mardi 29 mars 2011

Une nouvelle espèce pour Cuba

Ce n'est sûrement pas à tous les jours que nous avons la chance de participer à la découverte d'une nouvelle espèce pour un pays donné. C'est pourtant ce que j'ai personnellement eu le bonheur de vivre.

Nous sommes le 10 Avril 2008, un groupe de 16 Québécois, dans un voyage organisé par moi et guidé par Jean-Jacques Gozard de Amazilia Tours, quitte l'hôtel Villa Cojimar sur Cayo Guillermo pour se rendre à Playa Pilar, une très belle plage située tout près et un peu plus à l'ouest, toujours sur Cayo Guillermo. Il est 9h10 lorsque nous nous présentons sur la plage. À notre arrivée, une corneille dont le croassement ressemble à celui de la Cuban Palm Crow/Corvus minutus/Corneille minute n'allume aucune lumière à la majorité d'entre nous. Mais Jean Jacques Gozard et Richard Yank ne sont pas dupes de la ressemblance et ils scrutent minutieusement l'oiseau. Il s'agit bien, le plumage et le ramage le confirmant, de la Indian House Crow/Corvus splendens/Corbeau familier . Il faut spécifier que cet oiseau peut sembler très noir selon sa position par rapport à la source de lumière. Je l'ai observé dans ma lunette sans même deviner le plus petit reflet gris. L'oiseau est un peu à contre jour et ce qui m'intrigue c'est le bout des deux mandibules qui se croisent à la façon des becs-croisés. Je porte aussi une attention spéciale à la longueur des ailes par rapport à la queue et je m'aperçois que ça ne concorde pas avec la Corneille minute. J'en suis à ce stade de réflexion quand Richard Yank vient secouer ma torpeur. L'oiseau est assez actif, car Jean Jacques passe et repasse le cri du Corbeau familier auquel l'oiseau répond allègrement tout en cherchant la provenance du chant. L'oiseau esseulé espère sans doute découvrir un autre individu de son espèce. Gaétan Duquette secoue une deuxième fois ma torpeur en soulignant qu'il faudrait documenter cette observation inusitée. Je réalise donc en digiscopie (sans adaptateur) ces quelques photos. Elles sont assez précises pour prouver l'identité de cette espèce observée pour la première fois à Cuba. Dans le livre de Raffaele, A Guide to the Birds of the West Indies, à la page 451, la liste des égarés pour les Caraïbes Occidentales est présentée et seulement la Barbade a déjà été le théâtre d'une observation antérieure. Voici donc quelques photos.



Site de Playa Pilar, sur Cayo Guillermo. Le corbeau se tient près des structures et il fouille dans la poubelle en bordure de la plage. Je me prépare à prendre des photos. Photo Anne Déry.


Le Corbeau familier a trouvé de quoi se sustenter. Photo Laval Roy.



La différence de coloration entre la tête plus sombre et le dos grisâtre n'est pas si évidente lorsque l'oiseau se tient dans un mauvais éclairage. À noter cependant un trait qui a d'abord attiré mon attention, soient les longues pattes. Photo Laval Roy.


Sur cette photo, il est plus facile de voir le capuchon noir qui contraste avec le reste des parties supérieures de l'espèce. Photo Laval Roy.

Le Corbeau familier est une espèce très invasive et il s'est établi par lui-même dans au moins 25 pays. Il prolifère près des habitats bouleversés par la présence humaine et il affectionne les milieux côtiers. Il peut même suivre l'homme jusque dans les habitats désertiques, à condition que ce dernier s'y installe. Cette espèce cause des problèmes partout où elle s'installe, car elle peut causer des grands dégâts aux cultures de maïs et de sorge et elle constitue un prédateur envers les autres espèces aviaires en mangeant les oeufs et les oisillons. En ce sens, elle oblige les éleveurs de poules à ne pas laisser les gallinacés en liberté et les poulaillers doivent être entourés de broche afin d'empêcher les corbeaux d'y pénétrer. En plus, elle est la propagatrice d'au moins huit maladies néfastes à l'homme, même si un lien entre l'oiseau et l'homme reste encore à être établi.

À la fin des années 1800, le Corbeau familier a été introduit dans certaines locations pour agir comme prédateurs auprès de la vermine, autant dans les villes que dans les champs, et aussi pour nettoyer les environs de l'homme des détritus comestibles qui traînent un peu partout, dont les dépotoirs à ciel ouvert.

Dans leur pays d'origine le Corbeau familier compétitionne avec les autres corvidés pour l'élimination des déchets et avec les rapaces, les reptiles et les singes pour la prédation sur les rongeurs et autres petites bibittes rampantes ou sautillantes. Le corbeau défend très bien son nid contre les chats en liberté et les autres prédateurs. Dans ses pays d'introduction, aucune persécution directe par les prédateurs autochtones n'a été observée.

Corvus splendens est natif de l'Inde, du Népal, du Bhutan, du Pakistan jusque dans le sud de l'Afghanistan et la côte du sud de l'Iran. Vers l'est, à partir du Bengladesh en passant par le Myanmar jusqu'à la Thaïlande de l'ouest. Vers le Sud, à travers l'Inde jusqu'au Sri Lanka. Une sous-espèce est native des Maldives.

Après des premières relâchées à Zanzibar en 1897, l'espèce s'est répandue dans tous les pays de l'Afrique de l'est en même temps que sur la plupart des îles de l'Océan Indien et à Socotra (Yemen). On la rapporte régulièrement dans tous les pays de la Péninsule Arabique et au nord de l'Égypte et sur des sites en Israël et en Jordanie. La petite population de Hoek Van Holland et l'établissement d'une colonie satellite à den Haag en Hollande sont les premiers cas de nidification dans la zone tempérée (Nyari Ryall and Peterson 2006). Dans le sud-est de l'Asie, elle a été introduite en Malaisie, à Singapore et à Hong Kong.

Quelques observations individuelles sont occasionnellement rapportées autour du monde, exemple: Australie, Sumatra (Indonésie), B.I.O.T. (UK OT), Tangiers (Maroc), Gibraltar (UK OT), Floride (USA), Barbades, Punta Arenas (Chili) (Ryall 1994, 2002). Étant donnée le caractère très invasif de l'espèce, quelques endroits sont prévisibles pour un établissement prochain de l'espèce: l'ouest et le sud de l'Afrique, les Caraïbes, le Mexique, l'Amérique centrale et certaines parties de l'Amérique du Sud (Nyari Ryall and Peterson 2006).

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