lundi 26 août 2013

Les parulines boréales (partie 2)

La Paruline à couronne rousse / Setophaga palmarum / Palm Warbler est un oiseau des tourbières sous nos latitudes, mais elle se rencontre dans différents types de milieux ouverts en forêts boréales. Tout terrain en régénérescence devient un milieu propice pour elle. Le trille faible qu'elle émet se mêle facilement à celui du Junco ardoisé, mais dès que nous distinguons les deux, nous sommes plus en mesure de constater sa  grande distribution dans l'ensemble du territoire visé par nos recherches. Un mâle occupe jusqu'à 40% de son temps à chanter pour maintenir son territoire alors que la femelle incube les oeufs. Cette paruline est l'une de celles qui protège une zone de nourriture lorsqu'elle est sur son aire d'hivernage. Lors d'une étude faite aux Bahamas, des Parulines à couronne rousse défendaient des bourgeons de plantes riches en nectar (Agave braceana) en chassant les autres espèces de parulines ou les colibris. Dans la plupart des cas, le coût en énergie dépassait largement les bénéfices. Tout près du site, une Paruline tigrée passait même jusqu'à 90% de son temps soit à surveiller les intrus soit à les poursuivre.


Paruline à couronne rousse / Setophaga palmarum / Palm Warbler

Chaque mâle de la Paruline masquée / Geothlypis trichas / Common Yellowthroat  possède sa propre version immuable du "witchity-witchity-witchity-witch", habituellement différente de celle de ses voisins immédiats. À l'intérieur de la végétation dense et typique de son habitat, il est plus facile d'entendre que de voir. Le mâle défendant son territoire aurait de la difficulté à voir un intrus et il passe également beaucoup de temps hors de la vue de sa partenaire. Posséder un chant personnalisé permet à chaque individu de se reconnaître mutuellement. Des études ont démontré qu'un mâle donné répond beaucoup plus agressivement à un chant différent de ceux émis par ses voisins. En ne réagissant qu'à un chant différent de ceux entendus habituellement, il sauve du temps et de l'énergie. Par contre si on fait jouer le chant connu d'un voisin immédiat non à partir des limites communes du territoire, mais au milieu du territoire, le propriétaire réagit fortement à cette intrusion dans son fief. Il appert que la femelle reconnait le chant de son mâle. La Paruline masquée chante également en vol et son chant est alors plus varié plus mélodieux, mais il se termine de la même façon que le chant émis à partir de sa perche. Le mâle continue à exécuter ce chant en vol même après que la pariade soit terminée. Des chercheurs suggèrent, parmi d'autres fonctions, que ce comportement pourrait servir à avertir sa compagne de la présence d'un prédateur et à attirer l'attention de l'indésirable vers le mâle, protégeant ainsi la femelle et la nichée.


Paruline masquée / Geothlypis trichas / Common Yellowthroat

Les parulidés de la zone tempérée adoptent presque toutes le même patron d'activité tout au long de la journée. Elles commencent à chanter un peu avant l'aube alors que la lumière n'est pas encore suffisante pour la recherche efficace de nourriture. Au début de la saison de reproduction, elles vocalisent jusque vers les 9h00. Elles demeurent ensuite plus discrètes jusqu'à la fin de la journée où un regain est noté avant le crépuscule. Plus la saison avance et plus la période de chant du matin raccourcit. Une étude détaillée sur la Paruline à gorge noire / Setophaga virens / Black-throated Green Warbler sur son aire de nidification a démontré un pareil scénario. Les mâles de cette espèce passent les périodes de l'aube et du crépuscule à chanter à partir d'un perchoir. Après l'aube, ils continuent à chanter pendant quelques heures, mais la recherche de nourriture devient prédominante à mesure que l'avant-midi se passe. En mi-journée, suivent des périodes d'inactivité où les oiseaux en profitent pour entretenir leur plumage. Dès l'éclosion des oeufs, la recherche de nourriture prend toute la place. Lors de l'incubation, la femelle passe jusqu'à 80% de son temps assise sur les oeufs. Elle se nourrit tôt en journée et aux deux à trois heures par la suite.


Paruline à gorge noire / Setophaga virens / Black-throated Green Warbler


Une étude similaire faite sur la Paruline à gorge orangée / Setophaga fusca / Blackburnian Warbler, aussi en période de nidification, révèle que les deux sexes occupent leur temps de la même façon que la Paruline à gorge noire. La femelle incube 77% de son temps et, dès que les oeufs éclosent, elle s'occupe du nourrissage des oisillons à temps plein.


Paruline à gorge orangée / Setophaga fusca / Blackburnian Warbler


Il découle d'une étude faite sur la Paruline bleue / Setophaga caerulescens / Black-throated Blue Warbler , toujours sur leur terrain de reproduction et avant l'éclosion des oeufs, que le mâle investit de 17% à 40% de la journée à chanter sur un perchoir, de 30% à 32% à se nourrir, de 19% à 22% à combiner le chant et la recherche de nourriture, de 3% à 7% à entretenir son plumage (preening), de 0.4% à 0.9% à interagir avec des intrus et 1.9% à l'inactivité. Pendant ce temps, la femelle passe 75.1% de son temps à incuber et 21.5% à se nourrir. Sur leur territoire d'hivernage, les deux sexes passent tout leur temps à se nourrir. La Paruline bleue est reconnue pour faire deux nichées par année, particulièrement quand le mâle est âgé et plus expérimenté. Lors d'une étude de quatre ans sur une population vivant dans un habitat non fragmenté dans les White Mountains au centre du New Hampshire (USA), des femelles ont été rapportées pondre une moyenne de 6.6 oeufs par saison, desquels 5.2 parvenaient à l'éclosion et 4.3 produisaient des oisillons qui quittaient le nid. Ce haut succès était partiellement dû au fait de l'absence de parasitisme par le Vacher à tête brune / Molothrus ater / Brown-headed Cowbird qui est absent des forêts étendues. 35% des femelles marquées ont mené à terme avec succès deux nichées dans une saison et une femelle en a même fait trois. Ces parulines sont rencontrées en plus grande abondance dans des forêts avec un sous-bois dense et les oiseaux dans ce genre d'habitat quittent le nid plus tôt que ceux qui se retrouvent dans une végétation plus clairsemée. Une autre étude de six années impliquant 239 nids démontrèrent que la femelle de ce parulidé a moins contribué au nourrissage de la première portée que de la seconde. Le mâle portait la même attention aux deux portées. Les chercheurs en ont conclu que la contribution du mâle soulageait la femelle du travail énergiquement très demandant de s'occuper de la première portée, ce qui rendait possible pour elle d'entreprendre une deuxième portée.


Paruline bleue / Setophaga caerulescens / Black-throated Blue Warbler

La Paruline verdâtre / Oreothlypis celata / Orange-crowned Warbler est presque exclusivement insectivore durant la saison de reproduction, mais elle va se sustenter régulièrement de baies et de fruits durant les mois d'hiver, alors qu'elle peut être attirée aux mangeoires contenant du suif, du beurre d'arachide et même des beignets. À l'instar d'autre membre de la famille, ce parulidé visitera à l'occasion les multiples puits de sève creusés par le Pic maculé afin de boire le précieux nectar qui s'y est accumulé. Dans l'ouest de l'Amérique, c'est le Pic à nuque rouge qui remplace l'espèce de l'est et la sous-espèce de l'ouest de la Paruline verdâtre se comporte de la même façon que sa cousine de l'est.


Paruline verdâtre / Oreothlypis celata / Orange-crowned Warbler

La Paruline couronnée / Seiurus aurocapilla / Ovenbird  effectue majoritairement sa recherche de nourriture au sol. Sa méthode préférée consiste à scruter le dessous de chaque feuille morte tombée sur le sol, ou le sol même, afin d'y recueillir les insectes, les arthropodes et les invertébrés qu'y peuvent y vivre. Son chant est émis avec une force surprenante pour sa grosseur. Elle est très agressive lorsque vient le temps de protéger son territoire. Sa période de nidification est remarquablement courte pour un passériforme. Le jeune peut quitter le nid avant la septième journée, spécialement s'il est dérangé. Une étude a permis de voir les jeunes quitter après 6 jours dans 9 des 17 nids inventoriés. L'abondance de nourriture peut être un facteur qui les amène à quitter hâtivement le nid. De plus, dans certaines régions, les nids connaissent un haut degré de prédation et c'est donc une bonne chose que les jeunes puissent quitter tôt.


Paruline couronnée / Seiurus aurocapilla / Ovenbird


La capture d'insectes en vol (flycatching) est sans aucun doute la méthode la plus facile à observer pour l'ornithologue. Bien installé sur son perchoir, l'oiseau surveille les alentours et dès qu'un insecte passe à portée de bec, il le pourchasse et il le capte dans les airs. La Paruline flamboyante / Setophaga ruticilla  / American Redstart l'utilise à profusion et ses pattes faibles, la base de son bec large et la présence de rictales reflètent bien cette spécialisation. Cependant, il faut préciser qu'elle a apporté quelques modifications. Au lieu d'utiliser un perchoir et d'attendre patiemment qu'un insecte se présente, elle utilise les marques jaunes et oranges ornant ses ailes et sa queue afin d'effrayer les insectes présents dans le feuillage ou sur les branches. Tout en se déplaçant, elle ouvre nerveusement les ailes et elle écarte les plumes de sa queue. Cette action fait décoller les insectes et la paruline les capture aussitôt en plein vol. 


Paruline flamboyante / Setophaga ruticilla  / American Redstart
Si on désire observer la Paruline à collier / Setophaga americana / Northern Parula, il faut la chercher dans les grands feuillus et dans la partie la plus haute de la canopée. C'est plus souvent qu'autrement par son chant qu'on la repère. Un trille ascendant plutôt faible, mais bien audible. Elle niche dans une variété de boisés et de forêts, presque toujours associés à l'Usnée (Usnea) dans le nord de son aire distribution et à la Mousse espagnole (Tillandsia) dans le sud. Elle se nourrit principalement d'insectes et d'autres invertébrés comme les araignées. En hiver, elle ingurgite des baies, des graines et du nectar. Elle se nourrit haut dans la canopée en scrutant les feuilles et les brindilles, souvent la tête en bas pour investiguer chaque recoin du feuillage. Il lui arrive aussi d'attraper des insectes en vol ou de voleter sur place pour saisir les insectes accrochés sur les feuilles. À l'automne, elle se tient davantage tout près du niveau du sol, dans la végétation basse.


Paruline à collier / Setophaga americana / Northern Parula

La Paruline à flancs marron / Setophaga pensylvanica / Chestnut-sided Warbler peut jouer bien des tours à l'ornithologue qui compte sur les chants pour la reconnaître. À l'instar d'autres parulidés comme la Paruline jaune, la Paruline flamboyante ou la Paruline à tête cendrée, la Paruline à flancs marron possède un répertoire de chants qui peut devenir mélangeant. Son chant distinctif, qu'on pourrait classer comme de type 1, peut se traduire par un " pleased pleased pleased to meecha", mais la Paruline jaune est bien capable de l'imiter aussi . Son chant de type 2 est plus varié et ne se termine pas nécessairement par le "meecha", mais il peut alors être similaire à un autre chant de la Paruline jaune et de la Paruline flamboyante. Pas facile le métier d'atlasseur qui doit se fier énormément sur les chants pour identifier les oiseaux présents. Cette paruline migre sur de longues distances et elle est très abondante en hiver au Costa Rica où son plumage internuptial trompe bien des nord-américains qui ne sont pas habitués à l'observer dans ce type de plumage.

Paruline à flancs marron / Setophaga pensylvanica / Chestnut-sided Warbler
Je termine avec l'espèce qui est peut-être la plus connue, car elle est très commune partout lors des migrations printanière et automnale. À ces moments-là, on l'observe aussi bien en ville qu'en campagne, dans divers habitats et elle s'approche des habitations plus que les autres parulidés. Elle est l'une des premières parulines à atteindre notre altitude au printemps et elle est l'une des dernières à nous quitter à l'automne. La Paruline à croupion jaune / Setophaga coronata coronata / Yellow-rumped Warbler (Myrtle) a quelquefois deux portées dans la même année. Ceci est plus commun pour la race de l'ouest de l'Amérique du Nord que pour celle de l'est. Cette paruline niche dans les conifères, les forêts mixtes et les boisés dans la zone boréale. À l'instar de plusieurs de ses congénères, elle se nourrit principalement d'insectes et d'arthropodes en été et de baies et de fruits en hiver. 

Paruline à croupion jaune / Setophaga coronata coronata / Yellow-rumped Warbler (Myrtle)

Voici donc les parulidés qui m'ont accompagné lors de mes recherches dans la zone boréale du Québec. J'espère bien y retourner pour la cinquième et dernière année de l'Atlas des Oiseaux Nicheurs du Québec en 2014.

À bientôt !


Bibliographie consultée

del Hoyo, J., Elliott, A.& Christie, D.A. eds. (2010). Handbook of the Birds of the World. Vol. 15. Weavers to New World Warblers. Lynx Edicions, Barcelona.



1 commentaire:

Noushka a dit…

Quelle mine d'infos!
Je suis épatée par tes photos également!
Je n'ai hélas pas le temps de tout commenter. Je ne suis toutefois pas surprise par ce que tu dis du chant de la Paruline masquée. Des australiens ont fait des études assez similaires avec des mésanges.
Comme j'aimerais être à tes côtés pour voir toutes ces petites merveilles!
Ici, nous avons un Redtart que nous appelons Rouge-queue. Je n'avais pensé qu'il pouvait être apparenté aux parulidae mais il a en effet la même morphologie que ta Paruline flamboyante.
Bien amicalement, Laval!