mardi 24 janvier 2012

Le Quetzal resplendissant. Le plus beau des oiseaux ?

Voici l'une des questions les plus embêtantes à poser à un ornithologue. Le plus beau ?  Mais les oiseaux sont TOUS beaux. Ils ont tous un petit quelque chose qui les rend intéressant à observer. C'est vrai que les oiseaux peuvent différer énormément par leur grosseur, leur forme, leur coloris, leur chant ou leur comportement. Et ce n'est pas toujours consciemment que nous sommes capables de discerner lequel de ces attributs rend une espèce particulièrement belle à nos yeux. Nous aimons une espèce dans son entité globale et la notion de beauté peut reposer sur seulement un des aspects mentionnés plus haut, mais ce dernier est suffisant pour nous faire oublier le reste.
 
Les grives et les solitaires sont affublés de couleurs plutôt ternes, mais leurs chants éthérés nous transportent dans un autre monde. Comparativement, les toucans et les araçaris, aux couleurs variées et parfois pétantes, ne font qu'émettre des sons tantôt rauques, tantôt grinçants. Les colibris, au plumage iridescent, sont des coups de coeur ambulants. Ces bijoux volants ne laissent personne indifférent qu'il s'agisse du Colibri géant / Giant Hummingbird (de la taille d'un Pipit d'Amérique / American Pipit) ou du Colibri d'Helen / Bee Hummingbird  (de la taille d'un gros bourdon). Je pourrais élaborer ainsi longtemps sur les différentes familles qui forment le vaste monde des oiseaux, car chacune d'elles recèlent des trésors garantis.
 
Quand on me pose cette question, ma réponse est sans équivoque: " L'espèce la plus belle est la prochaine nouvelle espèce que je vais observer". Je ne l'utilise pas comme faux fuyant, mais elle reflète ce que je pense vraiment. Mais si je tente de donner une réponse, je dois admettre que j'ai un faible pour une espèce que j'ai observée à quelques reprises au Costa Rica, le Quetzal resplendissant / Resplendent Quetzal. Voici une photographie prise par Suzanne Labbé de cet oiseau extraordinaire, à San Gerardo de Dota, au Costa Rica, en mars 2010.


Ma première observation de cette espèce a lieu le 27 juin 1991, alors que je me retrouve au Costa Rica, plus précisément à Monteverde, un parc reconnu pour héberger cette espèce spectaculaire. Je suis accompagné de mon ami ornithologue Mario Grégoire. L'oiseau repéré est une femelle haut perchée qui ne nous montre pas toutes les subtilités de son plumage. De toute façon, la femelle ne possède pas les longues plumes sus-caudales du mâle, ni la crête "punkie" du mâle. Cependant, je retrouve dans mes notes le rapport d'une autre rencontre effectuée en 1998, toujours au Costa Rica. Je guide alors un groupe de Québécois dans l'un de mes voyages organisés dans ce pays.  Voici ce rapport tel qu'écrit à ce moment-là.
 
"Le 6 Mars 1998, Marino Chacon, le guide attitré à l'auberge Savegre de San Gerardo de Dota, amène notre groupe près d'un site de nidification du Quetzal resplendissant.  C'est avec beaucoup de respect et d'attention que le groupe observe une femelle occupant l'ouverture du nid.  Les quetzals creusent leurs nids dans le bois pourri. Ils ne possèdent pas le bec fort du pic et ils ne peuvent donc s'attaquer au bois sain. Les troncs choisis sont souvent très droits et peuvent être situés en forêt ou dans une clairière adjacente à un boisé.  L'ouverture, oblongue plutôt que ronde, a de dix à douze cm de diamètre. Elle peut se retrouver entre quatre et vingt sept mètres du sol. Dans l'exemple qui nous occupe, l'excavation a été faite dans un tronc brisé, dont l'état de pourriture ne fait aucun doute, et le nid se trouve à environ huit mètres du sol. Les deux partenaires creusent l'intérieur du nid et ils contribuent de façon égale à la couvaison. Marino nous apprend que la relève se fait environ aux trente minutes. Aujourd'hui, nous ne pouvons observer ce changement, car le temps nous manque. Nous observons ensuite 3 mâles et 1 femelle, un peu plus haut en bordure de forêt."
 
Le mâle du Quetzal resplendissant est l'un des plus beaux oiseaux du monde. Il doit sa beauté à l'intensité et aux contrastes de sa coloration, au lustre et au chatoiement de son plumage, à l'élégance et à la symétrie de ses formes et à son port noble. Sa tête entière et son dos sont d'un vert intense et chatoyant. Sa poitrine, son ventre et ses plumes sous-caudales sont d'un riche cramoisi. Le vert de sa poitrine rencontre le rouge de son ventre en une ligne concave. Sa tête est ornée de plumes raides qui forment une crête bien définie sur le front. Son bec, d'un jaune brillant, est plutôt petit pour un trogon de cette envergure. Son oeil brillant, presque noir, est bien en évidence parmi les plumes vertes de sa face et il est dépourvu des cercles oculaires blanc, bleuté ou jaune de plusieurs trogons. Au repos, ses rémiges sont cachées sous des couvertures formées par de longues et duveteuses plumes d'un vert doré qui , se réunissant en pointes, viennent contraster avec le cramoisi des flancs. Le bout foncé des rémiges, qui s'étendent au-delà des couvertures sus-alaires,  contraste avec le croupion vert au-dessus duquel elles se retrouvent. Les plumes sombres du centre de sa queue sont totalement cachées sous de longues sus-caudales. Ces plumes duveteuses sont vert-doré avec des iridescences violettes ou bleues. Deux à trois de ses plumes centrales sont plus longues que l'oiseau lui-même (l'oiseau avec la queue mesure environ 36 cm et les plumes centrales peuvent excéder la queue jusqu'à 64 cm, pour une longueur totale de 100 cm). Fines et flexibles, elles se croisent au bout de la queue et forment une traîne impressionnante lorsque l'oiseau est en vol. Quand il est perché sur une branche d'où pend du lichen , il est difficile de différencier les plumes et le lichen qui ondoient à l'unisson sous un vent léger.

Les dessous blancs de sa queue contrastent avec le ventre rouge quand il est observé de face ou lorsqu'il passe en vol au-dessus de la tête. Et pour ajouter encore plus d'éclat à cet habit d'apparat, le vert métallique de la tête et du dos change en bleu ou en violet quand vu sous un éclairage favorable.

Dans cette autre photo prise par Suzanne, également en mars 2010, il faut noter les deux plumes sus-caudales qui se retrouvent au-dessus de la tête du mâle lorsqu'il pénètre dans la cavité pour couver ou surveiller le nid.  Ces plumes étant trop longues pour se loger à l'intérieur, l'oiseau n'a pas d'autre choix de se placer ainsi s'il veut les garder en bon état. 


Oui, le Quetzal resplendissant est tout à fait extraordinaire, mais il existe aussi d'autres espèces tout aussi remarquables. J'ai posé la question piège un jour à Martin Edwards, un physicien nucléaire ontarien (vivant à London), qui est le deuxième ornithologue mondial à avoir observé au moins une espèce d'oiseau dans chacune des familles répertoriées par la science moderne. Il l'a fait après avoir observé 3 500 espèces alors que le premier l'a fait après 5 200 espèces. Pour cette raison, Martin est dans mon coeur le PREMIER. J'ai donc osé lui poser la "question-qui-tue" et il m'a répondu sans hésiter: le Kagou huppé / Kagu. 

Le Kagou huppé ou simplement Cagou (Rhynochetos jubatus)  mesure environ 55 cm, de couleur grisâtre, aux longues plumes occipitales, au plumage blanchâtre orné de barres sur les ailes. Il est presque incapable de voler. C'est le seul représentant de la famille des Rhynochetidae et du genre Rhynochetos endémique de Nouvelle-Calédonie.
Photo Internet.
Le titre de "plus bel oiseau" est donc très subjectif et dépend de différents facteurs propres à chacun. Heureusement, la beauté ne dépend pas seulement de LA BEAUTÉ. Elle peut quelquefois référer à la difficulté d'observation, à la rareté de l'espèce ou tout simplement aux liens que l'observateur crée avec l'espèce. Et, je crois, ce facteur est le plus important.

Aucun commentaire: