dimanche 25 septembre 2016

Jasons jaseurs !




J'ai fait une belle rencontre dernièrement à l'Île-aux-Basques alors que ma route croise celle d'une petite famille de Jaseurs d'Amérique / Bombycilla cedrorum cedrorum / Cedar Waxwing. Ce sont les cris stridents et incessants d'oiseaux immatures qui attirent d'abord mon attention. Je repère sans trop de difficulté une femelle qui nourrit deux jeunes très affamés, en régurgitant fruits ou insectes présents dans son jabot. Ces derniers sont déjà capables d'un vol bref qui leur permet de changer de perchoirs, mais sur de courtes distances.






Et c'est ce qui me permet de retrouver nos deux amis sur une branche un peu plus basse, plus à mon niveau. Ils attendent patiemment le retour du parent parti cueillir des fruits ou attraper des insectes. Maintenant silencieux, ils suivent les allés et venus de leur mère. Lorsqu'elle revient pour les nourrir, ils recommencent ce tapage qui permet au parent nourrisseur de les retracer dans la végétation. Vous remarquerez sur cette photo le jaune à la commissure du bec. Un trait commun aux jeunes oiseaux immatures au stade du nourrissage.






Les jaseurs appartiennent à la famille des bombycillidés qui regroupe un genre (Bombycilla), trois espèces (d'Amérique, boréal et du Japon) et 6 sous-espèces 

Bombycilla garrulus garrulus
Bombycilla garrulus centralasiae
Bombycilla garrulus pallidiceps
Bombycilla japonica
Bombycilla cedrorum cedrorum
Bombycilla cedrorum larifuga


Voici les trois espèces illustrées dans le volume 10 du Handbook of the Birds of the World.






Bien que les jaseurs soient trapus et dodus, tous s'accordent pour leur accorder une élégance peu commune. Cette impression est accentuée par une huppe érectile, un plumage dense, soyeux et coloré, un masque et un menton noirs bien délimités et des ailes longues aux primaires foncées et décorées de marques jaunes ou blanches selon l'espèce. La queue courte porte une bande terminale colorée. Elle est rouge pour le Jaseur du Japon, jaune ou orange pour les deux autres espèces. Chez les adultes des deux espèces américaines, les bouts des rachis des plumes secondaires sont aplatis et d'un rouge brillant qui fait penser à de la cire (wax), d'où la provenance de leur nom anglais.



Des appendices en forme de gouttelettes de cire rouges ornent les plumes secondaires des adultes des deux espèces américaines. Ici, un Jaseur boréal adulte photographié le long d'une rue très achalandée à Sillery, ville de Québec.
 


Et voici un adulte de Jaseur d'Amérique arborant ces mêmes gouttelettes cireuses. Photographié le 8 septembre 2013 au Cap Tourmente, près de Saint-Joachim, Québec



Chez les jeunes qui en sont à leur première année de reproduction, ces appendices cireux sont rarement présents ou sont moins développés et moins nombreux. Leur présence permettrait aux adultes, plus expérimentés et plus âgés, de se reconnaître plus facilement à l'intérieur des groupes et de former des couples plus productifs.



Dès que nous sommes en mesure d'associer les sons émis par le jaseur avec l'oiseau lui-même, il est facile de comprendre l'origine de leur nom français. Que ce soit au repos ou en vol, le jaseur émet très souvent un trille bref, doux et faible. Ce son peut même s'avérer inaudible chez les personnes qui ne sont pas dotées d'une ouïe excellente. Cette incapacité d'émettre un chant fort et audible de loin est assez inhabituelle chez la majorité de nos passereaux. Mais leurs habitudes de vie expliquent ce caractère. L'esprit de territorialité n'est pas très élevé chez les jaseurs qui passent la majorité de l'année en groupes dans lesquels les mâles et les femelles sont déjà en contact étroit dès le début de la période de reproduction. Dès que les groupes se défont, les couples n'ont pas à proclamer leur présence.


Aux oreilles du profane, l'oiseau semble toujours émettre le même son, mais des études prouvent qu'il en est autrement. Le répertoire vocal du Jaseur d'Amérique est peut-être le plus connu des trois espèces et il peut servir de référence pour comprendre celui des deux autres espèces. Le son émis le plus fréquemment peut être traduit par un "bzeeee", une structure de base à la naissance d'une large catégorie de sons. C'est ainsi que le "bzee call" de base peut se transformer en "social call", "location call", "contact call", "warbling call" ou "courtship call". Oui, on peut dire que le jaseur aime jaser.



Plusieurs aspects de la morphologie et des comportements du jaseur sont induits par le fait qu'il est frugivore. L'ouverture du bec est très grande et lui permet d'avaler tout rond les petits fruits. 






En hiver, ces derniers ont une haute teneur en sucre, mais peu en eau et en éléments nutritifs. Ceci oblige les oiseaux à boire souvent et à gober une énorme quantité de baies s'ils veulent survivre à la saison froide. Sur une base annuelle, le régime alimentaire du Jaseur d'Amérique est constitué à 84% de fruits. Mais en décortiquant les différentes périodes de l'année, nous arrivons à des pourcentages plus réels. Entre octobre et avril, la proportion de fruits côtoie les 100%, mais en mai, elle peut descendre en bas du 50%. À la fin du printemps, les bourgeons et les fleurs ont la faveur des jaseurs alors que les insectes s'ajoutent de mai à juillet. Quand ils consomment des fleurs, ils se concentrent sur les pétales et les étamines alors qu'ils capturent les insectes en vol ou en inspectant la végétation. 



Sous nos cieux, le Jaseur d'Amérique débute la nidification à la fin mai et il peut nourrir jusqu'en octobre. La très grande majorité de la population migre vers le sud l'hiver, aussi loin qu'au Costa Rica. Quelques individus demeurent au Québec l'hiver et ils se joignent fréquemment à des groupes de Jaseurs boréaux.



Le Jaseur boréal ne niche pas sous nos latitudes et sa présence en saison froide n'est pas certaine d'une année à l'autre. Son ancien nom de Jaseur de bohème lui allait comme un gant. Il peut former des groupes impressionnants pouvant aller à 3 000 individus. Ces groupes sont continuellement à la recherche d'arbres fruitiers qu'ils vident littéralement de leurs fruits avant de quitter.



Le 16 janvier 2016, un groupe de Jaseurs boréaux, évalué à 750 individus, s'est présenté pendant quelques jours devant notre maison à Sillery, ville de Québec. Nous pouvons passer tout un hiver sans en voir un seul. Nous apprécions toujours ces visites impossibles à prévoir.



En espérant que cette petite "jasette" vous fera mieux connaître cette famille spectaculaire.



@ bientôt.

 



2 commentaires:

www.dianeclermont.ca a dit…

Très beau billet une fois de plus ! J'apprends davantage sur les oiseaux en lisant tes billets que je reviens lire à quelques reprises.
Tes photos sont magnifiques et illustrent bien ce que tu expliques.
Merci De partager ainsi tes connaissances, c'est très apprécié !

lejardindelucie a dit…

Bonjour Laval,
Quel plaisir de lire votre récit! Ces oiseaux sont superbes et lors de notre séjour au Québec nous avons eu la chance d'en voir.J'en garde un merveilleux souvenir.
Je rêve toujours qu'un hiver rigoureux nous amène son cousin boréal jusque dans nos contrées du sud.Je crois que cela restera du domaine du rêve!