 sites mayas ont été localisés, allant du site où se déroulaient les cérémonies majeures, aux temples faisant office de sépulture, aux emplacements de jeux et aux terrasses, jusqu'aux sites industriels où on confectionnait les outils. La plupart des sites ont vu le jour aux 8ième et 9ième siècles avant JC.

2 mars 2006 : Medicinal Trail et Lagunita Trail en AM;  Bajo Trail en PM


Agadou, notre mascotte à la Milpa Field Station. Elle nous suivait partout. photo Laval Roy.
Après une première nuit réparatrice, dominée par les cris de l'Engoulevent pauraque (Pauraque) ou les sifflements plaintifs du Grand Tinamou (Great Tinamou), nous sortons tous dehors aux premières lueurs du jour. Pas question de manquer l'éveil de cette belle nature, en pleine forêt tropicale. Nous garderons le même scénario pour tous les matins passés à la Milpa. Un café chaud est servi dès 5h45 et, quinze minutes plus tard, nous sommes prêts à partir pour une petite excursion à pied jusqu'à 7h30. Une telle routine est facile à établir quand il y a toujours des belles découvertes à faire, matin après matin. D'abord, il y a les espèces fidèles, celles qui se retrouvent invariablement au même endroit, à la même heure: un petit groupe familial de Passerins indigos (Indigo Bunting), un Tyran de Wied (Brown-crested Flycatcher) qui nous houspille de son cri d'alarme puissant et sec, le gros Saltator à tête noire (Black-headed Saltator) qui annonce très bruyamment son arrivée,  ainsi que différentes autres espèces de petits passereaux (parulines, viréos, orioles et moucherolles) qui animent les buissons, les arbustes et les arbres. L'oiseau-vedette de cette première escapade d'avant déjeuner est le Tangara à miroir jaune (Yellow-winged Tanager). Et nous entendons aussi pour la première fois le Tétéma du Mexique (Mexican Antthrush), une espèce reconnue par certains comme une espèce distincte et par d'autres comme une sous-espèce du Tétéma  coq-de-bois (Black-faced Antthrush).  Avec toute cette nature qui s'éveille, c'est toujours un peu à regret que nous regagnons la salle à manger pour le déjeuner, mais la nourriture excellente nous fait patienter quelques minutes avant d'entreprendre la vraie journée.

Ce matin, notre guide local, Vladimir, nous propose de parcourir deux sentiers soit le Medicinal Trail et le Lagunita Trail, les deux couvrant une distance totale de deux kilomètres. Et nous aurons également un autre compagnon très inusité en la personne d'Agadou, un Dindon ocellé (Ocellated Turkey) qui nous a adopté dès les premiers moments de notre arrivée à La Milpa. Ce nom d'Agadou lui est attribué par notre groupe et je ne me souviens plus de toutes les pirouettes de l'esprit ou les associations de mots faites pour en arriver à ce résultat. Aussi difficile à croire que cela puisse paraître, Vladimir nous dit que c'est la première fois qu'il voit ce genre de dindon suivre un groupe de personnes. Agadou nous suit pas à pas, autant en milieu ouvert qu'en milieu forestier.  Quand nous nous arrêtons de longues minutes pour observer un oiseau ou un "feeding flock", le gros dindon en profite pour picorer dans le sous-bois, jamais à plus de cinq mètres de nous. La photo ci-haut a été prise par moi, à mains levées, sans aucun grossissement. C'était assez irréel comme situation.

Comme il ne pleut pas, les sentiers sont toujours très secs et il fait bon se promener dans une belle forêt mature. Notre première grande surprise ne tarde pas à venir quand Vladimir nous avise qu'il vient d'entendre le très recherché Motmot nain (Tody Motmot). Et voilà que l'oiseau se tient bien perché, très en évidence et que nous l'observons "pleine grandeur" dans nos lunettes d'approche. Il se permet même de vocaliser alors que nous l'observons avec grand intérêt. Même si le Belize est l'endroit le plus sûr en Amérique centrale pour observer cette espèce (après ou à égalité avec la région du Darien, dans la partie est du Panama), nous n'en observerons pas d'autre durant tout le reste du voyage. Quelques pas plus loin, c'est un magnifique Tangara à gorge noire (Black-throated Shrike-Tanager) qui se laisse admirer sous toutes ses coutures. Cette espèce, tout comme son cousin costaricien, le Tangara à gorge blanche (White-throated Shrike-Tanager), agit toujours comme indicateur qu'une colonne de Fourmis légionnaires (Army Ants) est dans les parages.  Un groupe de Cardinaux à ventre blanc (Black-faced Grosbeak), toujours aussi loquaces, passent furtivement haut dans la canopée et un Piauhau roux (Rufous Piha) bien en voix refuse de se laisser voir. Un autre coin de forêt abrite un Antriade turdoïde (Thrushlike Shiffornis), facilement repérable à son sifflement caractéristique. On ne tarde pas à le repérer dans la végétation assez épaisse. Vers 10h30, alors que nous marchons à découvert, nous observons les rapaces qui profitent toujours davantage des thermales à partir de cette heure-là: un Sarcoramphe roi, un Aigle tyran (Black Hawk Eagle) et un Aigle orné (Ornate Hawk Eagle) sont parmi les espèces les plus remarquables. En revenant au camp pour le dîner, nous prenons le temps d'observer les Ridgway's Rough-winged Swallow qui sont résidentes à la Milpa. Elles viennent même se percher sur le bras de notre galerie et nous pouvons les observer à partir de l'intérieur de notre chambre
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Après un dîner copieux et une petite sieste, nous repartons à pied vers les 15h00 pour aller découvrir le Bajo Trail, une boucle d'à peine un kilomètre, mais qui nous réserve de très belles surprises. Nous venons à peine de parcourir une centaine de mètres que le sentier est traversé par une colonne de Fourmis légionnaires. Il n'en faut pas plus pour observer nos premiers PAF du voyage. J'appelle ainsi les espèces d'oiseaux si intimement associées aux Fourmis légionnaires qu'ils en ont acquis l'épithète de professionnelles (Professional Army ant Followers). Ces oiseaux ne suivent pas les fourmis parce qu'ils s'en nourrissent, mais plutôt que ces masses de fourmis voraces avancent en colonnes très serrées et elles dévorent tout ce qui leur tombe entre les mâchoires: arthropodes, insectes, petits mammifères ou reptiles. Au passage de ces prédateurs, les insectes s'enfuient par tous les moyens et les oiseaux en profitent pour les gober et les avaler tout rond. Parmi ces espèces d'oiseaux spécialisées, nous avons la chance d'observer le très coloré Grimpar roux (Ruddy Woodcreeper) et le Grimpar à ailes rousses (Tawny-winged Woodcreeper). Les deux espèces sont tellement occupées à se nourrir qu'elles se perchent très près de nous. Pour moi, le Grimpar roux est un "lifer" et je me paie la traite. Il faisait partie depuis trop longtemps de ma "wish list". Un peu plus loin, nous arrivons dans un habitat où on a le plus de chance de trouver la très localisée Paruline à plastron (Gray-throated Chat), une espèce très furtive qui se tient dans le faîte des arbres. Comme Vladimir connaît bien son chant, notre attention se porte sur tous les bruits nouveaux qui viennent faire vibrer nos tympans. Un cri spécial interroge tout le monde, notre guide y compris, et nous trouvons finalement l'auteur, un Renard gris (Gray Fox) attiré par notre présence et qui s'enfuit dès qu'il se sent épié. Et voilà que l'oiseau recherché se fait entendre et nous pouvons observer le mâle et la femelle qui s'activent dans le feuillage épais.  Un groupe de Geais verts (Green Jay) nous survolent en piaillant, mais la plupart des observateurs ne verront qu'un bout de queue ou de ventre, pas assez pour pouvoir les cocher. Le Grimpar à bec ivoire (Ivory-billed Woodcreeper) sera la dernière espèce nouvelle à être découverte dans ce sentier.

Chouette mouchetée, très commune à la Milpa. Photo Roch Bernier.

Après un délicieux souper, nous faisons notre liste quotidienne et une expédition nocturne d'une heure est offerte à ceux qui désirent étirer un peu plus une journée déjà bien remplie. Cette expédition se fait par groupe de six et les participants s'assoient dans la boîte d'un pick up. Valdimir se tient debout à l'avant de la boîte du camion et éclaire les environs avec un projecteur puissant. Le camion va lentement et nous avons tout le temps d'observer les êtres vivants qui se dévoilent à nos yeux. En cette première soirée, nous observons un Renard gris, quatre Cerfs de Virginie et sept Chouettes mouchetées (Mottled Owl).

Les autres observations intéressantes de la journée: le Jabiru d'Amérique (en vol par Jean Jacques seulement), le Caïque à capuchon (Brown-hooded Parrot), le Martinet de Cayenne (Lesser Swallow-tailed Swift), le Colibri jacobin (White-necked Jacobin), le Toucanet émeraude (Emerald Toucanet), le Pic or-olive (Golden-olive Woodpecker), le Grimpar fauvette (Olivaceous Woodcreeper), le Manakin à col blanc (White-collared Manakin), le Manakin à cuisses jaunes (Red-capped Manakin), le Microbate à long bec (Long-billed Gnatwren), le Troglodyte à ventre blanc (White-bellied Wren), l'Évêque bleu-noir (Blue-Black Grosbeak) et le Tangara à tête grise (Gray-headed Tanager).

Nous cumulons 98 espèces pour la journée et nous en sommes à 225 espèces pour le voyage.

3 mars 2006 : site Maya de La Milpa en AM;  le centre de compostage en PM

urubus dans la brûme matinale. photo Anne Déry.
Les oiseaux-vedettes de notre escapade d'avant déjeuner sont: la Paruline polyglotte (Yellow-breasted Chat) et l'Évêque paré, enfin observés par tous. Parmi les "habitués" des lieux, ceux qui se retrouvent invariablement au même endroit et à la même heure, figurent la douzaine d'Urubus à tête rouge (Turkey Vulture) toujours perchés sur les branches dénudées d'un grand arbre, tout près de l'entrée menant à la Milpa. J'ai d'ailleurs croqué cette image alors que les oiseaux perchés sortent lentement de la brume du matin. Et dire que quelques semaines auparavant, c'est un immature de Harpie féroce (Harpy Eagle) qui s'est tenu dans ces parages pendant une couple de jours. Ce rapace imposant a été réintroduit dans la réserve de la Milpa (six ont été relâchés au cours des derniers mois et sont suivis par une équipe de biologistes Américains, sous les auspices de la Société Audubon du Massachusetts). Les oiseaux sont donc suivis par télémétrie par les chercheurs qui, une fois qu'ils les ont retrouvés, prennent des photos et montent ainsi une imposante banque de données. Le défi de ces oiseaux est de trouver la nourriture pour survivre. En effet, ces gros oiseaux de proie ont comme nourriture préférée les singes et les paresseux. Or, il n'y a pas de paresseux au Belize et les singes ne sont pas aussi nombreux qu'au Costa Rica ou au Panama, par exemple. Un des chercheurs m'a montré quelques photos d'un immature qui tenait dans ses serres immenses un Coati ou Coatimundi, un gros représentant de la famille des procyonidés à laquelle appartient notre Raton laveur (Raccoon). Notre groupe n'aura pas la chance d'observer cet oiseau rare lors des multiples déplacements dans la réserve. Cependant, encore ce matin, Agadou, le docile dindon dodu, nous fait l'honneur de sa présence.
  la très belle forêt du site maya de La Milpa. Photo Anne Déry.
Après le  déjeuner, nous utilisons les deux véhicules du centre pour nous rendre sur le site archéologique maya de la Milpa, à quelques kilomètres de route. C'est quand même très impressionnant de se retrouver dans des lieux animés jadis par un peuple inventif qui a su créer un empire qui a rivalisé d'ingéniosité avec les Incas d'Amérique du Sud. S'il existe encore des descendants Mayas, les coutumes ancestrales ont disparu depuis belles lurettes.

Comme il n'a été découvert que depuis quelques décennies, ce site n'est pas encore nettoyé sur toute sa superficie, ce qui fait que la majorité des structures sont enterrées sous des tonnes de terre. Malgré cet état, certains petits temples servant de sépultures ont déjà été pillés. Vladimir, grâce à des dessins, nous montre ce qui se cache sous ces monticules de végétation et nous fait comprendre ce que la vie quotidienne pouvait avoir l'air à ce moment-là. C'est difficile d'imaginer que plusieurs dizaines de milliers de personnes vivaient ici et que des enfants, sans doute aussi énergiques que les nôtres, égayaient la forêt de leurs cris. C'est donc avec un sentiment d'émerveillement et de respect que nous marchons lentement dans cette belle forêt. Les grands arbres sont droits et ils atteignent facilement les trente mètres de haut. Le sous-bois est quand même assez éclairci, ce qui nous donne une bonne vision des oiseaux qui peuplent les environs. Nous découvrons ici des belles espèces, dont plusieurs sont des nouvelles pour le voyage: l'Amazone poudrée (Mealy Parrot), la Dryade couronnée (Purple-crowned Fairy), l'Araçari à collier (Collared Araçari), le Pic enfumé (Smoky-Brown Woodpecker), le Pic roux (Chestnut-colored Woodpecker), le Moucherolle royal (Northern Royal-Flycatcher), le Pipromorphe roussâtre (Ochre-bellied Flycatcher), le Smaragdan émeraude (Green Shrike-Vireo), la Paruline à ailes dorées (Golden-winged Warbler), la Paruline à couronne dorée (Golden-crowned Warbler) et la Paruline à flancs marron (Chestnut-sided Warbler).

le site de compostage. Laval et Jean Guy Picard en face de la fosse. Photo Anne Déry.Après un bon dîner, nous profitons d'une couple d'heures pour nous reposer, pour lire ou pour faire un peu de lavage et nous repartons vers les 15h00 pour une visite au site de compostage du centre, nommé également la décharge. C'est en fait une fosse d'environ six mètres sur quatre mètres, avec une profondeur de deux mètres, où tous les restants de table et de cuisine sont jetés. C'est à ciel ouvert, en pleine forêt et les nuées d'insectes qui survolent les matières en décomposition attirent une bonne variété d'oiseaux. Elle est située à quinze minutes de marche de nos chambres et nous empruntons le large chemin en terre battue pour nous y rendre.  Vladimir a pris soin d'aller installer deux bancs, les mêmes qui servent à s'asseoir dans les boites de camion pour les sorties nocturnes. Sur la photo, je suis en compagnie de mon ami Jean-Guy Picard. Même si les lieux sont enveloppés d'une odeur assez particulière, c'est très tolérable et l'agitation des oiseaux nous fait oublier ce côté assez facilement. C'est donc en position assise, pour la moitié du groupe, ou en position debout mais immobile pour l'autre moitié, que se font les observations durant l'heure qui suit. Et quelles belles observations: un couple de Jacamars à queue rousse (Rufous-tailed Jacamar) est perché à quelques mètres seulement de nous et ils sont affairés à surveiller les insectes qui survolent la fosse. Une Paruline à capuchon femelle (Hooded Warbler) se promène lentement en face de nous et elle est imitée par quelques Tangaras à tête grise (Gray-headed Tanager) qui nous dévoilent des oiseaux d'une grande beauté. Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour mon ami Pierre Bannon qui aurait fait des photos sublimes comme seul lui sait en faire. S'affairent également un Grimpar à ailes rousses (Tawny-winged Woodcreeper) qui nous montre les plaques aux ailes qui lui valent son nom et le diminutif Platyrhynque à queue courte (Stub-tailed Spadebill) vient rendre quelques visites au ravissement des observateurs ébahis. Celui que j'appelle affectueusement le "tididoc", à cause de son cri très particulier, est entendu à tous les jours, mais très rarement vu. Et voilà qu'il se tient là immobile et nous pouvons l'observer sous tous les angles. Un vrai petit bijou !!!  Une espèce plus familière pour nous les Québécois que nous sommes, soit un Moucherolle à ventre jaune (Yellow-bellied Flycatcher), se perche à deux mètres maximum et il reste dans les parages pendant quelques minutes. Une des vedettes de ces lieux est la Colombe à front gris (Gray-fronted Dove) qui se promène lentement le long du sommet de la fosse. Encore là, nous nous permettons une observation extensive de ce beau colombidé.

Il commence à se faire tard et le cri lointain du Grand Tinamou ou le roucoulement plaintif du Pigeon ramiret (Scaled Pigeon) nous font comprendre que la journée tire à sa fin. Nous revenons lentement par la route quand nous apercevons, à une distance d'une trentaine de mètres, les petits trous d'eau qui servaient avant hier de bains aux oiseaux de la forêt. Nous décidons d'attendre un peu en retrait et de vérifier si les mêmes espèces vont se représenter à ces lieux d'ablution. Alors que les premières Grives des bois (Wood Thrush) se présentent farouchement, nous voyons arriver sur la gauche une espèce de pigeon bas sur pattes et tout foncé. Et oui, une Colombe rouviolette (Ruddy Quail Dove) qui vient s'abreuver avant la nuit. Et cet autre petit oiseau au ventre jaune et aux moustaches noires, et oui la Paruline du Kentucky (Kentucky Warbler) est de retour. Une version semblable, mais en format réduit, de la Grive des bois est bientôt identifiée comme la Paruline couronnée (Ovenbird). Le seul colibri à se présenter est toujours l'Ermite à gorge rayée. Je ne sais pas où étaient les tinamous les autres journées, mais ce soir, nous entendons également le Tinamou de Boucard (Slaty-breasted Tinamou) et le Tinamou cannelle (Thicket Tinamou). Et le gros Carnifex à collier (Collared Forest-Falcon) est l'un des derniers oiseaux diurnes à se faire entendre avant la noirceur.
Engoulevent pauraque. Photo Roch Bernier.


Après la liste quotidienne, un petit groupe ira faire une sortie nocturne où seront observées les mêmes espèces que la veille avec, en prime, l'Engoulevent pauraque.

Nous bouclons cette journée avec 100 espèces pour la journée et nous en sommes à 243 espèces pour le voyage.






4 mars 2006 : Well's Trail en AM;  Mahogany Trail et centre de compostage en PM


Après une autre nuit très confortable, nous entamons notre tournée d'avant déjeuner. Cette excursion nous donnera l'occasion ce matin de tous observer un couple de Tohis à dos vert (Green-backed Sparrow), facilement attirés à découvert par l'enregistrement de leur propre chant. Je demande à Jean Jacques si on ne pourrait pas se concentrer ce matin pour attirer un Tétéma du Mexique (Mexican Antthrush). Cette espèce est vocale toute la journée, mais elle semble plus réceptive à répondre et à être attirée par son chant plus tôt en journée. Nous nous rendons donc dans le secteur où nous l'avons entendu deux jours plus tôt. L'oiseau commence à vocaliser par lui-même et Jean Jacques enregistre son chant et lui fait entendre à un rythme espacé et le plus naturel possible. L'oiseau s'approche lentement et il est maintenant bien près. Mais impossible de le voir. En revenant sur nos pas, nous observons des colibris qui butinent dans les grosses fleurs d'un arbre fruitier. Nous identifions l'Émeraude de Canivet (Canivet's Emerald), le Campyloptère pampa et la Dryade couronnée (Purple-crowned Fairy).

Après le déjeuner, alors que nous sommes encore à la salle à manger du centre, j'entends un son familier, mais que je n'ai pas entendu depuis au moins cinq ans (la dernière fois étant dans les Andes équatoriennes en 2000). Je crois reconnaître le Carnifex barré (Barred Forest-Falcon) et je le mentionne à Jean Jacques. Ne connaissant pas son chant, il ne peut me le confirmer. Mais voilà qu'arrive Vladimir et ce dernier nous souligne qu'il vient d'entendre l'espèce. Ordinairement, ce carnifex répond très bien à son chant, mais il semble plutôt timide ce matin. Nous entendons aussi le Carnifex à collier (Collared Forest-Falcon) qui crie dans le lointain.

Notre excursion de ce matin se fait dans un autre beau sentier qui mène à un ancien puits, d'où son nom de Well's Trail. C'est une belle forêt primaire et les sentiers sont bien balisés. Les espèces-vedettes dans ce sentier sont le Grand Hocco (Great Curassow), la Pénélope panachée (Crested Guan) et le Tamatia de Lafresnaye (White-whiskered Puffbird) que nous ne faisons malheureusement qu'entendre. L'entrée du sentier se situe à une dizaine de minutes de marche du centre et nous sortons très près de nos habitations. Pour moi le hocco est un rêve depuis nombre d'années. Même s'il est sur la liste du voyage, je l'ai manqué tellement souvent auparavant que je ne l'ai pas du tout en tête. Quand Jean Jacques me dit qu'il l'entend, mon sang ne fait qu'un tour. Ce gros cracidé émet des sons très bas et sourds qu'on n'associe pas à ceux d'un oiseau. Jean Jacques enregistre ces sons et les repasse. Tout le monde retient son souffle, car on "sent" que l'oiseau s'approche. Et voilà qu'il apparaît au-dessus de nos têtes, en vol plané. La grosseur de son corps et la largeur de ses ailes impressionnent à coup sûr. Nous avons le temps de voir sa tête hirsute et le bas ventre blanc. Quelle chance nous avons de voir cet oiseau d'aussi près et nous faisant un tel spectacle aérien. Moi qui suis si attentif aux sons, je suis aux anges d'avoir pu l'entendre dans la nature et d'avoir vu son comportement lorsqu'il s'est approché de nous avec lenteur et circonspection.

À l'heure du dîner, un Aigle Tyran glisse devant nous, sans donner un coup d'ailes, porté par l'air chaud de mi-journée. Après une couple d'heures de détente, nous repartons pour l'excursion d'après-midi. Notre programme comporte la visite d'un petit sentier situé juste en avant du centre de La Milpa: le Mahogany Trail. En plus d'observer des vieux spécimens de cet arbre réputé, nous rencontrons des espèces intéressantes comme le Pic de Pucheran (Black-cheeked Woodpecker), le Pipromorphe à tête brune (Sepia-capped Flycatcher), le Moucherolle à croupion jaune (Sulphur-rumped Flycatcher), la Paruline à couronne dorée (Golden-crowned Warbler)  et le Viréon à calotte rousse. Nous nous dirigeons ensuite au site de compostage où nous observons pendant environ trente minutes. Les espèces présentes sont les mêmes que la veille avec en prime un Troglodyte à ventre blanc très coopératif qui se nourrit au sol, de l'autre côté de la fosse. Un nouvel animal s'y retrouve également. Un Agouti brun, genre de gros Cochon d'Inde qu'on rencontre très souvent dans les forêts tropicales, se nourrit au sol, sans se soucier outre mesure de notre présence.

Dindon ocellé perché la nuit dans un cécropia. Photo Roch Bernier.
Nous prenons quelques minutes d'arrêt aux trous d'eau et nous n'ajoutons pas d'espèces nouvelles à cet endroit. C'est au son du rire moqueur du Macagua rieur (Laughing Falcon) que nous rejoignons le centre pour le souper. Après le repas, nous faisons la liste quotidienne et un groupe fait une dernière sortie. Même si nous couvrons le chemin opposé à notre première sortie, nous enregistrons sept Chouettes mouchetées, une Buse à gros bec (Roadside Hawk), une Amazone poudrée, trois Dindons ocellés  et deux Engoulevents pauraque. C'est très impressionnant de découvrir des gros oiseaux comme les dindons perchés dans des Cecropias, à quelques 25 mètres du sol. C'est une image qui restera longtemps gravée dans ma mémoire.

Voici donc une portion de voyage que je n'oublierai jamais, tellement elle m'a fourni de belles observations. J'en ai quelques autres à vous parler. À suivre...

À bientôt.



mardi 10 décembre 2013

Le + petit, le + grand et le + beau.



Lorsque nous faisons une sortie en nature, il est impossible de savoir à l'avance ce que nous découvrirons. Souvent nous planifions une sortie dans le but d'observer telle ou telle espèce, mais rien n'est jamais garanti. En 2013, Anne et moi n'avons pas encore ajouté le Harfang des neiges sur notre liste annuelle. Et comme l'hiver 2013-2014 semble être un "hiver à harfang", il ne fallait pas manquer le train. C'est donc samedi matin le 7 décembre que, après avoir regardé les mentions rapportées sur le forum Ornitho-Qc et sur la ligne rouge locale du COQ, nous décidons de nous essayer au bout du rang des Beaumont, dans l'arrondissement Sainte-Foy, ville de Québec. Nous découvrons un superbe chemin en milieu agricole, mais aucune trace de harfang. La destination sûre qui s'impose est donc le chemin d'Azur près de Saint-Vallier / La Durantaye, la fameuse "route des harfangs" popularisée par Jacques Samson, chroniqueur au journal "Le Soleil".

Et là nous ne sommes pas déçu. Avant même que nous n'empruntions le chemin d'Azur, voilà que Anne repère un Harfang des neiges / Bubo scandiacus / Snowy Owl  immature posé dans un champ. Même s'il est éloigné, je ne suis pas du genre à le déranger en essayant de l'approcher pour réussir une meilleure photo. Je prends ce que la nature me donne et je fais avec. Après environ cinq minutes de guet, bien assis dans le véhicule, voilà que nous voyons s'approcher un petit groupe de Plectrophanes des neiges / Plectrophenax nivalis nivalis / Snow Buntings.

Le premier plectrophane attire l'attention du rapace et nous assistons presque à un contact visuel entre les deux comparses de la toundra. "Peut-être se sont-ils déjà rencontrés dans le nord du Québec ?" que je me demande intérieurement. "Qui sait ?".



Et cet éclaireur est bientôt suivi du reste de cette petite volée comptant une vingtaine d'individus tout au plus.




Aussi surprenant que cela puisse paraître, le harfang peut très bien s'accommoder d'un plectrophane comme amuse-gueule. Pour connaître la panoplie de proies potentielles de ce rapace autant diurne que nocturne, je vous réfère à un article écrit en janvier 2013 à l'adresse suivante. Et voilà donc deux espèces nichant dans le grand nord du Québec et qui nous font le bonheur de nous visiter en hiver. Ça fait bien plus d'une décennie que le harfang ne s'était pas montré en si grand nombre sous nos latitudes. Dans les années 1970-80, on pouvait l'espérer aux quatre ans et c'était réglé comme une horloge.

Après une si belle rencontre, nous nous dirigeons vers le Domaine de Maizerets, ville de Québec. Le PLUS PETIT de nos strigidés, la Petite Nyctale / Aegolius acadicus acadicus / Northern Saw-whet Owl y est observée depuis quelques jours. Depuis 2005, nous ne comptons plus les tentatives avortées pour l'apercevoir dans ce parc municipal. Et voilà que le 7 décembre 2013 est la bonne journée. La chouette lilliputienne est cependant bien camouflée dans une épinette et cette photo est le mieux que je peux en tirer... mais ça me convient très bien.


La prochaine destination nous amène dans le Parc linéaire de la rivière Beauport, ville de Québec. Ce qui nous attire là est la présence du PLUS GRAND des strigidés québécois, le Grand-duc d'Amérique / Bubo virginianus virginianus / Great Horned Owl. Nous avons devant nous une grosse femelle au plumage foncé. Un observateur rencontré sur le terrain nous dit qu'il voit quelques fois le mâle reconnaissable à son plus petit gabarit et à son plumage plus gris. C'est vrai qu'elle est énorme. Quelle différence avec la petite chouette observée antérieurement. Elle aussi se tient dans un conifère, mais il est de taille supérieure. En cette fin de journée, elle se baigne des derniers rayons de soleil avant de s'activer durant la nuit.


Et c'est le dimanche matin que nous nous rendons en véhicule à environ dix minutes de la maison. Je suis bien intrigué de voir le PLUS BEAU canard du monde, le Canard mandarin / Aix galericulata / Mandarin Duck, même s'il s'agit indubitablement d'un échappé de captivité et qu'il se tient dans un environnement tout-à-fait incongru. Beaucoup de travaux d'infrastructure routière ont été faits au cours des deux dernières années sur le tronçon de l'autoroute Robert Bourassa. Des bretelles d'accès et de sortie ont été modifiées et, au niveau du boulevard du Versant nord, une énorme dépression entre des voies très achalandées a permis une accumulation d'eau appréciable. La nature ayant horreur du vide, il n'en fallait pas moins pour attirer des Canards colverts, accompagnés par un splendide mâle de Canard mandarin. D'où vient-il ? On ne le sait pas. À l'état sauvage, ce dernier fréquente les étangs, les petits lacs et les mares, toute étendue d'eau douce aussi modeste soit-elle pourvu qu'elle se situe à proximité d'une forte densité d'arbres, d'arbustes et d'arbrisseaux d'essences les plus diverses dont certains surplombent la surface de l'eau. Ces exigences ne sont pas sans rappeler celles de son cousin le Canard branchu / Aix sponsa / Wood Duck. Ils sont d'ailleurs les deux seuls représentants du genre Aix. Le Canard mandarin n'est considéré à l'état sauvage que dans le nord est de l'Asie.

Le Canard mandarin mâle a le dessus de la tête vert et roux cuivré, les joues partiellement blanches, le bec rouge. Une touffe de grandes plumes orange dressées, en forme d'éventail, retombe sur le haut des ailes. Une double ligne blanche accolée d'une double ligne noire encadre les côtés de la poitrine brune et blanche. Le ventre blanc précède une queue relativement longue et noire. Enfin, les plumes ornementales brun-orange des ailes sont des rémiges tertiaires, ses ailerons lui ont valu le nom scientifique de galericulata qui en latin signifie 'galère'. *



Il est un canard de surface : il nage bien mais il ne plonge que très rarement et uniquement en cas de danger. Il se déplace également avec aisance sur la terre ferme et il ne lui déplaît pas de se percher à des hauteurs variables dans les arbres où il peut trouver abri et refuge en cas de nécessité. D'autre part, le rapport entre l'envergure des ailes et son poids lui permet d'obtenir une très bonne navigabilité et d'être considéré comme un des meilleurs anatidés en ce qui concerne la qualité de vol. En bref, on peut le considérer comme un excellent canard "tout-terrain". * 


Il est omnivore. En plus des graines et des fruits qu'il prélève sur la végétation forestière, il se nourrit d'insectes aquatiques et de petits poissons qu'il capture aux alentours et à l'intérieur des mares. *

 


Après avoir vu le + petit, le + grand et le + beau dans la même fin de semaine, comment ne pas se sentir privilégiés ?  La nature est belle et généreuse.


À bientôt,


Bibliographie consultée

* http://www.oiseaux.net/oiseaux/canard.mandarin.html






vendredi 29 novembre 2013

De ma fenêtre.



Lorsque nous demeurons en ville, nous avons tendance à croire qu'il faut sortir de chez soi et parcourir plusieurs kilomètres afin de nous retrouver dans un milieu plus propice pour pouvoir observer une bonne variété d'oiseaux. Mais ce n'est pas tout à fait le cas. Pour peu que notre cour soit entourée d'arbres, d'arbustes ou de haies arbustives, et que nous ayons mis des graines dans des mangeoires à l'usage des oiseaux, nous pouvons espérer observer de quelques à plusieurs espèces selon la saison. Même si nos visiteurs réguliers ou occasionnels ne nichent pas directement dans notre cour, celle-ci peut leur servir de point d'arrêt pour s'abreuver, se nourrir, se reposer ou s'abriter. Grâce à leur capacité de vol, les oiseaux se déplacent plus rapidement et sur de plus longues distances que nous et nous pouvons les observer bien souvent dans des lieux où on ne les attendrait normalement pas. Et c'est d'autant plus vrai en période migratoire alors que des espèces nichant plus au nord, à l'est ou à l'ouest peuvent visiter nos cours lors des migrations printanière et automnale.

Anne et moi vivons ensemble depuis 2005 et notre maison se situe dans la ville de Québec, dans l'arrondissement de Sillery. Nous avons la chance d'habiter un quartier où il y a des arbres assez vieux. C'est calme et il y a des oiseaux. Nous avons installé un bain d'oiseau sur pied et trois mangeoires remplies uniquement de graines de tournesol noires. L'hiver, il nous arrive d'ajouter du gras (suif) dans une petite cage faite expressément pour ça ou de badigeonner une bûchette de bois avec du beurre d'arachide et nous la suspendons pour les pics, geais, mésanges et sittelles. Et c'est à partir de l'intérieur de la maison que je prends la majorité de mes photos. Il est bien évident que la distance et l'intensité de la lumière peuvent devenir des points négatifs en m'empêchant d'obtenir le maximum d'efficacité, mais c'est toujours un plaisir que de voler des instants de vie à toutes ces créatures que nous aimons voir s'activer si près de nous.

J'ai pensé vouer ce billet à ces oiseaux et ces animaux qui animent ma cour. Toutes les photos ont été prises à partir de l'intérieur de la maison.

Je commence par un oiseau de ville qui ne passe jamais inaperçu avec sa voix rauque. C'est un omnivore qui bouffe à peu près tout ce qui tombe sous son bec.

J'ai été très surpris, lors de mon arrivée en ville en 2005, de constater que la Corneille d'Amérique / Corvus brachyrhynchos brachyrhynchos / American Crow était si abondante en milieu citadin. Elle niche depuis quelques années dans des grandes épinettes sur le terrain de mes voisins et elle vient boire dans le bain d'oiseaux sur pied dans ma cour. Elle mange également les graines de tournesol noir tombées au sol. Photo prise à partir de la fenêtre de la cuisine.
À la campagne, l'espèce suivante est beaucoup plus commune, car elle se tient dans les bâtiments de ferme, autour des animaux. En ville, sa population a périclité lorsque l'usage des chevaux dans les rues a disparu.
Le Moineau domestique  / Passer domesticus domesticus / House Sparrow est très localisé en ville. J'en accueille à l'occasion dans ma cour, mais il est loin d'être régulier. Par contre, lorsqu'on en trouve, il se tient souvent en petits groupes pouvant compter une vingtaine d'individus. Il s'abrite alors dans des haies de cèdres ou des grands conifères afin de contrer les intempéries et les prédateurs comme les faucons, éperviers, pie-grièches et chats. Photo prise à partir de la fenêtre de la chambre à coucher.

La Tourterelle triste / Zenaida macroura carolinensis / Mourning Dove n'est pas très régulière non plus. Elle a de plus en plus envahi le Québec à partir de 1970 en provenance des USA. À l'instar d'autres espèces comme le Cardinal rouge, la tourterelle a su tirer profit de la mode toujours grandissante des mangeoires d'oiseaux pour agrandir son aire de distribution vers le nord. C'est toujours un plaisir de la voir atterrir dans mon gazon à la recherche des graines tombées par terre. Et la joie est encore plus amplifiée lorsqu'elle nous gratifie de son roucoulement doux et mélancolique qui lui a valu son nom. Photo prise à partir de la fenêtre de la chambre à coucher.


Le Roselin familier / Carpodacus mexicanus frontalis / House Finch a connu une expansion plus au nord quelques décennies après la tourterelle, mais pour la même raison. Je me souviens qu'Yves Aubry, au Service Canadien de la Faune, m'avais annoncé autour des années 1990 que le premier nid de ce roselin venait d'être confirmé à Québec. C'était toute une fête lorsqu'un individu était observé à ce moment-là. Maintenant, c'est un oiseau commun en ville et il visite quotidiennement nos mangeoires. Photo prise à partir de la fenêtre de la chambre à coucher.

Année après année, le Bruant chanteur / Melospiza melodia melodia / Song Sparrow nous fait l'honneur de venir égayer notre cour par sa présence et surtout par son chant mélodieux. Granivore, il vient se nourrir au sol des graines de tournesol et du maïs concassé que je mets à la disposition des bruants. Photo prise à partir de la fenêtre du salon.

J'ai toujours adoré cet oiseau. Le Junco ardoisé / Junco hyemalis hyemalis / Dark-eyed Junco passe dans notre cour lors des migrations annuelles. Il reste une dizaine de jours, autant au printemps qu'à l'automne. Son trille doux retentit tôt le matin et les interactions entre les individus de cette espèce sont nombreuses. C'est un oiseau actif et énergique qui ne passe jamais inaperçu. Photo prise à partir de la fenêtre de la chambre à coucher.

Et voici notre "petit Frédéric", le Bruant à gorge blanche / Zonotrichia albicollis / White-throated Sparrow. Qu'il est beau avec ses belles rayures noires et blanches sur la tête et cette tache jaune entre l'oeil et le bec. Dès l'instant de son arrivée dans la cour, il trahit sa présence avec son cri de contact court et aigu. Il s'agit alors de fouiller attentivement les lieux pour le surprendre au sol, en train de gratter les feuilles mortes à la recherche de nourriture. Photo prise à partir de la fenêtre de la chambre à coucher.

En voici un qui passe plutôt furtivement dans plusieurs cours sans se faire repérer. Le Bruant fauve / Passerella iliaca iliaca / Fox Sparrow est très timide et il ne se montre en milieu ouvert qu'avec circonspection. Nous avons eu la chance d'en avoir deux dans notre cour lors de la migration automnale. Nous le voyons habituellement lors des deux migrations, mais il ne demeure pas longtemps. Photo prise à partir de la fenêtre de la chambre à coucher.

Voici probablement l'espèce la plus convoitée par toutes les cours du Québec. Le Cardinal rouge / Cardinalis cardinalis cardinalis / Northern Cardinal. Cet oiseau apporte beaucoup de couleur et d'animation dans une cour. Super timide, on ne le voit souvent qu'à l'aube et qu'au crépuscule. Cependant, dès qu'il niche dans le secteur, on a la chance d'entendre ses sifflements caractéristiques à toute heure du jour. Il annonce toujours son arrivée par un "tchic" métallique. C'est d'ailleurs grâce à ce son que nous pouvons estimer plus facilement le nombre de cardinaux dans notre entourage. Une petite marche dans les environs permet d'avoir une bonne idée de sa présence. Nous avons la chance d'avoir au moins deux couples tout près de chez nous. Photo prise à partir de la fenêtre de la cuisine.

La Mésange à tête noire / Poecile atricapillus atricapillus / Black-capped Chickadee est sans doute l'espèce la plus répandue en ville. Elle est commune et toute cour offrant des graines est assurée d'en attirer. Il est très difficile de connaître le nombre exact de mésanges visitant notre cour. On dirait que ce sont toujours les mêmes, mais c'est trompeur. J'ai lu qu'un ornithologue amateur croyait d'abord avoir cinq ou six individus à ses mangeoires avant qu'il ne commence à les baguer. Il en a finalement bagué plus d'une trentaine. L'an dernier, nous avions une mésange avec toutes les plumes de la queue blanche. Il était alors facile de la différencier des autres. Cette année, voici une autre mésange avec un plumage anormal. Les plumes de sa queue sont blanches. Les primaires et les secondaires sont blanches, ainsi qu'une partie des grandes couvertures alaires. Elle a le corps plutôt beige et sa calotte est brune au lieu d'être noire. Je dois avouer que ça lui donne un air exotique plutôt intéressant. Elle vient irrégulièrement et j'ai été très chanceux de pouvoir prendre cette photo à partir de la fenêtre de la cuisine. Heureusement, il faisait soleil ce jour-là.

Aucune paruline ne visite notre cour en dehors des périodes migratoires. Nous en observons plus au printemps alors qu'elles sont en plumage nuptial. C'est par une journée froide et pluvieuse, le 22 mai dernier, que cette belle Paruline tigrée / Setophaga tigrina / Cape May Warbler est venue fouiller sous les feuilles d'un érable à quelques mètres seulement de la fenêtre de notre salon. J'ai été chanceux de pouvoir réaliser ce cliché. 

Notre liste de cour contient maintenant 105 espèces différentes d'oiseaux et je ne peux tous vous les présenter dans cet article. Cependant, avant de terminer, voici deux chapardeurs professionnels qui ne cessent de vider les mangeoires de NOS oiseaux. Je les ai pris en flagrant délit cet après-midi même.

Le premier est petit, roux, agressif et d'une vitesse désarmante. Il garde jalousement sa provision de nourriture et il chasse tout autre sciuridé qui songerait seulement à s'approcher. Heureusement, il passe de longues minutes loin de la mangeoire alors qu'il chasse les intrus et les oiseaux ont amplement le temps d'en profiter pour se nourrir.

Et voilà mon ami l'Ecureuil roux nord-américain / Tamiasciurus hudsonicus / North American Red Squirrel en train de se nourrir à une mangeoire dite "anti écureuils". Il ne semble pas savoir qu'il ne peut s'y nourrir. Photo prise à partir de la fenêtre de la cuisine.
   

Et voilà son gros cousin l'Écureuil gris / Sciurus carolinensis / Eastern Gray Squirrel qui ne ménage pas les efforts, lui non plus, pour vider une mangeoire dans un temps record. Photo prise à partir de la fenêtre de la cuisine.

Rien ne les arrête quand vient le temps d'aller chercher la nourriture. Nous voyons son tour d'oeil dans l'ouverture du haut de la mangeoire.

Mais l'oiseau le plus bizarre à être venu à cette mangeoire est celui-ci.




Selon la littérature consultée, il s'agirait d'une sous-espèce du Chardonneret jaune qui aurait un long coup de girafe: le Chardonneret jaune à cou de girafe / Giraffe-necked American Goldfinch. Je  ne l'ai jamais vu arriver à la mangeoire et je ne l'ai pas vu repartir non plus. Avouez que c'est intriguant. Je me demande bien quelle allure il peut avoir en vol ? Gardez l'oeil ouvert, on ne sait jamais.


À bientôt !






mercredi 13 novembre 2013

L'autre zoo.



Après six semaines passées en forêt boréale, du nord du réservoir Gouin jusqu'à Chapais à l'est et jusqu'à Waswanipi à l'ouest, quoi de mieux pour Xavier Francoeur et pour moi même que de nous changer les idées en allant visiter un zoo qui se consacre à la nature boréale. Question de voir de plus près ce que nous avons observé lors de nos recherches ou de voir ce que nous avons manqué. C'est donc le 6 juillet 2013 que nous décidons de passer une journée de relâche au Zoo de Saint-Félicien situé au nord ouest du Lac-Saint-Jean.

Je passe au moins une fois annuellement devant cet endroit et je me promettais depuis longtemps de m'y arrêter.

Xavier et moi avons été ravis de cette visite. Nous avons aimé l'approche adoptée par ce zoo d'un autre genre. Le concept de zoo ne rencontre pas l'approbation de tous. Et il me laisse moi-même quelque peu perplexe. Bien sûr, tous les animaux devraient être libres de vivre leur vie animale et on a trop souvent en tête ces cages exiguës où l'animal peut à peine bouger, où il a été totalement coupé de son habitat naturel. Je dois avouer ne pas avoir visité plusieurs jardins zoologiques. J'ai visité le défunt Jardin Zoologique de Québec à quelques reprises seulement et je suis bien content qu'il soit fermé. Les infrastructures étaient vieilles et mal adaptées pour assurer un environnement idéal pour les animaux en général. J'ai encore en tête l'image de ce pauvre Ours polaire qui répétait le même vas-et-vient pendant des heures.

J'ai visité également le Jardin Zoologique de San Diego, situé dans le Balboa Park en Californie et j'avais été beaucoup plus impressionné. Les enclos étaient plus grands, plus aménagés et, surtout, plus adaptés à l'animal qu'ils encadraient. Avec ses 4 000 animaux (800 espèces) hébergées dans un espace boisé de 40 hectares, c'est l'un des plus importants zoos du monde. C'est l'un des leaders en matière de bien-être animal et de protection des espèces menacées. L'une des priorités est la mise en place d'infrastructures les plus naturelles possibles tant pour les animaux que les visiteurs. On y trouve notamment des tigres, des pandas, des ours et des gorilles, une importante collection d'oiseaux et de reptiles, ainsi qu'un arboretum contenant des essences rares. Le zoo a sa propre plantation de bambous pour nourrir les pandas et d'eucalyptus pour les koalas.


Mais voilà que notre visite à Saint-Félicien nous a fait écarquiller les yeux.


Le Cygne trompette / Cygnus buccinator / Trumpeter Swan est le plus pesant des oiseaux natifs d'Amérique du Nord et il est, en moyenne, l'espèce de sauvagine la plus grande sur terre. C'est la contrepartie nord américaine du Cygne chanteur / Cygnus cygnus / Whooper Swan et ils ont même déjà été considérés par certaines autorités comme étant la même espèce.


Cette belle espèce fait d'ailleurs courir bien des ornithologues de partout au Québec alors qu'un individu se retrouve présentement parmi des milliers de Bernaches du Canada à Saint-Jean-sur-Richelieu.


Le Zoo sauvage de Saint-Félicien, un vaste complexe animalier de 485 hectares, offre à ses visiteurs un contact privilégié avec  plus de 1 000 animaux, dont 75 espèces indigènes et exotiques, comme les Macaques japonais, les Tigres de l’Amour et les Chameaux de Bactriane. Le Parc des sentiers de la nature, sillonné par un train, balade les visiteurs sur un parcours de sept kilomètres où cohabitent les grands mammifères nord-américains en liberté dans le parc. Et même si le train n'arrête pas, il est quand même possible d'observer les animaux en liberté et nous pouvons même espérer prendre des photos tout en essayant d'éviter les têtes des autres touristes bien installés dans le véhicule tout comme nous.


Le gros mammifère qui m'a le plus impressionné est le Bison d'Amérique / Bison bison bison / American Bison. Il est en fait le plus gros mammifère terrestre des trois Amériques.





Le parc abrite plusieurs dizaines de ces bovidés et nous pouvons en observer de différents âges dont des jeunes de l'année ou leurs aînés d'un an ou deux.



Les pauvres bêtes n'arrivent pas à se débarrasser tout à fait des mouches qui les harcèlent constamment.


Dans la même grande prairie où se retrouvent les énormes bisons, nous pouvons observer des petits mammifères terrestres qui sont inféodés au même type d'habitat. On se croirait dans les prairies de l'ouest canadien.


Le Chien de prairie à queue noire / Cynomys ludovicianus / Black-tailed Prairie Dog est un rongeur qui se nourrit d'insectes et de plantes herbacées. C'est un animal grégaire, en d'autres termes, il vit en groupe, et ne semble véritablement s'épanouir qu'au contact de ses congénères.  Ils creusent de vastes galeries souterraines organisées. L'entrée est munie d'un petit dôme afin de permettre une meilleure visibilité, ces chiens de prairie étant d'excellents sentinelles prêtes à déclencher l'alerte au moindre danger.


Un autre bovidé emblématique de la boréalie, le Boeuf musqué / Ovibos moschatus / Muskox se retrouve beaucoup plus au nord où il se nourrit de plantes herbacées, de mousses, de lichens, de feuilles et de ramilles. Son nom provient de la forte odeur que le mâle émet lors de la période d'accouplement. Nous l'observons en petits groupes à Saint-Félicien.




Le Bœuf musqué est un animal massif protégé par une longue toison très isolante. Sa laine, appelée qiviut, est plus fine que le cachemire. Il est appelé omingmak par les Inuits, ce qui signifie « l’animal dont la fourrure est comme une barbe ».



Un peu plus loin voilà que ce sont les ursidés qui sont en vedette. Nous repérons d'abord un Ours grizzli / Ursus arctos horribilis / Grizzly Bear qui déambule nonchalamment à moins de 100 mètres du train. Bien content de ne pas être placé à découvert à une telle distance de ce grand prédateur. Même s'il n'est pas un prédateur reconnu de l'homme, ce gros nounours est plutôt imprévisible et mieux vaut se tenir à une bonne distance.




L'Ours grizzli est un mammifère omnivore de la famille des ursidés, considéré comme une sous-espèce de l'Ours brun, commune au nord des États-Unis et au Canada. À l'état sauvage il existe entre 30 000 et 45 000 individus. Cette espèce est absente de nos forêts nordiques québécoises.



Et voilà qu'un ursidé plus commun pour nous, un gros Ours noir / Ursus americanus / Black Bear, apparaît après une grande courbe de la route. Il est plus près de nous que ne l'était son gros cousin, mais il évoque chez nous moins de crainte. D'ailleurs, bon an mal an, c'est une moyenne d'environ sept ours par année que j'ai rencontrés lors des quatre années où j'ai participé aux travaux de l'Atlas des Oiseaux Nicheurs du Québec.



Omnivore, l'Ours noir se nourrit principalement de végétaux, de baies, de larves, d'insectes, de petits mammifères, de poissons, d'animaux morts, de déchets et parfois d'oiseaux. Il est très craintif de l'homme et on observe plus souvent son arrière-train que son museau.



Comme nous nous déplaçons en pleine nature, dans des habitats idéaux pour les animaux, nous devons ouvrir l'oeil, car ils peuvent se cacher à notre vue tout comme ils le feraient envers leurs prédateurs naturels. C'est ainsi que j'ai pu prendre des clichés d'un couple de Cerfs de Virginie / Odocoileus virginianus / White-tailed Deer.



Cette femelle Cerf de Virginie se tient debout dans une végétation très haute et elle ne laisse voir que sa tête. Lorsqu'elle se tient immobile, elle n'est pas évidente à repérer.  La seule partie qui trahit sa présence se situe au niveau du pavillon de son oreille qui change continuellement de position à la recherche d'un bruit suspect.




Ce mâle Cerf de Virginie est observé plus loin et parmi une végétation bien différente et plus fournie que la femelle. Aux États-Unis, on estime que suite à une gestion de contrôle des populations, la population américaine de Cerf de Virginie est passée d'environ 300 000 individus vers 1930 à 30 millions aujourd'hui, soit une multiplication par 100, ce qui a notamment pu profiter aux tiques, lesquelles diffusent la maladie de Lyme.



Le dernier des cervidés présent sur le site est le Caribou des bois / Rangifer tarandus caribou / Woodland Caribou. À l'instar du Boeuf musqué, on le trouve plus au nord où il se nourrit de lichens, de mousses, d'herbes, d'écorces, de feuilles et de ramilles. À cause de la chaleur et de la présence des insectes piqueurs lors de notre visite, beaucoup d'individus se tiennent dans l'eau et trop loin pour une photo. Finalement, une femelle s'approche, accompagnée bien sûr de ses petits amis ailés.



Le Caribou des bois vit en faible densité (d'un à trois individus par 100 km2) dans toute son aire de répartition, laquelle se situe généralement entre le 49e et le 52e parallèles, dans l’est du Canada. Il constitue une proie avantageuse pour le loup en termes de temps de manipulation et de risques (blessures ou de mortalité) associés à la capture, ce qui pourrait expliquer ses faibles densités en milieu forestier, particulièrement en présence de l’orignal, cette espèce soutenant les populations de loups.



Après une heure de balade en train sur une distance de sept kilomètres, nous revenons dans la partie du parc ressemblant davantage à un jardin zoologique traditionnel. Différentes espèces sont dans des enclos, mais érigés avec un souci de reproduire le plus possible leur habitat naturel.


Les deux bovidés qui suivent ne se rencontrent pas au Québec. Pour espérer les observer, il faut se rendre dans l'ouest canadien. Ce sont des herbivores qui affectionnent les endroits rocheux où ils se déplacent à une vitesse remarquable et avec une agilité incroyable. Le mouflon peut grimper à une vitesse de 50 km/hre.




Le Mouflon canadien / Ovis canadensis / Bighorn Sheep constitue l'une des deux sous-espèces de mouflons nord-américains. Son pelage peut aller du gris-brun clair au gris-brun foncé voire brun chocolat. Les mâles ont des grandes cornes incurvées, alors que celles de la femelle sont courtes et à peine incurvées.



La Chèvre des montagnes Rocheuses / Oreamnos americanus / Mountain Goat est un caprin (i.e. de la sous-famille des caprinés) qui habite les montagnes nord-américaines. Elle possède une robe blanche, une barbe, une courte queue et de fines cornes noires. Malgré son apparence trapue, elle est très habile dans les rochers.



L'Ours grizzli / Ursus arctos horribilis / Grizzly Bear possède une force phénoménale. Il est le roi des prédateurs en boréalie. On l'a ainsi observé chasser des bœufs musqué adultes, des bisons, jeunes ou adultes, s'attaquer à des ours noirs et les tuer. Il n'hésite absolument pas à aller disputer aux loups leurs proies. D'une manière générale, les grands grizzly mâles adultes arrivent à dominer une meute complète de loups. Ainsi, dans le parc de Yellowstone on a observé un grizzly prendre le contrôle d'une carcasse où 14 loups se trouvaient. 




L'Ours blanc / Ursus maritimus / Polar Bear et l'Ours grizzli ont divergé génétiquement il y a 200 000 ans, mais peuvent encore s'hybrider pour donner un animal connu dans les pays anglophones sous le nom de grolar ou de pizzly, « ours polaire » se disant « polar bear » en anglais. Il est un grand mammifère carnivore originaire des régions arctiques. C'est, avec l'Ours kodiak, le plus grand des carnivores terrestres et il figure au sommet de sa pyramide alimentaire. Pourvu d'une courte queue et de petites oreilles, il possède une tête relativement petite et fuselée ainsi qu'un corps allongé, caractéristiques de son adaptation à la natation. L'ours blanc est un mammifère marin semi-aquatique, dont la survie dépend essentiellement de la banquise et de la productivité marine. Il chasse aussi bien sur terre que dans l'eau. Son espérance de vie est de 20-25 ans.




Garder un oiseau de proie en captivité est soumis à autorisation. Seules les institutions publiques à vocation éducative sont autorisées à posséder cet oiseau. Elles montrent des animaux qui ont été blessés et qui ne peuvent survivre dans le milieu naturel.




Le Pygargue à tête blanche / Haliaeetus leucocephalus washingtoniensis / Bald Eagle, malgré son nom anglais et son nom vernaculaire d'Aigle à tête blanche, n'est pas un aigle du genre Aquila mais d'un pygargue du genre Haliaeetus : il s'en distingue par son régime alimentaire, essentiellement composé de poissons, mais aussi par son bec massif et par le fait que ses pattes ne sont pas recouvertes de plumes jusqu'aux serres, l'un des caractères propres aux vrais aigles. Alors que l'aigle vit dans les massifs forestiers et les montagnes, le pygargue préfère les lacs, les rivières et les zones côtières où il peut trouver sa nourriture..




La Buse rouilleuse / Buteo regalis / Ferruginous Hawk est le plus gros représentant des rapaces nord-américains du genre Buteo. Parmi les 36 représentants de ce genre au niveau mondial, seule la Buse de Chine / Buteo hemilasius / Upland Buzzard d'Asie peut atteindre des dimensions comparables. Les adultes possèdent des ailes longues et larges et une queue grise, rouille ou blanche. À l'instar de la Buse pattue / Buteo lagopus / Broad-winged Hawk, les pattes sont emplumées jusqu'aux serres. Son plumage possède également deux formes de coloris. 




Dans la chaîne alimentaire de la toundra, le Harfang des neiges / Bubo scandiacus / Snowy Owl occupe avec le renard la place la plus élevée : celle du prédateur. Cependant, dans ce système vivant très simplifié, ces carnivores spécialisés sont aussi très vulnérables ; très efficaces lorsque les lemmings sont abondants, ils sont voués à la famine ou à l'exil quand se raréfie ce gibier qui constitue l'essentiel de leur menu. Si le père harfang disparaît pendant la période de croissance des jeunes, jamais la mère ne pourra les alimenter seule.



Le volet éducatif est un élément important lorsqu'on pense à un jardin zoologique, de facture traditionnelle ou non. En plus d'avoir la chance d'observer des animaux nord-américains, la pensée de pouvoir voir évoluer des animaux de régions éloignées, qu'on ne visitera probablement jamais, est un facteur qui porte bien des gens à visiter les différents zoos. De ce point de vue, le zoo de Saint-Félicien a bien fait ses devoirs. À titre d'exemple, je vous présente deux animaux d'une grande beauté dont la survie n'est pas assurée à très long terme.




La population mondiale estimée de la Grue du Japon / Grus japonensis /  Red-crowned Crane est de seulement 2 750 à l'état sauvage, incluant environ 1 000 individus constituant la population résidente du Japon. De la population migratrice, environ 1 000 hivernent en Chine et le reste en Corée. On a accordé le statut d'espèce en danger le 2 juin, 1970. C'est l'une des plus grandes et des plus rares espèces de gruidés. Partout où elles s'observent, elle est un symbole de chance, de longévité et de fidélité. Tout ce qu'on peut dire aujourd'hui c'est que, par ses actions destructrices, l'homme est loin de lui être fidèle et qu'il lui donne vraiment peu de chance de connaître la longévité.




Le Tigre de l'Amour / Panthera tigris altaica / Siberian Tiger se trouve au bord de l'extinction dans les années 1930 avec une estimation des individus sauvages comprise entre 20 et 30 individus. Dans les années 1980, on compte 250 à 430 individus et l'ouverture de chasse sportive est même proposée afin de réguler la population qui s'attaque au bétail car elle n'aurait pas assez de gibier pour survivre. De plus, le braconnage, la déforestation et l'exploitation minière sauvage accroissent la pression humaine sur le félidé. Entre 1992 et 1994, quarante à soixante tigres sont braconnés chaque année pour leur peau et leurs os, à destination du marché chinois. En 1994, la population mondiale retombe entre 150 et 200 individus. En 2010, l'UICN considère qu'il reste entre 18 et 22 tigres de Sibérie en Chine, 331 à 393 tigres en Russie (tigres adultes et subadultes, la population fertile approcherait 250 individus) et qu'il est possible que des tigres survivent en Corée du Nord. Fin 2009, on estime à 500 le nombre de tigres vivant à l'état sauvage en Corée du Sud, tandis que 421 sont élevés en captivité.



Le Tigre de Sibérie ou Tigre de l'Amour est la plus grande sous-espèce du tigre. Il est le troisième plus gros prédateur terrestre derrière l'Ours kodiak et l'Ours blanc. L'Amour est un fleuve d'Asie qui s'étend sur 4 354 km depuis la source de l'Argoun, ce qui en fait le premier fleuve de Sibérie et le quatrième d'Asie pour la longueur de son cours. La province du Heilongjiang en Chine où il s'écoule doit son nom au nom chinois de l'Amour.




Xavier et moi-même avons découvert d'autres espèces durant cette courte visite d'environ quatre heures, mais je crois vous en avoir assez montré pour vous donner le goût d'aller y faire un tour.




À bientôt !