mercredi 17 avril 2013

Des oiseaux sur la "Vieille Montagne".

Le Machu Picchu, ce nom vous rappelle quelque chose ? Vous savez ce haut lieu sacré inca établi au sommet de pics vertigineux dans les Andes péruviennes. En décembre 2009, Anne et moi-même décidons de nous rendre dans la partie centre est du Pérou afin d'aller découvrir la très grande variété d'oiseaux qui l'habitent. Cette région comporte plusieurs points d'attraction et pas seulement ornithologiques: le célèbre Parc National de Manu, la rivière Alto Madre de Dios qui traverse la section amazone au centre du pays, Abra Malaga et ses spécialités de haute altitude, la ville de Cuzco endroit idéal pour s'imprégner de la culture inca, la Vallée sacrée et le mythique site de Machu Picchu. Même pour un maniaque d'oiseaux comme moi, il n'est surtout  pas question de nous rendre au Pérou sans visiter le Machu Picchu. Je me dis aussi, qu'après tout, il doit bien y avoir des oiseaux à observer là aussi ;-) .


La façon la plus pratique et la plus rapide de nous y rendre est d'abord de nous diriger, au départ de Cuzco et en empruntant les routes 28 et 288, à la ville de Ollantaytambo. Située dans la partie est du Pérou, à 88 kilomètres au nord ouest de Cuzco, elle est en continuité de la non moins renommée Vallée sacrée qui commence dès que nous  traversons le village de Pisac sur la route 288. Les Incas s'y sont installés très tôt dans leur histoire en raison de la richesse du sol et de l'abondance des cours d'eau.


La photo de Anne montre bien cette vallée sise au pied de hautes montagnes. Une rivière plus ou moins large selon les endroits assure un apport d'eau tellement important à des altitudes de 2 500 mètres et plus. C'est un endroit idyllique pour s'y établir.

C'est le 19 décembre 2009 que nous traversons la Vallée sacrée en compagnie de Ramiro et de Custo. Ramiro est un guide ornitho professionnel et Custo est le chauffeur du véhicule 4X4 dont nous avons réservé d'avance les services pour une durée de onze jours. Nous nous arrêtons à la ville d'Urubamba, à une vingtaine de kilomètres avant Ollantaytambo, à l'hôtel Hosteria Illarimuy. Et c'est le lendemain que nous nous rendons prendre le train.




Après un substantiel petit déjeuner à 06h00, nous prenons place dans le minibus 4X4 de Custo et nous nous dirigeons vers la station de train de Ollantaytambo (à 2 700 mètres d’altitude). Il pleut depuis quelques jours dans la région. Normal car nous sommes au début de la saison des pluies. Le départ du train est programmé à 07h15, mais un éboulis sur la voie ferrée cause un retard. Nous ne partons que vers 08h30. Nous profitons de ce temps d'attente pour cocher la première nouvelle espèce de la journée, le Porte-traîne nouna / Green-tailed Trainbearer. Il sera suivi de près par notre premier Cardinal à dos noir / Black-backed Grosbeak du voyage. Je ne connais pas de meilleure façon pour passer le temps.

Nous choisissons des sièges qui donnent du côté de la rivière dans le but de trouver la Merganette des torrents / Torrent Duck et le Cincle à tête blanche / White-capped Dipper pendant le trajet qui dure environ une heure et trente minutes. La voie ferrée longe la rivière Urubamba jusqu'à Agua Calientes, soit sur une distance d'une quarantaine de kilomètres. Le sièges sont confortables, les baies vitrées sont grandes et la rivière est idéale pour l'observation des espèces recherchées. Le train est tout sauf rapide. Mais cela nous convient parfaitement. Ceci nous permet de repérer à l'oeil nu dix merganettes dont un immature, sept femelles et deux mâles.

Deux mâles de Merganette des torrents / Merganetta armata armata / Torrent Duck s'affrontent dans un duel où la plume remplace l'acier. Photo de Claudio Vidal , Chili, printemps 2011.

Nous réussissons également à trouver trois cincles. De plus, nous ajoutons deux Chevaliers grivelés / Spotted Sandpipers, trois Moucherolles noirs / Black Phoebe et un Tyranneau des torrents / Torrent Tyrannulet. Les paysages sont tout à fait grandioses. Comme les wagons sont pourvus d'un toit vitré, les montagnes hautes et très escarpées nous entourent littéralement.


Un délicieux lunch nous est servi et nous arrivons à Agua Calientes (à 2 000 mètres d'altitude) dans les délais prévus. C'est une petite ville touristique très achalandée, car tous doivent y passer avant d'accéder au réputé site. Nous empruntons un autobus qui escalade une route en lacets jusqu'à l'entrée du site du Machu Picchu (à 2 400 mètres d'altitude). De mémoire, le tout prend de quinze à vingt minutes. Au terme de cette courte balade, le panorama qui s'offre à nous est tout à fait magique. Sur la photo qui suit le sommet qui culmine le plus au-dessus du site archéologique est le Huayna Picchu.

 
Il est 11h15 lorsque nous débutons la visite du site en compagnie de Ramiro. Celui-ci nous guide à travers les ruines comme s'il était chez lui. Ses explications sont intéressantes et concises. Nous sommes très impressionnés par les vestiges, l'emplacement et les montagnes tout autour. Le Machu Picchu (du quechua MACHU, vieille, et PICCHU, montagne) est une ancienne LLAQTA (cité) inca du XVième siècle perchée sur un promontoire rocheux qui unit les monts Machu Picchu et Huayna Picchu (jeune montagne) sur le versant oriental des Andes centrales. 

Selon des documents du XVIème siècle, Machu Picchu aurait été l'une des résidences de l'empereur Pachacutec. Quelques-unes des plus grandes constructions et le caractère cérémonial de la principale voie d'accès à la LLAQTA démontreraient aussi que le lieu fut utilisé comme un sanctuaire religieux avec tout ce que cela comporte de rituels et de croyances. Les deux usages ne s'excluent pas forcément.

Sur le site de Machu Picchu, les habitations situées le plus haut étaient celles de la royauté, des nobles, des magistrats et des différents temples. Au centre des bâtiments, nous apercevons un ensemble de structure plus pâle qui est le temple du soleil.  

De toutes les constructions, le temple du soleil est le plus peaufiné, le plus grand et le mieux situé sur le site de Machu Picchu. L'édifice principal constitué de blocs de pierre finement polis est appelé la tour. Elle est construite sur une grande roche sous laquelle se trouve une petite grotte dont les parois sont entièrement recouvertes d'un fin travail de maçonnerie. On pense qu'il s'agit d'un mausolée et que, dans ses grandes niches, reposaient des momies. Ce lieu servait lors de cérémonies en relation avec le solstice de juin. Le matin du solstice, les premiers rayons du soleil à apparaître de  derrière la montagne passaient par une des ouvertures carrées pratiquées dans le mur et venaient frapper un endroit bien précis à l'intérieur de la construction. En contrebas, nous apercevons la rivière Urubamba qui vient encercler la base de ces pics rocheux.
En revanche, les experts ont écarté l'idée d'un ouvrage militaire. Les Incas n'étaient pas fondamentalement des guerriers. L'idée de construire une cité au sommet d'une montagne relevait plus de la volonté de s'approcher des cieux (et des dieux) que de celle de dominer militairement les alentours. Ramiro s'est toujours intéressé à l'histoire de ce site et, à partir de ses nombreuses lectures, il en vient à la conclusion que la famille royale ne devait pas y habiter à l'année longue, mais plutôt durant les quelques mois où la température devenait trop chaude en plus basse altitude. 

Le Condor des Andes / Vultur gryphus / Andean Condor survole le site aujourd'hui, comme il le fait depuis des temps immémoriaux.

Le Condor des Andes est un rapace d'une grande beauté et, grâce à son envergure d'ailes de plus de trois mètres, il est passé maître dans l'art de se laisser porter par l'air chaud ascendant créé par les milieux arides où il se tient. En plus d'être un symbole national pour le Pérou, le Chili, la Bolivie, la Colombie, l'Équateur et l'Argentine, il joue un rôle important dans le folklore et la mythologie des régions andines. Le condor est considéré quasi menacé par l'UICN. Je remercie Pierre Bannon qui m'a autorisé à utiliser cette photo d'un bel adulte qu'il a prise le 3 octobre 2006 à la Pampa de Achala, en Argentine.

Pour les Incas, cet oiseau majestueux représente l'ascension de l'âme vers les cieux. Un endroit spécifique lui est réservé sur le site sacré et ce n'est pas le moindre. Le temple du Condor se compose d'une immense dalle tirée de la roche et sculptée pour représenter l'oiseau sacré. C'est sur cette dalle que sont sacrifiés les animaux offerts aux dieux. Le flot de sang s'écoulant sur la surface rocheuse est dirigé vers la "collerette" creusée dans la pierre et il est ensuite concentré vers le bout de ce qui ressemble à un bec d'oiseau. Ce que nous ne voyons pas sur cette photo de Anne, c'est qu'un trou est percé dans le sol et le sang s'y engouffre, suit un dalot creusé en dessous de la roche et aboutit à une petite grotte que nous devinons en haut de la photo. Tout ceci pour symboliser qu'à la mort le sang retourne à la terre alors que l'âme s'élève.

La pointe de cette dalle rocheuse a été ciselée pour représenter la collerette, le crâne et le bec d'un Condor des Andes. Les deux roches qui se rejoignent en avant font office d'ailes qui retiennent le flot de sang et le concentre vers une trouée pratiquée dans le sol. Le sang est ensuite dirigé dans l'obscurité d'une grotte par un petit canal tracé dans le sol ou à même le roc.
La ville sacrée de Machu Picchu , oubliée pendant des siècles, est considérée comme une oeuvre maîtresse de l'architecture inca. Elle fut dévoilée au monde par l'archéologue Hiram Bingham de l'Université Yale en juillet 1911. Il écrivit un ouvrage de référence à ce sujet. Ses caractéristiques architecturales et le voile de mystère que la littérature a tissé sur le site en ont fait une des destinations touristiques les plus prisées de la planète. Depuis 1983, le site est sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO. Le 7 juillet 2007, l'endroit a été désigné comme l'une des sept nouvelles merveilles du monde par le New Open World Foundation, un organisme non officiel et à caractère commercial.

Anne et moi sommes d'avis que c'est ce que nous avons visité de plus impressionnant à date dans nos voyages. Nous avions eu le bonheur de visiter antérieurement le site Maya de Caracol au Bélize et nous avions été tout simplement émerveillés par ce que nous avions découvert. Mais ce site est si grandiose en comparaison que nous ne manquons aucune explication de Ramiro. Cependant, nous revenons vite aux oiseaux quand nos pas croisent les chemins du Ada à ailes blanches / White-winged Black-Tyrant et
de l'endémique Ariane du Pérou / Green-and-white Hummingbird. Il est 13h00 lorsque Ramiro nous propose la descente à pied vers Aguas Calientes. Nous pourrions choisir également l'option de retourner en autobus, mais selon lui le parcours à pied en vaut la chandelle et nous sommes très enthousiastes à cette idée. Le ciel est légèrement couvert, ce qui est idéal comme température, et l'absence d'un soleil trop éclatant améliore les conditions d'observation. Afin de rattraper le retard du matin, causé par le départ tardif, le dîner se composera volontairement des barres tendres que nous traînons toujours avec nous. Ces huit kilomètres jusqu'à la rivière seront en effet très productifs.

La descente se fait au rythme ornitho, lentement et sûrement. Nous pouvons choisir d'emprunter la route large et en terre battue empruntée par les autobus ou descendre par le sentier des Incas. Nous utilisons un peu des deux afin d'avoir des milieux ouverts ou un peu plus fermés. Anne semble bien apprécier de se trouver là, sur la "vieille montagne".

Plusieurs nouvelles espèces sont rencontrées dont un couple de l'endémique Cotinga masqué / Masked Fruiteater et plusieurs individus du Troglodyte inca / Inca Wren, un autre endémique péruvien.C'est en fait une trentaine d'espèces que nous observons chemin faisant. Comme je ne faisais pas de photos à l'époque, je n'ai malheureusement pas plus de photos d'oiseaux ou d'animaux à vous présenter.

Il est 16h00 lorsque nous arrivons au pont qui enjambe la rivière Urubamba et 16h30 lorsque nous atteignons le village. Nous sommes heureux, mais aussi très affamés. Ramiro nous conduit au restaurant Indio Feliz, tenu par un français et sa femme péruvienne. Ce français a vécu deux ans à Montréal alors qu'il était en couple avec une femme de Shawinigan. Que le monde est petit ! Nous jasons en français, ce qui ne doit sûrement pas lui déplaire. Le repas est excellent, le meilleur à date en sol péruvien. Nous nous rendons ensuite à la gare pour 18h15, le train quittant la gare à 18h45. L'embarquement se fait aux lueurs des chandelles, car il n'y a pas de courant suite à l'éboulis du matin qui a arraché des fils électriques le long de la voie ferrée. Custo nous attend à Ollantaytambo et il est 21h00 lorsqu'il nous dépose aux portes de l'hôtel.

Quelle journée ! Mémorable, comme toutes les autres depuis notre arrivée, mais celle-ci est encore plus spéciale. Nous nous couchons beaucoup plus tard que d'habitude, vers les 22h30, et le lever est prévu à 04h30. Bah ! On se reposera à notre retour au Québec.


 Nous sommes ici en mission, n'est-il pas ? comme dirait l'autre.






4 commentaires:

lejardindelucie a dit…

Merci pour ce merveilleux voyage que vous nous offrez! J'ai rêvé du Machu Pichu, en tant que jeune étudiante en histoire!

Laval Roy a dit…

Merci Lucie. Il est des endroits sur cette belle planète qu'il vaut la peine de découvrir. Juché en haut de ces pics rocheux, à contempler un village sans âge et la rivière Urubamba en contrebas d'un précipice de 600 mètres, on se sent bien près des cieux.

Noushka a dit…

Comme Lucie, je rêve d'y aller.... quel merveilleux article tu nous offres ici, Laval!
Je ne savais pas qu'on pouvait y aller en balade ornitho!
Arrivés là-haut, avez-vous ressenti le manque d'oxygène?
Je crois que l'histoire cachée de ce peuple et de cette ville est loin d'avoir fini de nous surprendre, il parait qu'il y a presque autant de 'construit' invisible en sous-terrain qu'au-dessus!
Un reportage magnifique autant par les images que par le texte!
Thanks for sharing!!!


Laval Roy a dit…

Merci Noushka d'être passée me lire. Tu sais, on peut aller partout en balade ornitho ;-) Non, nous n'avons ressenti aucun manque d'oxygène. Le site de Machu Picchu n'est qu'à 2,400 mètres d'altitude. C'est vrai que ça dépend de chacun, mais moi je peux me rendre à 3,300 mètres avant de commencer à éprouver de l'inconfort à respirer. Au plaisir !