vendredi 28 octobre 2016

Le peuple sauteur.




Il faut se rendre à l'autre bout du monde pour rencontrer ce peuple. Et même pour le grand rêveur que je suis, je n'imaginais pas le jour où je me rendrais en Australie, le pays des kangourous. Comme pour bien des gens, l'émission télévisée Skippy le kangourou a sûrement contribué à me faire connaître et apprécier cette espèce animale des plus singulières. Ce marsupial figure dans la liste des animaux exotiques qui hantent souvent le cerveau des enfants. Il cohabite très bien à côté des lion, éléphant, hippopotame, girafe, singe ou zèbre.


C'est en octobre 2011 que je me rends au pays d'Oz, du côté est de la grande île. J'ai bien des attentes, mais toutes seront éclipsées par la réalité australienne. Un pays fantastique à visiter, riche à tous les points de vue. Le but principal de ce voyage est l'observation des oiseaux, mais il est impossible de ne pas s'extasier devant les autres richesses naturelles que nous rencontrons. Et l'une de ces richesses est même devenu l'un des emblèmes animaliers du pays, le kangourou. J'écris "LE" kangourou et ça me fait sourire, car il y a vraiment plus d'une espèce de kangourou en Australasie (i.e. en Australie, Nouvelle-Guinée et les îles adjacentes). Le 5ième livre de la série Handbook of the Mammals of the World dévoile que la famille des macropodidés recèle 13 genres, 59 espèces et 88 taxons différents. En Australie, un kangourou mâle est appelé « Boomer », une femelle « Flyer » et un jeune kangourou « Joey ».


Et voici Skippy qui bondit littéralement vers sa mère. C'est une photo inestimable puisque Skippy était orphelin dans la série télévisée portant son nom et qui a été présentée au Québec et en France à partir de 1968.  En France, elle a été rediffusée en 1970 et en 2005. La Belgique l'a présentée à partir de 2011. Il s'agissait de 91 épisodes tournées à 25 km au nord de Sidney, dans le parc national Ku-ring-gai Chase et dans le parc contiguë de Waratah Park (devenu depuis le Waratah Park Earth Sanctuary). Ces épisodes ont été étalés sur 3 saisons et il aura fallu 9 Skippys différents pour réaliser tous ces tournages. Vous désirez connaître le nom de l'espèce interprétant Skippy ? Il s'agit du Kangourou géant / Macropus giganteus / Eastern Grey Kangaroo.


Le succès du kangourou sur le continent australien, si aride dans l'ensemble, s'explique par ses capacités exceptionnelles de reproduction et d’adaptation aux conditions difficiles du bush. Les kangourous se sont adaptés aux conditions très variées de l'Australie et la naissance d'un kangourou est un processus totalement sous le contrôle de la mère, en fonction des conditions de nourriture et des conditions climatiques.
Après un accouplement, si les conditions sont difficiles, en cas de sécheresse par exemple, la femelle peut retarder sa gestation pendant un maximum de 12 mois, alors que la durée normale est de 35 jours. De la même manière, une femelle peut remplacer immédiatement un jeune qui meurt prématurément dans la poche.

Le kangourou nouvellement né mesure environ 25 mm. Sans aide extérieure, il doit s'accrocher au poil du bas ventre de sa mère afin de gagner l'intérieur de la poche où il ira s'accrocher à l'une des 4 tétines. Plus il croîtra et plus il quittera de plus en plus longtemps sa tétine pour s'aventurer hors de la poche. Si pendant cette période, un autre nouveau-né partage la poche, chacun aura sa tétine et la mère produira 2 laits différents en fonction de l'âge du bébé.


La poche des macropodidés agit comme un asile réconfortant pour le jeune. Ici, nous en voyons un bien installé dans la poche protectrice maternelle et broutant l'herbe au même rythme que sa mère. Le tout se passe sur le terrain de golf de Mareeba, le 25 octobre 2011.


Quand le kangourou se dépense, il transpire pour évacuer son trop-plein de chaleur, rien de très original, mais contrairement à tous les mammifères qui une fois l'effort physique terminé suent et halètent, le kangourou stoppe immédiatement sa transpiration et n'évacue la chaleur qu'en haletant à un rythme soutenu 300 fois par minute. Le kangourou est le seul animal à posséder un réseau très fin de vaisseaux sanguins à la surface de ses avant-bras, qu'il lèche pour évacuer la chaleur de son corps.

  

J'ai dû me cacher derrière un tronc d'arbre pour capter cette scène d'une bataille entre deux mâles de Kangourus géants. Les antagonistes ne ménagent aucune tactique pour venir à bout de l'autre. Lorsque deux mâles se battent pour une femelle, il leur arrive de s'empoigner et de se boxer, mais si le combat devient encore plus violent, ils se mettent à sauter vers l'avant en se donnant des coups de pied qui peuvent atteindre des points très sensibles.


Plus nous nous déplaçons sur le territoire australien, plus nous traversons des habitats nouveaux et plus nous découvrons des espèces différentes de "kangourous". À travers les siècles, ces marsupiaux se sont adaptés à toutes les conditions climatiques, souvent extrêmes, retrouvées sur ce continent. Ma plus grosse surprise a été de découvrir autant d'espèces différentes, aux moeurs tout aussi disparates. J'aimerais vous en présenter quelques unes, juste pour vous donner le goût d'en découvrir davantage soit par des lectures, soit par l'idée folle de vous rendre vous aussi en Australie. Pourquoi pas ?


Alors que vous venez de découvrir le Kangouru géant, je vous présente ici le plus gros des marsupiaux, soit le Kangourou roux / Osphranter rufus / Red Kangoroo.



Je capte cette image à Hay Plains, Australie, alors que le soleil termine sa course dans le ciel en ce 29 octobre 2011. Une femelle de Kangourou roux se dresse après avoir constaté notre présence. Au début, nous ne voyons pas le jeune kangourou. Après quelques minutes, il sort sa tête et nous découvrons que c'est une femelle. Ce n'est pas toujours évident de le percevoir lorsque nous sommes à une certaine distance. Normalement, c'est le mâle de cette espèce qui est roux. Il est également plus massif que la femelle qui est normalement, elle, de couleur grise. Cependant, une femelle peut être rousse et un mâle peut être gris à l'occasion. Le dimorphisme sexuel est plutôt inhabituel dans la famille des macropodidés. Cette espèce fréquente les habitats ouverts arides et semi-arides. Son aire de distribution est vaste et elle se situe de l'intérieur des terres de l'est jusqu'à l'ouest du pays.


Alors que j'imaginais le kangourou comme étant un animal fréquentant les milieux herbeux ouverts, j'ai été surpris en découvrant cette espèce inféodée aux milieux plus rocheux. le Pétrogale de Mareeba / Petrogale mareeba / Mareeba Rock-Wallaby.



 Parmi les adaptations de saut dans les milieux rocailleux, le Pétrogale de Mareeba possède des extenseurs du talon plus volumineux que les autres espèces de pétrogales. Ces extenseurs sont moins sujets à se blesser lors de sauts périlleux alors que nous les comparons à d'autres espèces le faisant sur des sols plus réguliers. De plus, ils se servent de leur queue pour contrôler leur vol aérien.


Cette femelle de Pétrogale de Mareeba abrite un jeune dans sa poche ventrale. Chez cette espèce, les femelles engendrent un seul jeune à la fois et il semble qu'elles peuvent le faire n'importe quand durant l'année. Le jeune peut passer un peu plus de 6 mois dans la poche et il est sevré 2 à 3 mois plus tard. Le mâle atteint sa maturité sexuel entre 20 à 24 mois.




Le Pademelon à cou rouge / Thylogale thetis / Red-necked Pademelon est brun-gris avec le ventre crème et le cou et les épaules roux. Il vit dans les forêts des régions côtières de l'est de l'Australie. Principalement nocturne, il est très craintif et habite généralement les forêts tempérées à proximité de prairies, se cachant dans la forêt le jour et sortant dans la prairie le soir au crépuscule pour se nourrir. Il se reproduit à l'automne et au printemps dans le nord, en été dans le sud. Ses prédateurs comprennent le Dingo et le Renard roux. Cependant la destruction de son habitat, notamment par le défrichement des terres, est actuellement la plus grande menace pour l'espèce. Il n'est pas actuellement inscrit comme espèce en voie de disparition.




Le Wallaby de Parry / Macropus parryi / Whiptail Wallaby est aussi connu sous le nom anglais de Pretty-faced Wallaby. On  le trouve dans l'est de l'Australie depuis Cooktown, au Queensland, jusqu'à Grafton, en Nouvelle-Galles du Sud. Il se distingue par sa coloration plus pâle et une bande blanche sous son visage. La fourrure de ce visage est brun-chocolat et elle couvre son museau. On le rencontre dans les prairies et les forêts, en particulier sur des collines ou des pentes. Dans les prairies, ce wallaby broute principalement de l'herbe. Il mange aussi des monocotylédones dans les ruisseaux à proximité. Il s'agit principalement d'une espèce diurne. Il est actif le matin et tard dans l'après-midi, mais il peut continuer dans une mesure indéterminée pendant la nuit.



Le Kangourou-rat musqué / Hypsiprymnodon moschatus / Musky Rat-Kangaroo est le plus petit macropodiforme à être quadrupède et diurne. Il est le seul représentant de la famille des Hypsiprymnodontidés et il se rencontre dans les forêts humides du nord-est australien et en Nouvelle-Guinée. Malgré son nom, il ne saute pas quand il se déplace, il le fait en utilisant ses quatre pattes.


En incluant les espèces présentement éteintes, la famille des macropodidés comprendraient 63 espèces. 43 sont endémiques à l'Australie, 17 le sont à la Nouvelle Guinée et seulement 3 espèces se retrouvent sur les deux îles. Étant donné que l'expression de différences génétiques et/ou morphologiques sont présentes au sein de certaines espèces actuellement reconnues, il est probable que plus d'échantillonnage et de recherche donneront lieu à la reconnaissance d'espèces supplémentaires. Des taxons non reconnus actuellement peuvent exister aussi au sein du genre australien petrogale, dont les membres présentent un schéma complexe de différenciation et de diversification qui a longtemps intrigué et rendu perplexes les chercheurs. Ce genre a été le centre de beaucoup de recherches récentes, avec quatre nouveaux taxons décrits depuis les années 1990 et trois autres élevés au rang d'espèce.


@ bientôt.





mardi 18 octobre 2016

Des oiseaux en septembre 2016.



Après un très beau séjour sur l'Île-aux-Basques au début de septembre, le reste du mois a été plutôt tranquille. Nous avons fait quelques sorties à nos endroits fétiches. Même si nos recherches de nouveautés pour l'année ont été peu fructueuses, nous avons quand même vécu de beaux moments.


Le 10 septembre, nous partons tôt pour nous rendre jusqu'à Saint-Denis-de-la-Bouteillerie afin d'y trouver le Bécassin à long bec qui y est présent depuis quelques jours. Il est réputé se tenir avec un petit groupe de Bécassins roux et nous comptons bien le repérer. Dès notre arrivée, notre attention est portée vers des limicoles posés sur des rochers tout près de la rive. Nous identifions rapidement les Bécasseaux maubèche, sanderling, semipalmé et Pluvier argenté. Et oups ! voilà 5 Bécassins roux en repos avec le bec dans le dos pour la plupart d'entre eux. Une étude très minutieuse nous permet d'écarter le Bécassin à long bec. Après environ 30 minutes, nous décidons de partir. Un groupe d'observateurs, mené par Mireille Poulin, est encore sur place. Nous apprendrons par la suite que le fameux bécassin est arrivé en vol après notre départ. Il y a des journées comme ça. Un arrêt sur les battures de Kamouraska nous fait rencontrer un oiseau que je n'espérais pas photographier de si près. Il se tient également sur les rochers. Il les parcoure en marchant et, à cause des dénivellations, il arrive que nous le perdions de vue. Si nous ne le voyons, il ne nous voit pas. Profitant de chaque instant où je le perds de vue, je finis par m'approcher à moins de quatre mètres de lui.



Le Pipit d'Amérique / Anthius rubescens rubescens / American Pipit s'observe le plus souvent en groupes et dans les champs.



Cette espèce fréquente les milieux ouverts et on le retrouve souvent dans les milieux agricoles où le sol a été chamboulé depuis peu par la machinerie agricole. Elle accompagne souvent les alouettes et des limicoles comme les Pluvier bronzé, Pluvier kildir, Bécasseau de Baird, Bécasseau roussâtre et Bécasseau à poitrine cendrée.


Notre prochaine destination est Cacouna où un Pélican d'Amérique / Pelecanus erythrorhynchos / American White Pelican pourrait bien nous y attendre. Et oui, il est là, bien occupé à se nourrir dans la grande étendue d'eau formant le bassin principal.


Le Pélican d'Amérique est rarement observé au Québec. Au Canada, cette espèce se reproduit sur les plans d'eau des grandes plaines s'étendant au centre du pays (Manitoba, Alberta, Saskatchewan). Sa distribution est beaucoup plus grande aux États-Unis alors qu'il occupe les deux tiers du territoire à partir du Pacifique vers l'est. Par contre, il s'observe sur les côtes de la "pan handle" floridienne. Il est difficile de déterminer avec certitude d'où proviennent exactement les pélicans qui atteignent le Québec.


Enchantés de cette belle trouvaille, nous prenons le chemin du retour vers Québec avec un arrêt incontournable au quai Boulanger de Montmagny. Des fois que le Bécassin à long bec s'y trouverait. Après tout, c'est l'endroit où nous l'avons observé le plus souvent au Québec. La marée est plutôt basse, mais une belle surprise nous attend. Nous estimons à environ un millier le nombre de Bécasseaux semipalmés / Calidris pusilla / Semipalmated Sandpipers agglomérés sur les rochers jouxtant le quai. 



Un mouvement continuel anime tous ces groupes d'oiseaux. Des individus s'envolent, d'autres atterrissent. Tout se fait très rapidement. Vu le grand nombre, les oiseaux doivent se serrer s'ils veulent avoir une place pour se reposer ou faire leur toilette. La promiscuité fait partie de leur mode de vie.



Cette photo montre un oiseau arrivant en vol et qui, faute de place disponible, ne peut faire autrement que de se poser sur le dos d'un oiseau déjà installé. Il n'y restera qu'une fraction de seconde, dès que l'oiseau harassé se tassera. Une vie plutôt stressante pour d'aussi petits oiseaux. Comme on dit, il n'y a pas de lunch gratuit.



Et voilà qu'un Faucon émerillon passe en vol et TOUS les bécasseaux s'envolent simultanément, tout en formant un groupe très serré. Ce comportement inné est essentiel à leur survie lorsqu'ils sont en présence d'un prédateur. Le faucon ne réussit sa chasse que lorsqu'il peut se concentrer sur un seul individu. Il le poursuit alors sans relâche. Devant plusieurs individus, il ne sait lequel choisir et son hésitation permet à ses proies potentiels d'échapper à son attaque.




En solo, cet individu constitue une bien belle proie pour un virtuose de l'attaque en vitesse, tel le Faucon émerillon ou le Faucon pèlerin.


Et, pour terminer, voici une autre espèce abondante en migration, mais que l'on retrouve en plus petit nombre à cet endroit.




Ce Pluvier semipalmé / Charadrius semipalmatus / Semipalmated Plover se pose sur un rocher dénudé d'autres limicoles. Bien sûr, il n'y rencontre aucune opposition i.e. qu'il n'a pas à se débattre pour trouver un lieu paisible, mais qu'en serait-il lors du prochain passage d'un prédateur ailé ?



@ bientôt,





dimanche 25 septembre 2016

Jasons jaseurs !




J'ai fait une belle rencontre dernièrement à l'Île-aux-Basques alors que ma route croise celle d'une petite famille de Jaseurs d'Amérique / Bombycilla cedrorum cedrorum / Cedar Waxwing. Ce sont les cris stridents et incessants d'oiseaux immatures qui attirent d'abord mon attention. Je repère sans trop de difficulté une femelle qui nourrit deux jeunes très affamés, en régurgitant fruits ou insectes présents dans son jabot. Ces derniers sont déjà capables d'un vol bref qui leur permet de changer de perchoirs, mais sur de courtes distances.






Et c'est ce qui me permet de retrouver nos deux amis sur une branche un peu plus basse, plus à mon niveau. Ils attendent patiemment le retour du parent parti cueillir des fruits ou attraper des insectes. Maintenant silencieux, ils suivent les allés et venus de leur mère. Lorsqu'elle revient pour les nourrir, ils recommencent ce tapage qui permet au parent nourrisseur de les retracer dans la végétation. Vous remarquerez sur cette photo le jaune à la commissure du bec. Un trait commun aux jeunes oiseaux immatures au stade du nourrissage.






Les jaseurs appartiennent à la famille des bombycillidés qui regroupe un genre (Bombycilla), trois espèces (d'Amérique, boréal et du Japon) et 6 sous-espèces 

Bombycilla garrulus garrulus
Bombycilla garrulus centralasiae
Bombycilla garrulus pallidiceps
Bombycilla japonica
Bombycilla cedrorum cedrorum
Bombycilla cedrorum larifuga


Voici les trois espèces illustrées dans le volume 10 du Handbook of the Birds of the World.






Bien que les jaseurs soient trapus et dodus, tous s'accordent pour leur accorder une élégance peu commune. Cette impression est accentuée par une huppe érectile, un plumage dense, soyeux et coloré, un masque et un menton noirs bien délimités et des ailes longues aux primaires foncées et décorées de marques jaunes ou blanches selon l'espèce. La queue courte porte une bande terminale colorée. Elle est rouge pour le Jaseur du Japon, jaune ou orange pour les deux autres espèces. Chez les adultes des deux espèces américaines, les bouts des rachis des plumes secondaires sont aplatis et d'un rouge brillant qui fait penser à de la cire (wax), d'où la provenance de leur nom anglais.



Des appendices en forme de gouttelettes de cire rouges ornent les plumes secondaires des adultes des deux espèces américaines. Ici, un Jaseur boréal adulte photographié le long d'une rue très achalandée à Sillery, ville de Québec.
 


Et voici un adulte de Jaseur d'Amérique arborant ces mêmes gouttelettes cireuses. Photographié le 8 septembre 2013 au Cap Tourmente, près de Saint-Joachim, Québec



Chez les jeunes qui en sont à leur première année de reproduction, ces appendices cireux sont rarement présents ou sont moins développés et moins nombreux. Leur présence permettrait aux adultes, plus expérimentés et plus âgés, de se reconnaître plus facilement à l'intérieur des groupes et de former des couples plus productifs.



Dès que nous sommes en mesure d'associer les sons émis par le jaseur avec l'oiseau lui-même, il est facile de comprendre l'origine de leur nom français. Que ce soit au repos ou en vol, le jaseur émet très souvent un trille bref, doux et faible. Ce son peut même s'avérer inaudible chez les personnes qui ne sont pas dotées d'une ouïe excellente. Cette incapacité d'émettre un chant fort et audible de loin est assez inhabituelle chez la majorité de nos passereaux. Mais leurs habitudes de vie expliquent ce caractère. L'esprit de territorialité n'est pas très élevé chez les jaseurs qui passent la majorité de l'année en groupes dans lesquels les mâles et les femelles sont déjà en contact étroit dès le début de la période de reproduction. Dès que les groupes se défont, les couples n'ont pas à proclamer leur présence.


Aux oreilles du profane, l'oiseau semble toujours émettre le même son, mais des études prouvent qu'il en est autrement. Le répertoire vocal du Jaseur d'Amérique est peut-être le plus connu des trois espèces et il peut servir de référence pour comprendre celui des deux autres espèces. Le son émis le plus fréquemment peut être traduit par un "bzeeee", une structure de base à la naissance d'une large catégorie de sons. C'est ainsi que le "bzee call" de base peut se transformer en "social call", "location call", "contact call", "warbling call" ou "courtship call". Oui, on peut dire que le jaseur aime jaser.



Plusieurs aspects de la morphologie et des comportements du jaseur sont induits par le fait qu'il est frugivore. L'ouverture du bec est très grande et lui permet d'avaler tout rond les petits fruits. 






En hiver, ces derniers ont une haute teneur en sucre, mais peu en eau et en éléments nutritifs. Ceci oblige les oiseaux à boire souvent et à gober une énorme quantité de baies s'ils veulent survivre à la saison froide. Sur une base annuelle, le régime alimentaire du Jaseur d'Amérique est constitué à 84% de fruits. Mais en décortiquant les différentes périodes de l'année, nous arrivons à des pourcentages plus réels. Entre octobre et avril, la proportion de fruits côtoie les 100%, mais en mai, elle peut descendre en bas du 50%. À la fin du printemps, les bourgeons et les fleurs ont la faveur des jaseurs alors que les insectes s'ajoutent de mai à juillet. Quand ils consomment des fleurs, ils se concentrent sur les pétales et les étamines alors qu'ils capturent les insectes en vol ou en inspectant la végétation. 



Sous nos cieux, le Jaseur d'Amérique débute la nidification à la fin mai et il peut nourrir jusqu'en octobre. La très grande majorité de la population migre vers le sud l'hiver, aussi loin qu'au Costa Rica. Quelques individus demeurent au Québec l'hiver et ils se joignent fréquemment à des groupes de Jaseurs boréaux.



Le Jaseur boréal ne niche pas sous nos latitudes et sa présence en saison froide n'est pas certaine d'une année à l'autre. Son ancien nom de Jaseur de bohème lui allait comme un gant. Il peut former des groupes impressionnants pouvant aller à 3 000 individus. Ces groupes sont continuellement à la recherche d'arbres fruitiers qu'ils vident littéralement de leurs fruits avant de quitter.



Le 16 janvier 2016, un groupe de Jaseurs boréaux, évalué à 750 individus, s'est présenté pendant quelques jours devant notre maison à Sillery, ville de Québec. Nous pouvons passer tout un hiver sans en voir un seul. Nous apprécions toujours ces visites impossibles à prévoir.



En espérant que cette petite "jasette" vous fera mieux connaître cette famille spectaculaire.



@ bientôt.

 



vendredi 16 septembre 2016

Île-aux-Basques: du 02 au 05 septembre 2016




02 septembre 2016



Nous accostons sur l'île vers les 14h45. Le temps de déposer nos bagages et de placer les victuailles dans le réfrigérateur au propane ou dans les armoires, nous partons vers le pré une quarantaine de minutes plus tard. La température est tout à fait exceptionnelle. Un soleil réconfortant, aucun vent et une grande abondance de laridés qui sont occupés à gober le plus de fourmis volantes possible.





À la fin août / début septembre de chaque année, nous assistons à des envols massifs de fourmis volantes. Des milliers de ces insectes s'offrent alors en pâture aux goélands, mouettes et engoulevents qui profitent de cette manne. Les prédateurs ne ménagent aucune acrobatie pour saisir ces sources de protéines providentielles. Ici, un Goéland à bec cerclé / Larus delawarensis /  Ring-billed Gull est concentré sur une proie volante que l'on peut apercevoir un peu plus à droite de l'image.


Nous passons une bonne trentaine de minutes à observer ce ballet aérien de haut voltige. Nous nous dirigeons ensuite vers la pointe rocheuse qui s'étire au bout du pré, c'est l'endroit idoine pour y trouver les bandes de limicoles à marée haute. Sans grande surprise nous y retrouvons un groupe d'environ 150 Bécasseaux semipalmés / Calidris pusilla / Semipalmated Sandpipers essaimés parmi des petites roches rondes. Ces oiseaux sont au repos, la tête rejetée vers l'arrière, le bec enfoui entre les deux ailes. Ils forment des petites boules compactes qui se confondent parfaitement avec les roches environnantes. En fait, il faut porter très attention à leur présence avant de s'approcher trop près de l'eau.



Lorsqu'au repos, les limicoles se dissimulent facilement parmi les roches et la végétation en bordure de l'eau. Les motifs et les couleurs de leur manteau se marient tellement bien à l'environnement. On parle alors de plumage cryptique.



Cette première découverte fait vite place à une autre activité, celle de trouver l'individu différent présent à travers tout ce groupe de sosies. Couleur des pattes, longueur et forme du bec, subtilités dans le colorie du manteau, rayures ou non sur les dessous, grosseur et forme générale de l'oiseau: tout est scruté en profondeur au télescope et deux fois plus qu'une. Plus il y a d'individus et plus la tâche (lire le plaisir) est grande.



La comparaison de grosseur entre les individus nous permet de vite repérer ce Bécasseau sanderling / Calidris alba / Sanderling qui est plus gros que les autres présents à ce moment-là. La blancheur du plumage est également plus frappante dès le premier coup d'oeil.



Cet oiseau un peu plus gros que les bécasseaux avoisinants, au plumage plus sombre et au bec allongé et courbé vers le bas nous dirige vers une autre espèce de limicole, le Bécasseau variable / Calidris alpina hudsonia / Dunlin.



Le Pluvier semipalmé / Charadrius semipalmatus / Semipalmated Plover est habituellement présent en nombre plus ou moins grand parmi les limicoles qui occupent les vasières lors des migrations.




Dans le but de profiter des derniers rayons du soleil près de notre chalet, nous nous y rendons directement. Dès notre arrivée, notre attention se porte vers une famille très bruyante de Jaseurs d'Amérique / Bombycilla cedrorum / Cedar Waxwings. Un parent est affairé à essayer de remplir le gosier de quelques jeunes affamés.



Le Jaseur d'Amérique est l'une des dernières espèces à nous revenir au printemps. Il est habituel de rencontrer des jaseurs qui se font nourrir encore au début de septembre. Comme c'est d'ailleurs le cas ici. Il est impossible de ne pas entendre ces jeunes alors qu'ils quémandent de la nourriture.




Lorsque le parent s'est éloigné à la recherche de nourriture, je me suis approché des jeunes qui étaient encore perchés sur la même branche. En fait, ils étaient quatre. Ils ne se sont jamais envolés. Même si nous ne connaissions pas l'identité de ces oiseaux, il est facile de reconnaître que ce sont des jeunes à la commissure jaune du bec. Tous les jeunes oiseaux partagent cette caractéristique.



Et pour finir cette journée, ce magnifique Viréo à tête bleue / Vireo solitarius alticola / Blue-headed Vireo vient nous saluer.




03 septembre 2016



Fidèles à notre habitude, les premières heures d'observation se font du côté nord de l'île. Nous pointons nos télescopes vers le large afin de commenter l'activité qui s'y déroule. Ces heures peuvent tout aussi bien être d'une grande intensité que d'une grande tranquillité. Ce n'est jamais pareil. La température est encore fantastique aujourd'hui et c'est sous des rayons de soleil prometteurs que nous nous dirigeons vers le lieu d'observation. Chemin faisant, nous rencontrons un jeune Renard roux / Vulpes vulpes / Red Fox. Baigné dans le soleil bas de début du jour, il est tout simplement magnifique.




Il s'agit en fait de l'un des deux renardeaux présents sur l'île en 2016. Une mère Orignal / Alces alces / Moose et son veau résident également sur l'île. Nous ne les avons pas rencontrés de visu, mais les traces fraîches sont visibles à chaque jour. Nous les avons même entendu un soir à partir de la galerie de notre chalet. Il faut dire qu'ils sont actifs durant la nuit. L'an dernier, c'étaient trois jeunes orignaux âgés de plus d'un an qui ont passé l'été à l'île.


Près de la rive, un Eider à duvet / Somateria mollissima dresseri / Common Eider nous montre comment il se nourrit. Il se saisit d'un oursin





et, après quelques manipulations du bec, il l'avale tout rond.... Ayoye !!!






Tel que mentionné plus tôt, il y a des matins où l'activité au large est très calme et c'est le cas ce matin. Nous nous rabattons sur les oiseaux des milieux ouverts ou forestiers. Nous rencontrons des petits groupes d'oiseaux à quelques endroits sur l'île. Quelques espèces de parulines, de moucherolles, de viréos, de bruants...



Les viréonidés sont bien représentés sur l'île avec le Viréo à tête bleue, le Viréo aux yeux rouges et ce Viréo de Philadelphie / Vireo philadelphicus / Philadelphia Vireo. Nous avons observé les trois espèces, près l'une de l'autre.



La Paruline flamboyante / Setophaga ruticilla / American Redstart



Je ne sais pas s'il m'a reconnu, mais ce jeune Jaseur d'Amérique sort de l'obscurité du feuillage et il se perche tout près de moi en me scrutant attentivement pendant de longues secondes.

Il n'y a pas que des oiseaux sur l'île. Voilà que nous rencontrons un superbe Morio / Nymphalis antiopa. Non content d'estiver, le Morio est l'un des rares papillons diurnes à hiverner à l'état adulte. Concrètement, l'adulte naît en juillet, puis il va très vite estiver, i.e.fuir les fortes chaleurs en se réfugiant dans la relative fraîcheur de zones plus ou moins ombragées (sous-bois, surplomb rocheux, feuillus, dessous d'arbre tombé) où il restera tapi jusqu'au début de l'automne

Octobre venu, le Morio se réactive brièvement pour reconstituer ses réserves graisseuses, avant de se mettre en quête d'un abri pour hiverner (tas de bois, coin de vieille bâtisse, arbre creux, cavité rocheuse). Suivant les régions, il refera surface début mars, voire fin février, pour reprendre des forces, mais cette fois en vue de la reproduction. Les pontes s'ensuivront, puis les chenilles et les éclosions de juillet viendront boucler la bouche.

C'est au sortir de l'hiver que le Morio s'observe le plus fréquemment. À cette époque, il est attiré par les chatons des saules et il est d'autant plus repérable que ces arbres sont encore très peu feuillus.


Un superbe Morio / Nymphalis antiopa adulte.



04 septembre 2016



Une autre belle surprise tôt le matin. Il est 07h00 et nous nous préparons pour aller observer au large quand j'aperçois un renard qui apparaît à l'arrière de notre chalet. Ma caméra n'étant jamais loin, je prends quelques photos au travers la grande baie vitrée de la salle à manger.


Ce Renard roux nous fait tout un cadeau en venant passer en arrière de notre chalet. Wow !



Et ça continue avec la présence de cet adulte et cet immature de Jaseur d'Amérique tout près de notre site d'observation des pélagiques.


Le large accepte enfin de partager quelques trésors en accueillant une plus grand quantité de Mouettes tridactyles, de Plongeons catmarin, de Plongeons huart et de Labbes parasites. À deux reprises, nous observons même deux labbes qui s'acharnent sur la même mouette. Ça finit toujours de la même façon, la mouette laisse tomber son poisson que le labbe récolte aussitôt. Le spectacle est trop éloigné pour permettre quelque photo que ce soit.



Voici ma paruline préférée, la Paruline à tête cendrée / Setophaga magnolia / Magnolia Warbler. Même en plumage automnal, elle est tout simplement irrésistible.



Les plumages automnaux de nos parulines peuvent nous causer bien des maux de tête. Cette Paruline obscure / Oreothlypis peregrina / Tennessee Warbler est un bon exemple.


Les moucherolles du genre Empidonax sont extrêmement difficiles à reconnaître à l'automne. En cas de trop grande ambigüité, leur cri de contact est la même façon de confirmer leur identité. Certains autres caractères sont utilisables et fiables, comme la longueur du bec et l'extension des primaires par rapport aux secondaires. L'habitat joue pour beaucoup, mais en période migratoire tout est possible. Dans ce cas précis, c'est au niveau du bec et de l'extension des primaires que j'ai pu identifier ce Moucherolle tchébec / Empidonax minimus / Least Flycatcher.



Quelques minutes auparavant, j'étais en présence de cet autre moucherolle. Heureusement pour moi, il était vocal en émettant son cri de contact. Et même qu'il nous gratifie de son chant complet. Il s'agit cette fois d'un Moucherolle des aulnes / Empidonax alnorum / Alder Flycatcher


05 septembre 2016



Température toujours aussi clémente. Quel séjour fantastique sur notre île magique !  Voici quelques images prises ce jour là.



À l'anse d'en bas, cette Paruline masquée / Geothlypis trichas trichas / Common Yellowthroat nous salue au passage.



Ce parent Jaseur d'Amérique semble vraiment dire à son jeune ado qu'il est temps maintenant de chercher lui-même sa pitance. Et c'est vrai que l'adulte n'était vraiment pas en mode recherche de nourriture ce jour-là.



Cet immature de Busard Saint-Martin / Circus cyaneus hudsonius / Northern Harrier n'a pas cessé de marauder au-dessus du pré et tout le long du rivage de l'île, autant du côté nord que du côté sud. Nous l'avons également observé à l'est de l'île.



L'Île-aux-Basques est également synonyme de petits fruits, de champignons et d'une flore maritime. Il y a tellement à découvrir.



Je termine ce billet avec cette photo de Anne qui compile assidûment toutes nos observations sur la plateforme électronique Ebird. Elle est d'une fidélité et d'une rigueur qui sont toutes à son honneur.







@ bientôt.