vendredi 25 février 2011

Ma quête de la Perdrix blanche

Depuis combien de temps j'en rêvais de cette perdrix tout de blanc vêtue, aux yeux, bec et rectrices de la queue noirs comme du jais ?  Celle-là qui vit et se reproduit si loin dans le nord du Québec. Celle-là qui vient aussi passer quelques mois plus au sud, certains hivers. Et on n'en compte pas beaucoup de ces hivers dans une vie d'homme. On parle d'une migration par décennie (i.e. une fois à tous les dix ans) et qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres. Rien à voir cependant avec les migrations annuelles et épiques de nos passereaux comme la Paruline du Canada ou la Paruline à gorge orangée qui nous quittent à l'automne pour aller envahir les forêts tropicales du Pérou et de l'Équateur. Comme j'approche ma sixième décennie de vie et que je n'ai pas encore observé l'oiseau blanc, je décide de profiter de l'invasion de l'hiver 2010-2011 pour tenter ma chance. Mes recherches vont se faire au Lac St-Jean, dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette (NDL), à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Dolbeau-Mistassini. En effet, plusieurs de ces oiseaux ont été observés dans ce secteur au cours des dernières semaines. Mais comme je suis très novice par rapport à cette espèce, je communique avec mon ami Dominique Lavoie qui connaît bien cette espèce pour l'avoir côtoyée au printemps 1995 . Il accepte de nous guider Anne et moi dans notre quête de la Perdrix blanche.

On l'appelle vernaculairement Perdrix blanche, mais c'est faux sous deux aspects. Ce n'est pas une perdrix et elle n'est pas blanche toute l'année. Ce n'est pas moi qui le dis, mais bien le grand Buffon dans son "Histoire naturelle" à la page 267
Cet oiseau est celui auquel on a donné le nom de Perdrix blanche, mais très improprement, puisque ce n'est point une perdrix, et qu'il n'est blanc que pendant l'hiver, à cause du grand froid auquel il est exposé pendant cette saison sur les hautes montagnes du pays du Nord, où il se tient ordinairement.
En fait, son nom scientifique est Lagopède des saules / Lagopus lagopus / Willow Ptarmigan. Membre de l'ordre des galliformes et de la famille des phasianidés, il est un peu plus gros que le Pigeon biset et il est plus massif. Contrairement à la plupart des oiseaux qui changent de plumage deux fois par année, le lagopède mue trois fois. Son plumage cryptique se marie à son environnement quelque soit la saison. En hiver, les deux sexes sont presque entièrement blancs, hormis la queue qui reste noire tout au long de l'année. Les saisons ont également un effet sur son comportement, car il devient grégaire pendant l'hiver. Ce fait nous aide grandement à le repérer. Leurs doigts sont emplumés, ce qui facilite la marche sur la surface enneigée. C'est le trait qui m'a le plus frappé quand je l'ai aperçu pour la première fois. Gonflées par les plumes, ces pattes semblent disproportionnées par rapport à son corps.

Le lagopède possède un menu végétarien. En hiver, il se nourrit de tiges et bourgeons de saules, de bouleaux et d'aulnes. Au printemps, tiges et fruits d'airelles viennent agrémenter le menu. En été, il s'alimente de feuilles, de plantes herbacées, de fruits et de graines. Le régime des jeunes est composée d'insectes et de plantes. 

C'est donc avec la tête et le coeur remplis de ces informations que nous quittons Québec en ce beau dimanche matin du 13 février 2011. Il est 06h00 et nous prévoyons rejoindre Dom à Mistassini vers 10h00. On est en plein dans le mille pour l'heure de rendez-vous. Nous nous dirigeons tout de suite vers NDL. Dom nous initie tranquillement aux us et coutumes du lagopède. Il nous montre des pistes dans la neige et des tiges de saules où tous les bourgeons ont été arrachés et avalés par les oiseaux. C'est fascinant de voir que ça se passe juste sur le bord de la route. Avant d'arriver au chemin menant à NDL, Dom nous demande d'arrêter à un endroit où il a repéré des oiseaux la semaine aupravant. Ce ne sont malheureusement que de vieilles pistes, mais ça nous permet de nous familiariser davantage avec l'environnement préféré des lagopèdes. 
  
Vers 11h30, alors que nous fouillons en bordure de route, un camion arrête et le conducteur parle avec Dom. Il lui dit qu'il vient de lever 5 ou 6 lagopèdes dans la route qui mène vers le rang Saint-Pierre et NDL. Ça devait faire à peu près quinze ans que je n'avais pas couru comme ça pour récupérer l'auto (et ça ne courrait pas vite !!!). Arrivés sur les lieux de l'observation, nous ne voyons que de superbes traces dans la neige. Aucun oiseau. Nous parcourons ensuite les rangs Sainte-Anne et Saint-Charles. Pas de traces fraîches et une neige fine tombe de plus en plus. Un peu frustrés, nous revenons vers l'endroit où les lagopèdes ont été aperçus antérieurement. Il est près de 13h30 et la neige ne cesse de s'accumuler. La frustration fait place à la résignation. Tout à coup, Dom a la pensée magique de nous faire continuer un peu plus loin sur le rang Saint-Pierre, plutôt que d'aller rejoindre la Route de la Rivière aux Rats. Quel nez il a ce Dom, car 16 Lagopèdes des saules se dressent là, dans le chemin, en train d'ingurgiter du gravier que l'on vient d'épandre sur la surface enneigée et glacée.




Ils nous donnent tout un show. Un individu grimpe dans un petit saule et il s'applique à avaler tous les bourgeons disponibles. Pour ce faire, il doit se contorsionner et il se présente sous tous les angles. On peut l'observer à la lunette et rien ne nous échappe. À un moment donné, ils partent tous en vol. Ils me font penser à la Perdrix grise par leur façon de se regrouper en vol, par leurs battements d'ailes, mais ils sont nettement plus puissants et plus véloces. Ensuite, 9 d'entre eux vont se percher dans un grand feuillu pour y manger les bourgeons. Avec le ciel gris et la neige qui tombe, il est presque impossible de les distinguer dans l'arbre. Dom nous dit qu'ils se perchent habituellement plus haut dans les arbres en fin de journée. Il n'est que 14h00, mais la clarté est tellement réduite que c'est peut-être pour ça qu'ils se perchent plus ostensiblement plus tôt aujourd'hui.

C'est finalement le coeur bien joyeux que nous entreprenons le chemin du retour. La traversée du parc se fait un peu plus ardûment que prévu. Il neige et des vents violents restreignent la visibilité. Peu importe, nous avons vu la très belle Perdrix blanche. Une nouvelle espèce pour notre liste de la province de Québec et une nouvelle également pour notre liste mondiale.

Je tiens à remercier l'ami Claude Mailloux de Trois-Rivières pour ses 3 belles photos des lagopèdes. Il a pris les siennes la veille de mon passage sur le rang Saint-Pierre et probablement au même endroit que nous.

@ bientôt. 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour,
Très intéressant de nous partager ce travailet surtout dans ma région locale d'ou je suis né. Avec mon chum de Val D'or R.Ladurentaye nous sommes allés pendant 4 hivers a la Baie james pour les lagoopèdes.

J'aimerais bien en connaitre plus sur ma région locale (ornitho).
salutations
jacques héneault ste-julie