jeudi 22 juin 2017

Les oiseaux se cachent pour mourir... ou pour dormir ?




Certains d'entre vous se rappelleront sans doute de la mini-série américaine Les oiseaux se cachent pour mourir (The Thorn Birds),  présentée en cinq épisodes de 120 minutes et réalisée par Daryl Duke d'après le roman best-seller de Colleen McCullough. Elle a d'abord été diffusée du 27 mars au 30 mars 1983 sur le réseau ABC, mais c'est la version française que j'ai visionnée.





Le titre m'a d'abord intrigué et, comme je n'avais aucune idée de ce qui serait présenté au petit écran, j'ai décidé de m'y intéresser. J'ai adoré cette série même s'il n'était aucunement question d'oiseaux. L'histoire se déroulant en Australie et en Nouvelle-Zélande, c'était déjà un élément qui m'intéressait énormément. 





Dans ce billet, je fais aujourd'hui un clin d'oeil au titre de ce film qui avait alors capté toute mon attention. À bien y penser, comment se fait-il, considérant l'abondance des oiseaux dans la nature, que nous ne trouvions pas plus souvent des carcasses d'oiseaux morts ? Après tout, se cachent-ils vraiment pour mourir ? Bien sûr que non !!! Je serais porté à croire que la fragilité de leur squelette et leur faible masse corporelle font que leurs corps se dégradent très vite lorsqu'ils meurent. Ce qui expliquerait d'ailleurs l'abondance comparative des squelettes d'animaux préhistoriques versus les artefacts des oiseaux qui ont pourtant été contemporains à ces gros animaux.



Voici l'artefact le plus vieux de ce qui a longtemps été considéré comme l'ancêtre des oiseaux, l'Archéoptéryx / Archaeopteryx. Découvert en 1861, seulement deux années après que Charles Darwin ait publié son " Origine des Espèces", plusieurs éléments portent à croire qu'il s'agirait plutôt d'un petit dinosaure affublé de plumes. Il a vécu à l'aire du Jurassique, il y a de cela environ 150 millions d'années. Les restes aussi bien conservés sont rarissimes. Photo Jason Edwards/Getty Images.



D'un autre côté, je me suis déjà fait poser la question à savoir où dorment les oiseaux. Une question intrigante qui ne se répond pas aussi facilement. Une réponse exhaustive qui exige l'accumulation de faits émanant de recensements et d'études étalés sur de longues années. J'ai trouvé ces informations dans un des livres de ma bibliothèque, "Encyclopedia of North American Birds" édité par la société Audubon. 


____________________________________________________________

ROOST (dortoir d'oiseaux): terme pour indiquer l'endroit où des volées de quiscales, d'étourneaux, de carouges, de merles, et autres espèces, dorment ensemble dans les arbres, les buissons, les joncs ou les autres herbes hautes des marécages. Voir aussi ROOSTING.

ROOSTING: défini par Cullen (1964) comme le sommeil et le repos d'un oiseau, même si à demi-éveillé, mais ne s'applique pas aux courts moments de repos d'une durée de quelques minutes seulement entre les périodes actives. La plupart des biologistes s'accordent pour dire que la vraie période de repos a lieu dans les dortoirs d'oiseaux, peu importe où ces derniers sont situés.


_____________________________________________________________



OÙ LES OISEAUX SE REPOSENT-ILS ?


En général, les oiseaux dorment dans le même habitat où ils nichent:


---  les 3 espèces de moqueurs et les cardinaux vont le faire dans les arbres, les arbutes, les vignes ou dans les buissons denses.

--- les hiboux, les tourterelles, les geais, les corneilles et plusieurs petits oiseaux comme les bruants, les parulines et les gros-becs, dans les feuillus, souvent dans les conifères.


--- les aigles, les grands faucons, les corbeaux, les hiboux et les plus grosses buses se reposent dans les arbres ou sur les falaises.


--- ceux qui nichent dans les cavités, comme les pics, les crécerelles, les petit-ducs, les nyctales et les merlebleux vont emprunter d'autres cavités dans les arbres ou les poteaux, ainsi que les nichoirs artificiels construits pour eux.




Ce Petit-duc maculé / Megascops asio naevius / Eastern Screech-Owl de forme rousse dort dans un feuillu dépourvu de feuilles dans le parc national de Pointe Pelée, en Ontario. Photo prise le 10 mai 2017).




Celui-ci, photographié le 08 mai 2017 au Ottawa National Wildlife Refuge en Ohio, se sert d'un nichoir mis à la disposition de Canard branchu  / Aix sponsa / Wood Duck pour y passer la journée où y nicher.



--- de même agiront les mésanges qui utiliseront les abris artificiels ou les trous qu'elles auront elles-mêmes excavés




Cette Mésange à tête noire / Poecile atricapillus atricapillus / Black-capped Chickadee creuse un trou dans un tronc d'arbre pourri. Il pourra lui servir de nichoir ou de dortoir. Photo prise au cap Tourmente, près de Québec, le 19 mai 2014.


Quelques unes de ces espèces utiliseront le même dortoir, nuit après nuit, aussi longtemps qu'elles ne seront pas dérangées par l'homme ou par un prédateur. Le Grimpereau brun / Certhia americana / Brown Creeper dort dans des crevasses d'écorce ou, occasionnellement, il va s'agripper verticalement, la tête vers le haut, au revêtement extérieur des bâtisses, près des pignons.






Les martinets vont dormir dans des cheminées et des volées d'hirondelles en migration, dans les herbes des marécages. Les grosses hirondelles, les carouges, les quiscales et les merles, vont le faire dans des arbres.


Durant l'été, un des parents peut dormir sur le nid alors qu'il incube les oeufs ou élève les jeunes.



Cet adulte de Tyran tritri / Tyrannus tyrannus / Eastern Kingbird passe la nuit bien assis sur son nid. Photo prise le 6 juin 2015 à Baie-du-Febvre, Québec


Les Pic mineur / Picoides pubescens / Downy Woodpecker, Pic chevelu / Picoides villosus / Hairy Woodpecker et Pic à joues blanches / Picoides borealis / Red-cockaded Woodpecker creusent des cavités spécifiquement pour servir de dortoir et des troglodytes construisent des nids aussi pour cette seule fonction. Ils adoptent aussi des vieux nids de Merle d'Amérique / Turdus migratorius / American Robin et autres oiseaux, et aussi des cavités dans des arbres, des souches, des bâtiments, dans des cabanes d'oiseaux, et même dans des nids abandonnés de frelons.


Les oiseaux de rivages, les pélicans, les canards, les oies, les cygnes, les goélands, les becs-en-ciseaux et les sternes dorment souvent sur le sable des îles, où ils se sentent à l'abri des ratons-laveurs, des chats, des chiens, des renards, des hermines et des mouffettes. Durant le jour, ils dorment sur des plages dégagées où ils peuvent attendre la marée qui leur apportera de la nourriture renouvelée. Cependant, certains trouvent leur nourriture largement au toucher de leur bec dans la vase et ils peuvent ainsi se nourrir de nuit.



Un petit groupe de Bécasseaux violets / Calidris maritima / Purple Sandpiper se repose à quelques mètres de l'eau et à travers les roches afin de passer inaperçus. Photo prise le 22 mai 2011 à l'Île-aux-Basques, Bas-Saint-Laurent, Québec.


En hiver, la Gélinotte huppée / Bonasa umbellus / Ruffed Grouse plonge dans la neige molle pour s'abriter du froid et du vent et elle s'établit ainsi un dortoir très chaud et protecteur. Le Martinet noir / Apus apus / Common Swift dort en plein vol alors qu'il se laisse porter par l'air.



Le Martinet noir / Apus apus apus / Common Swift intrigue par son habilité à dormir en plein vol. Photo prise le 6 novembre 2015 dans la forêt Nsutu, au Ghana, Afrique de l'ouest.



Plusieurs espèces océaniques, comme les pétrels et les albatros, peuvent dormir sur l'eau, mais la Frégate superbe / Fregata magnificens / Magnificent Frigatebird ne le peut pas à cause de son plumage qui n'est pas imperméable. Elles se rassemblent donc en grands nombres dans le haut des palétuviers et d'autres espèces d'arbres qui poussent aux abords des îles ou le long des côtes.


 
La Frégate superbe est un voilier ainsi qu'un pirate hors-pairs. À l'instar des labbes, elle harcèle en vol les goélands, les mouettes et les sternes afin de leur   voler leurs prises. Photo prise le 19 février 2014 à Puerto Angel, au Mexique.


Les goélands, les sternes, les canards et les pélicans peuvent dormir en flottant sur l'eau, mais à leurs risques et périls.





LES OISEAUX QUI DORMENT AU SOL.



Le Colin de Virginie / Colinus virginianus / Northern Bobwhite, la Perdrix choukar / Alectoris shukar / Chukar et la Perdrix grise / Perdix perdix / Gray Partdrige sommeillent en formant un cercle serré sur le sol, leurs corps pressés les uns contre les autres et les têtes dirigées vers l'extérieur.



Un petit groupe de Perdrix grises se repose au sol. Photo prise le 2 avril 2017 à St-Apollinaire, comté de Lotbinière, Québec.


L'Alouette hausse-col / Eremopila alpestris / Horned Lark, dans le désert de Mojave et à Warner Springs, dans le comté de San Diego en Californie, creusent à l'aide de leur bec de petites dénivellations au sol où ils pourront s'installer pour la nuit (Trost,1972); le Busard Saint-Martin / Circus cyaneus / Northern Harrier dort au sol fréquemment au même endroit, nuit après nuit, et  forme souvent des groupes allant de 2 à 30 individus, habituellement dans des champs d'herbes du genre Andropogon. Chaque oiseau occupe un endroit précis où l'herbe est bien battue et le lieu bien délimité par des fientes et des boulettes de régurgitation.



Le Hibou des marais / Asio flammeus / Short-eared Owl, en plus de dormir dans les conifères, va parfois le faire au sol. Weller et alies (1955) a reporté plus d'une douzaine de ces chouettes qui dormaient dans le même habitat que les Busards Saint-Martin dans des champs au Montana en 1952. Les chouettes se tenaient près des busards dans des herbes hautes de plus de 20 cm et le plus souvent dans des touffes denses de ces herbes.





LES POSITIONS LORS DU SOMMEIL.


Ceci peut varier beaucoup, mais habituellement, les oiseaux vont dormir avec la tête et le cou rejetés sur le dos et le bec enfoui dans les plumes scapulaires, mais non avec la tête sous l'aile. Dans cette position, les muscles du cou peuvent relaxer et les yeux de l'oiseau sont protégés du froid (Kendeigh, 1934). Quelques espèces -- les pigeons, les tourterelles, certains pluviers, les tantales et les grèbes, par exemple --- vont dormir avec la tête calée entre les épaules et le bec pointant vers l'avant.


Lorsqu'ils dorment sur le sol, la plupart des oiseaux reposent sur le ventre, comme les canards. Cependant, les passereaux se tiennent où s'assoient sur la branche en "barrant" les doigts qui retiennent très fermement la branche, grâce à un jeu des tendons des muscles des cuisses. Les engoulevents dorment sur une branche en se tenant dans le sens de la branche et non perpendiculairement à cette branche.




Comme les autres espèces d'engoulevent, cet Engoulevent de la jungle / Caprimulgus indicus indicus / Jungle Nightjar peut passer la journée perché et couché sur une branche d'un grand arbre. Il le fait parallèlement à la branche et son plumage épouse tellement bien les motifs de l'écorce qu'il est facile de ne pas le repérer. Photo réalisée le 10 Novembre 2014 près du Jungle Hut Lodge, situé au pied de Nilgiri Hills, près de Mysore, sud de l'Inde.



 
Le Podarge gris / Podargus strigoides phalaenoides / Tawny Frogmouth, un autre oiseau nocturne, passe également la journée perché sur une branche d'un arbre, mais il le fait perpendiculairement à celle-ci. Photo réalisée le 24 octobre 2011 à Granite Gorge, région de Cairns, Australie.


Les pics s'accrochent à une surface verticale, habituellement à l'intérieur de la cavité. Les canards et les oiseaux de mer dorment habituellement sur l'eau avec la tête et le bec enfouis dans les scapulaires.





LE SOMMEIL DES OISEAUX EST-IL PROFOND ?


En Europe, des expériences ont été conduites sur des oiseaux en cage. Et la conclusion a été que les oiseaux qui sont très actifs le jour ont tendance à dormir plus longtemps et plus profondément, alors que les oiseaux qui sont actifs de façon irrégulière vont avoir le même comportement au repos. Cette irrégularité se rencontre entre autre durant la période migratoire. Le temps critique où le sommeil serait le plus profond a lieu entre 1/2 et 3 heures à partir de l'instant où l'oiseau s'endort vraiment.



________________________________________________



C'est toujours une expérience inoubliable quand nous avons l'occasion d'observer de visu des oiseaux alors qu'ils sont au repos, en pleine nuit. J'ai eu cette chance à quelques reprises lors de mes voyages, alors que nous faisions des sorties de nuit avec des guides locaux.


Au Venezuela, dans le nord-est du pays, nous revenions d'une randonnée en pleine campagne quand le guide arrête le véhicule et nous invite à regarder juste au-dessus du halo de lumière formé par sa lampe de poche. Il éclaire la base d'un gros arbre dans lequel des centaines de petits perroquets verts, genre inséparables, se tiennent en rang d'oignons, tous collées les uns contre les autres. Il s'agissait en fait du Toui été / Forpus passerinus / Green-rumped Parrotlet.





Peu importe l'espèce, tous les touis partagent ce comportement spécial de se coller les uns contre les autres lorsqu'ils se perchent pour se reposer. Ici, voici le Toui de Spix / Forpus xanthopterygius vividus / Blue-winged Parrotlet. Photo prise le 28 juillet 2011 sur la côte est du Brésil.



Un spectacle incroyable et fascinant. Et je ne parle pas des colonies d'Ibis rouges / Eudocimus ruber / Scarlet Ibis que nous avions observées la veille sur la côte alors que des centaines d'individus regagnaient leur dortoir dans les palétuviers.


Au Costa Rica, notre guide au Rancho Naturalista, Jay Vandergaast, nous amène lors d'une sortie nocturne observer le dortoir du Troglodyte rossignol / Microcerculus luscinia / Northern Whistling-Wren. Ce dernier avait adopté le trou abandonné d'un Motmot roux / Baryphthengus martii / Rufous Motmot. Quelques années précédentes, à la fin juin, j'avais eu l'occasion d'observer le motmot qui s'engouffrait dans ce trou creusé dans la falaise pour aller rejoindre sa nichée. Et voilà que le trou inoccupé servait maintenant de dortoir improvisé au troglodyte. L'observation était facilitée par le fait que ce trou était situé à un peu plus d'un mètre du sol. Avec une lampe de poche, il était très facile d'observer l'oiseau qui se trouvait à environ 20 cm à l'intérieur du corridor. Il se tenait sur ses pattes, l'arrière-train vers nous. Il semblait figé sur place. Probablement qu'à l'instar de plusieurs espèces tropicales (dont les colibris), il se plaçait dans une espèce de torpeur en abaissant son rythme cardiaque. Toujours est-il qu'il ne bougeait absolument pas et nous avons d'ailleurs fait très attention pour ne pas le déranger.


En une autre occasion sur la côte Pacifique du Costa Rica, j'ai eu la chance d'observer la façon dont le Toucan à carène / Ramphastos sulfuratus / Keel-billed Toucan s'y prenait pour dormir. Il tenait son immense bec rejeté sur le dos avec la queue retroussée vers le haut. Ceci dégageait les sous-caudales rouges. J'ai tout-de-suite fait le lien avec le rôle avertisseur de danger que le rouge peut représenter pour ses prédateurs potentiels. On n'a qu'à penser aux bandes rouges du Serpent corail ou aux cuisses rouges des petites grenouilles du genre Anabates. Ce qui est rouge est synonyme de danger et même de mort.



Toujours au Costa Rica, Lisa Erb m'a raconté une très belle trouvaille faite par des américains. Lors d'une sortie nocturne dans les sentiers du Rancho Naturalista, un ornithologue plus futé ou plus expérimenté que la moyenne passait son temps à fouiller en dessous des replis formés par les herbes qui coiffent le haut des petites falaises. Sa recherche a été récompensée par la trouvaille d'un Sclérure à gorge rousse / Sclerurus mexicanus / Tawny-throated Leaftosser. C'était la première fois que cette espèce était observée au Rancho. Sa façon de dormir était très spéciale. Cet oiseau se tenait accroché par les pattes, la tête en bas, comme une chauve-souris. Et il semblait en était d'hibernation. Il n'a montré aucune réaction à la lumière des projecteurs qui l'éclairaient ou à la présence des humains. Lisa est retournée par la suite au même endroit et l'oiseau ne s'y tenait plus.

C'est dire tous les mystères qui se cachent dans la nature. On pense à découvrir d'autres planètes et on ne connait qu'une infime partie des êtres qui composent la nôtre. Mais c'est à force d'être sur le terrain, à fouiller continuellement, que nous allons finir par en savoir davantage.


@ bientôt.


mardi 13 juin 2017

La Paruline orangée, princesse des forêts marécageuses




L'une des espèces-cibles recherchées par les ornithologues qui se dirigent vers Pointe-Pelée, en Ontario, est sans aucun doute la très belle Paruline orangée / Protonotaria citrea / Prothonotary Warbler. Elle tient son nom anglais des greffiers de l’Église catholique, appelés « protonotaires », qui portent parfois un capuchon doré et une cape bleue. Son ancien nom anglais de Golden Swamp Warbler était peut-être un peu plus approprié.



Ce magnifique mâle pose quelques secondes dans sa recherche incessante d'insectes et d'araignées le long des troncs d'arbres dans une partie inondée du parc national de Pointe Pelée. Photo prise le 12 mai 2017. 



La Paruline orangée est un oiseau chanteur d’une beauté saisissante dont la tête et la poitrine sont d’un jaune doré vif. Son dos est vert olive et ses ailes, sa croupe et sa queue, gris-bleu foncé; la queue présente de larges taches blanches lorsqu’elle est ouverte. Les femelles et les juvéniles sont semblables aux mâles, mais leurs couleurs sont moins vives.


Cette paruline est considérée comme l’un des oiseaux les plus éblouissants de l’Amérique du Nord en raison de ses couleurs vives et de son habitude de s’alimenter sur les bords des étangs où elle voit constamment sa réflexion, ce qui double sa superbe apparence.



Cette femelle a capturé une araignée et elle la tient fermement dans un bec inhabituellement gros si on le compare à celui des autres parulines. Photo prise le 12 mai 2017 dans le parc national de Pointe Pelée, Ontario.


Elle niche principalement dans le sud-est des États-Unis, où on la trouve couramment dans les forêts feuillues marécageuses parvenues à maturité et les plaines inondables boisées. Au nord des États américains du golfe du Mexique et des Carolines, les nicheurs se font de plus en plus rares et épars. La limite nord de l'aire de nidification de cette paruline atteint tout juste le sud de l'Ontario. L'un des passereaux les plus rares au Canada, la Paruline orangée a été désignée espèce en voie de disparition tant au Canada qu'en Ontario.






L'espèce a probablement toujours été très rare dans le sud-ouest de l'Ontario, où on ne la trouve que dans des îlots d'habitat propice près de la rive nord du lac Érié (le plus régulièrement dans la zone de conservation Holiday Beach, le parc provincial Rondeau et le secteur de la pointe Long) et à l'extrémité ouest du lac Ontario (marais Dundas). Malgré l'existence de milieux convenables à l'intérieur des terres, surtout dans la région de Lac Simcoe-Rideau, la Paruline orangée s'éloigne très rarement de plus de 30 km environ des rives des Grand Lacs.


En Ontario, on la trouve sous le climat plus chaud des forêts carolinienne caduques. Elle fait son nid dans des petites cavités peu profondes d’arbres morts ou mourants debout dans des forêts inondées ou des marais, ou près de ceux-ci.


Ils utilisent aussi des nichoirs artificiels posés de façon appropriée. L’érable argenté, le frêne et le bouleau jaune sont des arbres communs de ces habitats. La Paruline orangée est la seule paruline de l’est de l’Amérique du Nord à construire son nid dans une cavité d’arbre, dans laquelle elle pond généralement de quatre à six œufs sur un coussin de mousse, de feuilles et de fibres de plantes.




Cette photo démontre bien le bec épais qui constitue l'outil idoine pour creuser un nid dans du bois pourri. Elle partage ce comportement inhabituel chez les parulines nord-américaines avec la Paruline de Lucy / Leiothlypis luciae / Lucy's Warbler.



Les travaux effectués dans le cadre de l'Atlas des oiseaux nicheurs de l'Ontario (2001-2005) portent à croire que la population actuelle ne compte pas plus de 10 à 25 couples (McCracken et al., 2006), estimation beaucoup plus faible que celle d'au plus 80 couples avancée dans le premier atlas réalisé entre 1981 et 1985 (McCracken dans Cadman et al., 1987).


Le déclin de l'espèce a été particulièrement marqué dans le parc provincial Rondeau. La présence de la Paruline orangée en Ontario dépend fortement de l'immigration d'individus en provenance de populations des États-Unis qui doivent bien se maintenir (Tischendorf, 2003). Par conséquent, à moins d'un renversement du grave déclin observé au coeur de l'aire de l'espèce aux États-Unis, la Paruline orangée pourrait bien disparaître en Ontario.






Et pour compliquer les choses, la Paruline orangée passe l’hiver sous le climat tropical chaud de l’Amérique centrale et du Sud; les mangroves côtières qu’elle privilégie sont l’un des habitats les plus menacés au monde. C'est le 5 mai 1974, dans le parc provincial de Rondeau, que j'observe ma première orangée. Je retourne sur le même site 43 ans plus tard et elle y niche encore. Entre temps, j'ai la chance de l'observer à maintes reprises sur ses sites d'hivernage que ce soit au Costa Rica, au Panama ou en Colombie. Elle est toujours aussi belle et aussi vivace sous d'autres cieux. En mai 2017, nous pouvons observer au moins 4 individus différents au parc national de Pointe Pelée et seulement 2 au parc provincial de Rondeau.


La population de la Paruline orangée suit malheureusement la tendance générale des populations animales à travers le monde. Elle décline peu à peu à cause principalement de la destruction des habitats propices au nourrissage sur les sites d'hivernage. Si vous désirez observer cette espèce au Canada, dirigez vous vers Pointe Pelée au printemps 2018. N'attendez pas trop.


@ bientôt.




vendredi 9 juin 2017

Le retour remarqué du Dindon Sauvage à Pointe Pelée




C'est à partir du 9 décembre 2013 que je commence à pouvoir photographier le Dindon Sauvage / Meleagris gallopavo gallopavo / Wild Turkey lors de mes sorties dans la région de Québec. Au Québec, les premières observations datent de 1976 et la nidification du dindon fut pour la première fois confirmée en 1984. Imaginez que ce poids lourd de la faune aviaire nord-américaine n'a osé traverser les frontières américaines que depuis 40 années. C'est très peu. Pour avoir la chance d'observer en nature cet oiseau très farouche, il fallait nous diriger au sud de Montréal, le long de la frontière étasunienne. Et c'est ce que je fis le 13 avril 1991 en allant observer sept dindons sur le rang Fisher, à Saint-Bernard-de-Lacolle. Le printemps est le moment idéal de l'année pour ce faire puisque le mâle émet de puissants "glouglous" qui s'entendent à plus d'un kilomètre et demi. Il est alors possible d'observer un mâle qui se pavane devant quelques femelles médusées par autant d'artifices.


Ce Dindon sauvage mâle est en possession de tous ses moyens pour impressionner une femelle ou faire fuir un intrus. Photo réalisée le 12 mai 2017 dans le parc national de Pointe-Pelée.

Mais comment faire pour s'approcher assez d'un site de pariade sans faire fuir les oiseaux ? Malgré leurs dimensions impressionnantes, ils sont plutôt peureux, voire même furtifs. Je n'aurais jamais cru qu'un jour je réussirais à les approcher et encore moins que ça se réaliserait à Pointe Pelée, en Ontario. Avant mon voyage de cette année, j'avais fait cinq voyages printaniers dans ce parc national, dans les années 1970-1980. Et le Dindon Sauvage ne s'observait pas dans ces années là. En fait, il avait quitté le parc national depuis une bonne soixantaine d'années. Par contre, je me souviens très bien qu'un autre gros oiseau, le Faisan de Colchide / Phasianus colchicus / Ring-necked Pheasant occupait les lieux et il était au moins entendu à chacune de mes visites. Je ne l'ai pas entendu en mai 2017.


C'est donc avec une grande surprise que je constate la présence très ostentatoire du dindon en 2017. Dès ma première présence sur le site, à bord du train de 06h00 qui se dirige vers la pointe, j'en repère un perché très haut dans les grands arbres sans feuille. Il faut savoir que les dindons se perchent souvent dans les arbres pour passer la nuit à l'abri des prédateurs terrestres que sont les renards, les coyotes et autres. Par la suite, ce sont leurs glouglous retentissants qui nous permettent de savoir qu'ils sont bien là, éparpillés le long de la route asphaltée qui fait environ huit kilomètres de longueur, partant de l'entrée du parc et allant jusqu'à l'extrémité de la pointe. J'apprends sur un panneau dans le centre d'interprétation du parc que le dindon est de retour après une absence d'une centaine d'années.


Trois Dindons sauvages déambulent le long de l'unique route asphaltée menant de l'entrée du parc jusqu'à la station située à la pointe. Difficile de les manquer en ces lieux. Par contre, en forêt, lorsqu'ils sont silencieux, c'est une autre paire de manches. Photo réalisée le 11 mai 2017 au parc national de Pointe Pelée, Ontario.


Connaissant peu les moeurs de cette espèce, je croyais que le mâle ne faisait plus de pariade au début de mai. Mais une rencontre inespérée, faite le matin du 12 mai 2017, le dernier jour de mon séjour à Pointe-Pelée, se concrétise de façon inattendue.


Anne et moi parcourons le sentier non aménagé Parcelle de l'oponce (cactus) à la recherche de quelques espèces qui nous ont échappé jusque là. À la fin de la boucle, voilà que j'entends des glouglous et je vois alors apparaître une femelle se déplaçant lentement à quelques mètres de distance. 




 
 Elle passe tout près, me permettant cette photo de sa tête.






Elle continue lentement sa route en suivant le même et unique sentier que le nôtre. Nous la perdons de vue à un détour. Et voilà qu'un glouglou pénétrant me fait tourner la tête pour apercevoir, cette fois ci, un mâle qui fait la roue. Wow !  Il provient du même endroit que la femelle et il semble très probable qu'il empruntera exactement le même chemin que sa dulcinée. Et c'est ce qu'il fait.


 


J'hésite un peu à rester sur son chemin, car je ne sais pas quel sera le comportement d'un mâle protégeant sa femelle. Je m'écarte un peu du chemin et je reste sans bouger, ma caméra dirigée vers lui. Après une brève hésitation, il se dirige vers moi. Il passe encore plus près que ne l'a fait la femelle. Ce qui me frappe le plus, c'est cet appendice qui part du front et qui se prolonge au-dessus du bec pour le recouvrir tout à fait selon l'excitation de l'oiseau. Et cette transformation se produit très rapidement et peut nous permettre de juger du degré de dangerosité de l'oiseau envers nous.
















Je suis vraiment comblé par toute cette démonstration. Il est bien clair maintenant que la "roue" ne sert pas seulement qu'à attirer les femelles, mais aussi à écarter de l'élue les autres mâles ou les possibles prédateurs, dont je pourrais faire partie (du point de vue de l'oiseau, bien évidemment).


Le mâle continue donc son chemin et nous le suivons très lentement. C'est alors que nous observons la femelle alors qu'elle prend un bain de sable, toujours sous la surveillance bienveillante du mâle.






Toute une démonstration comportementale vécue en cette belle journée, dans ce site exceptionnel qu'est le parc national de Pointe-Pelée.


@ bientôt.